Small World de Martin Suter : un livre contre l’oubli

Alors que sort aujourd’hui dans les salles obscures le dernier long-métrage de Bruno Chiche « Je n’ai rien oublié » avec Gérard Depardieu et Neils Arestrup, revenons sur le roman « Small World » du Suisse Martin Suter qui a inspiré ce nouveau film.


Small World de Martin Suter
A 60 ans, Conrad Lang vit aux crochets d'une riche famille qui l'a recueilli enfant et l'emploie aujourd'hui comme gardien. Un soir, il met accidentellement le feu à leur villa.

Ce sont les premiers symptômes d'un mal mystérieux, qui va avoir d'autres conséquences troublantes.

Au fur et à mesure que sa mémoire proche est engloutie, des souvenirs que certains espéraient enfouis à tout jamais resurgissent peu à peu...

Point de vue du réalisateur et des deux acteurs sur l’histoire

Bruno Chiche : J’ai eu un vrai coup de foudre de lecteur pour ce roman. J’ai d’abord été emporté par sa face romanesque née de ce personnage de Conrad entre deux mondes : le monde réel et son monde imaginaire. Puis j’ai été passionné par le secret qui sous-tend cette histoire et transforme ce roman en thriller familial. Pour autant, lorsque j’ai refermé le livre, j’étais persuadé qu’il était inadaptable. Et puis, un jour, j’étais chez moi dans le centre de la France, en convalescence, je me suis replongé dans Small World, sans raison particulière. Et là, je me suis mis à l’annoter, bref à commencer à réfléchir à une éventuelle adaptation. C’était une envie inexplicable, presque animale. Ce projet s’est en fait imposé à moi. Comme j’aimais l’univers de ce livre, j’ai juste eu envie de passer le plus de temps possible avec Conrad, je me sentais étrangement proche de lui.

Gérard Depardieu : Bruno m’a envoyé le scénario et je l’ai rappelé tout de suite après l’avoir lu pour lui dire la beauté de l’histoire qu’il voulait raconter. Il a eu la gentillesse de penser que je pourrais être son Conrad, cet homme dont la perte progressive de mémoire va semer le trouble dans cette famille bourgeoise dont il est proche depuis toujours. Et j’ai bien évidemment accepté. Car j’ai adoré l’atmosphère très hitchcockienne qu’annonçait ce scénario. Et l’ensemble tient ses promesses puisqu’il se révèle plein de surprises. Et ce pour une raison de base très simple : il est impossible de connaître avec précision les effets de la maladie d’Alzheimer puisqu’elle ne laisse, par définition, aucune trace, aucun souvenir chez ceux qui en sont atteints. Avec cette maladie en toile de fond, on plonge donc dans un océan de mystères. Mais en dépit des circonstances dramatiques, Je n'ai rien oublié va générer de l’espoir.

Niels Arestrup : Plus que sur la maladie, Je n'ai rien oublié est un film sur le secret. Car le secret est toujours une question de mémoire : il y est enfoui d’une manière ou d’une autre. Certains vont y avoir accès s’ils ont la capacité de se souvenir. Mais en réalité, tous autant que nous sommes aimons bien ne pas avoir trop de mémoire : ça arrange beaucoup de choses. C’est en tout cas à mes yeux un thème original et important. Et j’ai dévoré l’histoire de cette famille provinciale très assise dans ses certitudes et sur un secret qui va leur exploser à la figure comme une bombe. Elle m’est tout de suite apparue tout à la fois excitante et cinématographique.

Le romancier Martin Suter est né à Zurich en 1948. La plupart de ses romans sont disponibles en Points.

Small World de Martin Suter
Le cercle Point Edition
7,5 euros
384 pages
Paru le 17/03/2011
EAN : 9782757821398

Publié le 30/03/2011 à 11:54 | Lu 3372 fois