Serge Guérin : une affaire de prévention qui devrait faire débat pour la présidentielle !

Est-ce l’effet de la pandémie de la Covid ? Est-ce la découverte de notre fragilité ? Les Français sont majoritairement attentifs aux questions de prévention. Sacrée bonne nouvelle !


En effet, selon une étude Elabe pour la Fondation Pileje, publiée fin 2021, 97% des Français trouvent utile (dont 63% très utile) d’agir sur ses comportements (tabac, alcool…). De même, 97% des Français estiment utile (dont 57% très utile) d’avoir une alimentation plus saine. Ou encore, 96% jugent utile (dont 51% très utile) de pratiquer un sport ou une activité physique.
 
Si les plus âgés sont encore plus convaincus, notons que les moins de 25 ans se déclarent aussi sensibles à ces pratiques de prévention. Bien sûr, il y a parfois un certain fossé entre les déclarations et les faits : 99% des moins de 25 ans déclarent utile (et 58% très utile) de pratiquer un sport, mais en 25 ans, les jeunes ont diminué de 25% leur activité physique…
 
Ca bouge dans la prévention
Tout irait mieux donc ? Pas encore… Faut-il rappeler que seulement 3% des budgets de santé sont alloués à la prévention ? Faut-il remarquer que la majorité des actions en faveur de la prévention sont peu attentives à la diversité des motivations et des freins sociaux ou culturels ?
 
Par exemple, les études montrent le lien entre niveau de diplôme et consommation de tabac. Faut-il redire que la prévention ne se limite pas à quelques messages ponctuant les annonces publicitaires ou à quelques discours moralisateurs ?
 
Notons que 52% des Français trouvent cependant très utile de développer ces campagnes de prévention. Faut-il insister sur l’importance de politiques de soutien au long cours avec la mobilisation de professionnels de la prévention et le développement d’un meilleur accès aux soins ?
 
De ce point de vue, l’étude Elabe pour la Fondation Pileje, montre 98% des Français insistent sur l’importance de l’accès au soin (41% trouvent cela très utile, et c’est le cas de 65% des plus de 65 ans). Un groupe associatif comme Siel Bleu depuis plus de 25 ans, avec plus de 700 chargés de prévention, favorise l’activité physique adapté auprès des seniors comme des personnes touchées par un handicap. Avec des résultats incroyablement positifs, y compris sur la qualité de vie, l’estime de soi et la qualité du lien social des plus âgés.
 
L’Agence des Médecines Complémentaires et Alternatives (A-MCA) favorise quant à elle, la prise de conscience et le déploiement de certaines médecines complémentaires dans une optique de prévention, de bien vieillir, de soutien aux aidants et de qualité de vie. De plus en plus de communes cherchent à agir auprès des habitants sur la prévention dans une logique de proximité.
 
Nombre de mutuelles et d’institutions de prévoyance veulent renforcer leur politique en faveur de la prévention. La Fédération des Esh (Entreprises sociales pour l’habitat) a signé une convention avec l’A-MCA. La société civile prend conscience de ce nouvel horizon, de cette ardente obligation, de l’intérêt collectif et individuel à s’inscrire dans une culture de la prévention. Quel que soit son âge. La prévention c’est bon pour l’intergénération…
 
Une prévention qui dépasse le thème de la santé pour s’inscrire dans une logique du « care ». C’est-à-dire d’une conscience holistique du soin mutuel, du soutien aux acteurs de la santé et de la prise en compte de l’environnement, de l’élargissement de la notion de prévention au logement, à l’éducation tout au long de la vie, à l’importance des liens sociaux et de l’estime de soi…
 
Un sujet absent des débats de la présidentielle
Les Français ont fort bien intégré la notion de care environnemental ou de « one health » : toujours selon l’enquête Elabe, 89% déclarent que mener des actions pour protéger l’environnement est utile pour rester le plus longtemps possible en bonne santé. Bon sang, pourquoi cette prise de conscience ne se traduit-elle pas, ou si peu, dans les programmes de la présidentielle ?!
 
Plus globalement, les questions sur « comment adapter la société à la longévité » et « accompagner le grand âge » sont pour l’instant peu présentes dans les débats de la présidentielle. Pourtant, la France prend des rides et cela inquiète la majorité des décideurs, des élus et des économistes.
 
A moins que les candidats pensent que cette peur de vieillir soit une affaire de très vieux qui n’intéresse guère la grande majorité des électeurs ? Perdu : ce sont les plus jeunes qui ont le plus peur de vieillir. Selon l’étude, les 18-24 ans sont 60% à craindre de vieillir et seulement, 40% des plus de 65 ans.
 
Il faut aussi rappeler aux candidats que la perte d’autonomie inquiète 71% des Français. Certes, cette angoisse concerne 80% des plus de 65 ans, mais aussi 62% des 18-50 ans. En outre, la perte de capacités mentales alarme 61% et 72% pour les plus de 65 ans.
 
En revanche, jeunes et seniors se retrouvent dans un même optimisme, respectivement à 85 et 84%, dans la conviction que dans les années à venir, il sera possible de vivre plus longtemps en bonne santé. Les Français ont plus confiance dans la société de la longévité que nos décideurs…
 
Réussir la société durable de la longévité oblige à inventer un imaginaire positif de la prévention. C’est par ce levier que partout sur le territoire pourront se déployer et se renforcer des actions concrètes, adaptées aux différents publics, et de long terme en faveur d’une France de la prévention.
 
@Guerin_Serge
Sociologue. Professeur à l’INSEEC GE. Président de l’A-MCA. Derniers ouvrages, « Au service de la vie. Les métiers au service de la personne », Fauves, et « Les Quincados », Calmann-Lévy.

Publié le 06/01/2022 à 04:31 | Lu 8632 fois