Seniors : la question de l’identité (1), chronique de Serge Guérin

Dans la France d’aujourd’hui, les références -d’ailleurs largement portées par les seniors eux-mêmes- sont marquées du sceau de la jeunesse et de la beauté. Les personnes avançant en âge, en particulier les femmes, doivent largement composer avec le « faire jeune » comme idéal normatif se traduisant par exemple par le « vieillir jeune », formule paradoxale et toute empreinte de l’idéologie jeuniste, largement portée par les médias et le discours publicitaire.


On sait, avec Georges Palante, que l’individu est fragile face à la pression de la norme et souffre d’être perçu comme différent de l’autre.

Notre identité vient en grande partie du regard de l’autre et de l’image que l’on veut lui renvoyer.

Notons en outre que si l’ensemble des individus est influencé et influence les médias, pour autant, il existe des populations -en particulier les très âgés vivant ou non en institution- qui s’inscrivent dans le champ proposé par Elfreda Chatmann : celui de l’information pauvre (qui concerne les individus ayant moins accès à l’espace public, à la fois comme émetteur mais également comme récepteur de l’information).

Le vieillissement entraîne la société à refonder son pacte social et à dégager de nouvelles références par un jeu d’influence réciproque entre les personnes âgées et l’espace public. Le vieillissement de la population participe donc directement des mutations du lien social et transforme les conditions de la solidarité organique. Il nécessite de penser les conséquences de la rupture des liens sociaux et l’importance de la diversité des appartenances (Serge Paugam, « Le lien social », Que-sais-je ?, PUF, 2008).

Dans cette optique, la lutte pour la reconnaissance des acteurs faibles, ou des Outsiders pour reprendre la formule de Becker, peut transformer le jeu social. La diminution du niveau des retraites, la précarisation croissante des plus de 50 ans non retraités et les difficultés de la prise en charge des plus fragiles sont autant de déséquilibres appelés à produire toujours plus de tension.

Il faut inventer une sociologie de la maturescence, pour reprendre le terme inventé par Claudine Attias-Donfut, destiné à répondre au bouleversement du réel et de nos représentations.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier La société des seniors Editions Michalon
Seniors : la question de l’identité (1), chronique de Serge Guérin

Publié le 31/08/2009 à 18:32 | Lu 2452 fois