Compléments alimentaires : le point sur le cadre réglementaire en France

Les compléments alimentaires, lorsqu’ils sont sérieusement formulés, sont devenus des alliés du quotidien : retrouver de l’énergie, mieux dormir, gérer le stress, soutenir l'immunité... Mais sait-on réellement ce qu’ils sont, et pourquoi leur usage fait aujourd’hui l’objet d’autant de réglementations et de débats ? Le point avec Nutrissime, fabricant de compléments alimentaires.

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Lundi 12 Mai 2025

Selon une enquête menée en 2024 par Synadiet (le Syndicat national des compléments alimentaires), 61% des Français déclarent avoir consommé au moins un complément au cours des deux dernières années, une proportion en constante hausse, reflet d’un besoin croissant d’autonomie dans la gestion de la santé.
 
Parmi les consommateurs, 77% se disent satisfaits des résultats obtenus grâce aux compléments alimentaires. Par ailleurs, 70% des utilisateurs ont maintenu une consommation régulière, signalant une stabilité dans leur utilisation des compléments alimentaires en 2024.
 

Qu'est-ce qu'un complément alimentaire ?

Un complément alimentaire est une denrée alimentaire destinée à compléter l’alimentation normale. Il se présente le plus souvent sous forme de gélules, comprimés, poudres ou liquides, et contient des nutriments (vitamines, minéraux), des plantes, ou d’autres substances naturelles à effet nutritionnel ou physiologique.
 
Il ne s’agit ni d’un médicament, ni d’un produit miracle : son rôle est d’accompagner l’organisme, en soutien ou en prévention.
 
Mais vous vous êtes peut-être déjà demandé :
 
  • Pourquoi certaines allégations sont-elles si vagues ou génériques ?
  • Pourquoi certains ingrédients ne sont-ils pas utilisés ou sous-dosés par rapport aux études ?
  • Pourquoi certains produits étrangers semblent plus "forts" que les nôtres ?

 
La réponse est à chercher dans un cadre réglementaire complexe, spécifique à la France, souvent mal compris. Et parce que nous croyons en une information claire et transparente, nous avons choisi de tout vous expliquer.
 

Des allégations encadrées… parfois à l’excès

Les compléments alimentaires sont encadrés au niveau européen par le règlement (CE) n°1924/2006, qui régit strictement les allégations de santé. Ce texte a pour but de protéger les consommateurs contre les promesses exagérées ou infondées : une intention louable.
 
Mais dans les faits, cela signifie que même si une plante ou un nutriment a fait l’objet de dizaines d’études convaincantes, nous ne pouvons rien en dire tant que l’allégation correspondante n’a pas été validée par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments).
 
Résultat : des formules efficaces… mais des emballages qui restent silencieux.
 

Des dosages parfois bridés, même pour des actifs bien documentés : le cas de l'arrêté "Nutriments"

Depuis plusieurs années, le cadre réglementaire français se caractérise par une tendance au durcissement progressif des limites autorisées dans les compléments alimentaires.
 
Si l’arrêté « Plantes » de 2014 reste actuellement en vigueur, un nouveau projet d’arrêté « Nutriments » concernant les vitamines et minéraux suscite une vive inquiétude dans le secteur.
 
En octobre 2024, l’ANSES (l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a rendu un avis à la demande de la DGAL (Direction générale de l’alimentation), proposant une révision à la baisse de nombreuses doses journalières maximales (DJM) : vitamine C (208 mg), zinc (9,7 mg), magnésium (250 mg), sélénium (67 µg), etc.

Si ces recommandations sont reprises telles quelles, jusqu’à 25 % des compléments actuellement sur le marché français devront être reformulés, selon Synadiet.
 
À ce jour, l’arrêté n’est pas encore en vigueur. Face à la mobilisation du secteur et à l’attente d’une harmonisation européenne sur les DJM, la DGAL a repoussé la publication à début 2026 au plus tôt, sauf si les négociations européennes aboutissent d’ici là.
 
Ce projet d’arrêté « Nutriments », s’il était appliqué tel que proposé par l’ANSES, poserait un véritable défi à l'efficacité des compléments alimentaires.
 
En abaissant certaines doses bien en dessous de celles ayant montré une efficacité dans les études cliniques (ex. : vitamine C limitée à 208 mg, contre 500 à 1000 mg souvent étudiés), il risque de produire des formules si faiblement dosées qu'elles deviendraient peu différenciables d’une simple alimentation équilibrée.
 
En d’autres termes : des produits toujours plus conformes… mais potentiellement moins efficaces.
 

