Suisse : un ouvrage aborde l’architecture des établissements pour le troisième âge

En Suisse, un nouvel ouvrage publié par les Presses polytechniques et universitaires romandes porte un nouveau regard sur l'architecture des établissements médico-sociaux pour personnes âgées construits récemment dans le canton de Vaud. Bruno Marchand nous parle de cette architecture pour le troisième âge.


Pour les architectes, les établissements médico-sociaux (EMS) sont un défi particulier.
 
A mi-chemin entre le logement et l'hôpital, ils doivent stimuler le contact social mais offrir de l'intimité, accueillir les chaises roulantes et les lits d'hôpitaux tout en étant confortables et « cosy », et le tout avec des budgets généralement limités.
 
Mandatés par le Service de santé publique de l'Etat de Vaud, Bruno Marchand et Marielle Savoyat offrent un regard d'architecte sur une douzaine d'EMS récemment réalisés dans le canton de Vaud. Leurs résultats, publiés dans un livre en début d'année, donnent un aperçu de l'histoire de ce domaine et font ressortir les tendances actuelles.
 
L'architecture est-elle vraiment si importante pour la qualité d'un EMS ?

Oui, évidemment. On peut estimer que l'architecture a de l'influence sur le comportement des personnes -même si il y a des théories contradictoires à ce sujet. Mais il y a de nombreux enjeux inhérents à l'architecture des EMS : le confort et les ambiances, l'accessibilité aux lieux sont des facteurs fondamentaux pour le bien-être de personnes âgées à la santé souvent fragile.
 
Quels sont les défis que rencontrent les architectes quand ils abordent un projet d'EMS ?

L'EMS est un organisme complexe et hybride où les lieux de soins et de vie sont intimement liés. Il y a un défi fondamental, c'est que l'EMS doit être un bâtiment avec une très grande charge humaniste. Ces dernières années, leurs responsables ont cherché à rendre aussi discrète que possible la composante médicale. Les pensionnaires doivent se sentir dans une maison, et non pas dans un hôpital.
 
Parlez-nous du livre que vous venez de publier…

Notre mandat était d'offrir un regard d'architecte sur une série d'EMS construits ces dernières années dans le canton de Vaud. Nous avons comparé la conception de ces ouvrages avec leur réalisation, en essayant d'en retirer des enseignements. De plus, nous avons analysés des centaines de rendus aux concours d'architecture récents, pour dégager les « partis » possibles et ainsi constituer une base de réflexion et de documentation pour les architectes. Nous avons enfin dédié un chapitre à un aperçu historique de l'architecture de ces établissements.
 
Qu'est-ce qui fait d'un EMS un bon EMS ?

En gros, tout ce qui atténue le côté hospitalier de l'établissement. Les longs couloirs sont de plus en plus remplacés par espaces de circulation en boucle pour éviter des dispositifs qui rappellent les hôpitaux. Beaucoup d'attention doit être portée à la chambre et aux éléments architecturaux qui s'y rapportent, comme la porte et les fenêtres. Le sas d'entrée, qui fait la transition du public au privé, du collectif à l'intime, est un autre élément clé. L'emplacement des EMS est également important. Il faut éviter de construire « des oasis de quiétude en pleine campagne » et plutôt les placer dans un quartier fréquenté, bien desservi, avec des commerces. Malheureusement ces terrains en ville sont de plus en plus rares.
 
Quelles sont de nos jours les principales manières de penser l'EMS ?

Ce qui est ressorti de notre analyse des concours est surtout l'idée que les EMS devraient être pensés comme des grandes maisons, de la taille d'une maison de maître. Parfois une même fenêtre donne sur deux chambres et est disposée en quinconce pour atténuer le côté institutionnel et répétitif des ouvertures. Pour les établissements d'une grande taille, on voit souvent une fragmentation en plusieurs bâtiments.
 
Existe-t-il d'autres modèles ?

A Bâle, Herzog et de Meuron ont construit un EMS dans un stade de football en disant de manière provocatrice que les personnes âgées adorent le foot... Il n'y a pas qu'une seule vision, d'où l'intérêt d'écrire ce livre. Mais malgré ces différences, le discours humaniste se généralise, chaque fois adapté aux caractéristiques culturelles et financières locales.
 
Quelle est la situation en Suisse, et plus particulièrement dans le canton de Vaud ?

Historiquement, la Suisse est très attentive au bien-être des personnes âgées. Elle est ainsi devenue l'un des pays les plus avancés en la matière. Comme souvent, ce pays se distingue par une très haute qualité de vie et d'infrastructures, et cela vaut aussi pour les EMS. De plus, on sent une constante progression. Chaque projet livre son lot d'enseignements. Les différents collaborateurs du Service de la santé publique de l'Etat de Vaud jouent un très rôle important pour orienter ces projets et les faire évoluer en adéquation avec les changements de pratiques.
 
Est-ce que quelque chose vous a fasciné en particulier pendant votre recherche ?

Déménager dans un EMS est une étape de vie difficile et il est passionnant de voir comment les différentes personnes s'y prennent. Certains se coupent de leur vie passée et n'emportent que leur brosse à dents, tandis que d'autres emmènent tout ce qu'ils possèdent. Comme l'espace est limité, cela peut parfois poser des problèmes. Mais ce que j'ai vu et entendu lors de nos visites était dans l'ensemble très positif. Même dans un petit espace, il est parfaitement possible de vivre bien.

Publié le 15/01/2014 à 10:11 | Lu 1270 fois