Chère Islande par Cédric Chassaing-Cuvillier

Nous avons fini de vous tourner autour. Nous avons avalé près de 2.300 km d’asphalte et de poussière pendant une semaine au lieu des 10 jours prévus initialement. Nous avions beaucoup entendu parler de vous, toujours en bien, toujours de manière remarquable et unique ; très souvent en image et via une campagne de communication officielle bien huilée.





Il est vrai que les grandes affiches dans la plupart des villes du monde sont attractives, élogieuses et elles nous poussent à vous rejoindre. Votre office de tourisme est à la hauteur de votre latitude ; quasiment le 60ème parallèle et le mythique Cercle polaire.
 
Avec toutes ces images en tête, les attentes à votre égard étaient grandes et sauvages. Les images de vous sont assez limpides sur la beauté de votre profil. Instagram, notamment fait, l’éloge de vos volcans, de vos chutes d’eau, de vos aurores boréales, de vos couchers de soleil, de vos ports et de vos maisons colorées ; la nature en quelque sorte.
 
La vraie nature, sauvage, celle qui vous tient en haleine et qui vous sort de votre zone de confort comme certains voyageurs le mentionnent à leur retour. À cela, nous ajouterons que vous nous offrez des billets d’avion défiant toute concurrence au regard de votre position sur le globe ; nichée entre l'Europe et l’Amérique du Nord.
 
De ce fait, partir chez vous devient une aubaine, assez loin et beau pour pas cher. C’est comme cela que deux autres millions de touristes succombent aussi à votre charme chaque année ; participant par le fait même au tiers de votre PIB.

Malheureusement, le charme s’écroule assez rapidement, à l’image de votre capitale Reykjavik. Elle est triste. Nous nous attendions à mieux quand nous atterrissons à 50 km de Reykjavik. Votre ville manque de vie, c’est un peu Montmartre à grande échelle. Où sont votre architecture originale, votre urbanisme saillant et votre Histoire en dehors de vos musées ?
 
Pourquoi, n’avoir rien dit dans vos publicités sur les milliers de touristes à chacune de vos attractions ? Pourquoi cachez-vous les touristes sur vos photos ? Il faut reconnaitre que c’est bien fait : il y a des stationnements partout dans votre belle nature. Les autobus s’en donnent à cœur joie pour vomir leurs touristes de tous âges. Le summum du voyage organisé dans un parc d’attraction à l’échelle nationale.
 
Nous pensions à un pays sauvage, pourtant tout y est signalé, fléché et axé pour le touriste de masse. Les autres touristes comme nous avec leur voiture de location sont également heureux d’être au plus proche de ladite attraction : une chute d’eau, un glacier, voire un DC-10 abandonné. C’est sans parler des bateaux de croisière et de ses autres milliers de touristes qui arpentent les villes escales. Chaque village a son camping, où l’électricité coûte le prix d’une tente.

En fait, nous n’avions pas envie de nous attarder devant vos chutes d’eau à Skogafoos avec les autres milliers de touristes équipés du même Nikon et de leur drone. Nous avons passé un peu de temps devant le Jökulsarlon, mais à la fin nous étions dans le cadre de la photo d’une autre touriste ; nous dérangions en quelque sorte le prochain.
 
Vos paysages ne s’accordent pas avec la masse touristique. Ce n’est pas compatible. En revanche, le camping sauvage est beau et simple. Il permet de vous contempler en presque solitude : coucou voisin en camping-car. Vos bords de mer immédiats sont attractifs et ils aimantent nos regards constamment.
Par contre, vos villes et vos villages ne dégagent pas d’émotion. Nous recherchions de l’authentique et le traditionnel islandais, outre vos pulls tricotés pure laine de mouton. Chacun de vos petits ports, qui composent le tour de l’île, est à l’image du précédent, inanimé et quelconque.
 
Au fil de nos 2.300 km, nous vous avons vu sous plusieurs angles. Vos fjords « norvégiens » sont délicieux, profonds et tranchants. Vos champs de montagnes et de collines « écossais » sont d’un vert parfois surnaturel, auxquels il faut ajouter la beauté et le violet de vos lupins. Les environs orangés de votre lac Myvatn s’apparentent au nord du Chili, les volcans parfois coniques renforçant la référence. À cela, nous pouvons ajouter l’est de l’île qui se contemple comme la Patagonie argentine. Avec un peu d’Alpes et de Massif central en France, votre portrait géographie et géomorphologique est presque complet.

Aussi, Islande, vous avez 300.000 habitants, où sont-ils ? Et où sont vos pubs traditionnels aux abords de vos ports ?
 
Islande, vous ne semblez pas prête à cet afflux touristique, à l’image de votre aéroport International de Keflavik, un vrai chaos désorganisé.
 
Finalement, où est votre typiquement islandais ? Est-ce que ce serait votre coût de la vie islandais ? Tout ce que l’on voit, ce que l’entend, ce que l’on nous vend, nous laisse penser à une autre et grande Islande. Une fois sur place, la déception est immense.
 
Survoler le Groenland au retour aura été presque plus jouissif et impressionnant. Votre réputation flatteuse qui vous devance ne semble donc pas à la hauteur. Nous nous sentons réellement fourvoyer après avoir fait votre tour. Toutefois, il faut reconnaitre que vos photos vous sauvent…
 
Enfin, le plus beau reste votre drapeau !

Article publié le 19/07/2017 à 07:58 | Lu 1432 fois