Cette approche pourrait avoir plusieurs conséquences préoccupantes :
 
  • Perte de confiance des consommateurs, qui ne retrouveront plus les effets attendus des compléments qu’ils utilisent depuis parfois des années.
  • Discrédit global du secteur, en entretenant l’idée que les compléments seraient inefficaces par nature, alors que ce sont les restrictions réglementaires qui limitent leur potentiel.
  • Inégalité de concurrence : les consommateurs français pourraient se tourner vers des produits achetés à l’étranger ou en ligne, avec des formulations plus puissantes mais parfois moins sûres, car non soumises au même contrôle de qualité.
  • Enfin, ce projet pourrait pénaliser injustement les marques françaises sérieuses, qui font l’effort de se conformer à la réglementation, tout en fragilisant leur capacité à innover ou à répondre aux besoins réels des utilisateurs.
 

Le cadre français : entre rigueur et excès de prudence

Le cadre français est l’un des plus stricts d’Europe. Depuis que la DGAL a repris la supervision du secteur, les compléments sont traités avec une logique de sécurité alimentaire inspirée du médicament, malgré leur statut d’aliment.
 
  • Les contre-indications doivent être précisées comme s’il s’agissait d’Autorisation de mise sur le marché (AMM).
  • Les synergies entre ingrédients sont passées au crible pour éviter les effets cumulés.
  • Les dosages autorisés sont parfois très en deçà des seuils d’efficacité observés dans les études cliniques.

 
Or, les compléments ne sont pas des médicaments ; ils ne sont pas remboursés et ils ne nécessitent pas de prescription.
 
Malgré cela, le niveau d’exigence réglementaire s’en rapproche, avec des obligations similaires (mises en garde, limitations, surveillance), mais sans les avantages de reconnaissance, d’accès ou de soutien thérapeutique.
 

Des disparités notables avec le reste de l’Europe

Le cadre français des compléments alimentaires se distingue par une approche plus restrictive que celle de nombreux voisins européens, tant en matière de plantes autorisées que de doses maximales réglementaires.
 
En Belgique ou en Italie, les DJM (doses journalières maximales) autorisées pour de nombreux actifs sont souvent plus élevées, en cohérence avec les usages traditionnels ou les valeurs de référence publiées par l’EFSA.
 
Des ingrédients comme le Griffonia simplicifolia (5-HTP), le curcuma (surtout en extraits concentrés) ou encore le CBD sont acceptés dans d’autres pays avec des encadrements plus souples, alors qu’en France, leur emploi est strictement limité, parfois même dans des proportions déconnectées des données d’usage ou des avis scientifiques internationaux.
 
Le Garcinia cambogia, quant à lui, a fait l’objet d’une suspension en France pour suspicion d’hépatotoxicité, à la suite d’un rapport de l’ANSES recensant 38 cas sur 15 ans.

Ce signal de vigilance mérite attention, mais doit être apprécié avec rigueur : la plupart des cas concernaient des formules combinées (avec thé vert, pipérine, chrome…), et aucun mécanisme toxique clair n’a été démontré. 
 
Dans ce contexte, parler de "risque aigu" peut induire en erreur et donner une image alarmiste non justifiée par les données actuelles.

Les effets indésirables rapportés, bien que sérieux dans certains cas, restent extrêmement rares au regard du nombre total d’utilisateurs dans le monde, et sont souvent évitables avec une sélection rigoureuse des produits, un respect des dosages et un usage bien encadré.
 
La prudence est légitime, mais elle doit s’accompagner d’une analyse nuancée et proportionnée. Une information claire, fondée sur les preuves et respectueuse de l’intelligence des consommateurs, reste notre meilleure réponse face à la complexité croissante du cadre réglementaire.
 

Un cadre exigeant… mais aussi protecteur

Il serait injuste de ne voir que les contraintes. Ce cadre très normatif protège aussi les consommateurs à plusieurs niveaux :
 
Traçabilité renforcée : chaque ingrédient doit pouvoir être suivi depuis sa culture ou sa fabrication jusqu’à sa mise en gélule.
 
Qualité des matières premières : contrôles accrus, certifications obligatoires, et exclusion de substances à risque comme les nanoparticules, les matières irradiées ou les OGM.
 
Dépôt obligatoire auprès des autorités sanitaires : la loi impose une déclaration complète de la composition, des doses, des allégDépôt obligatoire auprès des autorités sanitaires ations, des précautions d’usage, des allergènes et du public concerné.
 

Et la France peut aussi jouer un rôle pionnier, comme en 2020, lorsqu’elle a interdit le dioxyde de titane (E171) dans les aliments avant même l’EFSA. Une décision initialement critiquée… mais finalement adoptée à l’échelle européenne en 2021.









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