Seniors au volant : la conduite, une condition sine qua non pour être autonome

Selon une récente étude de l’association Prévention Routière et de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), même si les huit millions de titulaires du permis B âgés de plus de 65 ans reconnaissent avoir des difficultés sur la route… les seniors tiennent à conserver ce précieux sésame garant de leur autonomie.





Alors que les seniors représentent aujourd’hui 16 % de la population, ce chiffre devrait presque doubler d'ici 2050 : la question de la mobilité des seniors est donc un enjeu de société majeur, et leur permettre de conduire le plus longtemps possible en sécurité une nécessité.

Dans ce contexte démographique sans précédent, l’association Prévention Routière et la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) ont donc décidé d'intensifier leurs actions en direction des seniors.

Pour cela, ils ont réalisé une étude permettant de mieux comprendre les difficultés et les attentes des conducteurs seniors. Ils ont également conçu un support pédagogique intitulé « Conduite senior - Restez mobile ! » qui vise à améliorer le contenu des formations que l’association Prévention Routière propose aux conducteurs âgés.

Les principaux enseignement de l’étude « Seniors, mobilité et risque routier »∗

La conduite automobile et la possession d’une voiture apparaissent essentielles pour les seniors
La conduite automobile est pour de nombreux seniors une condition sine qua non pour être autonome et mobile : « Quand les enfants nous voient arriver en voiture, ils se disent qu’on est encore bien ». Ce besoin de mobilité est d’autant plus important que de nombreux seniors ont choisi de vivre en maison individuelle dans des zones suburbaines éloignées des centres villes ou en zone rurale. Le rôle de la conduite est essentiel pour la facilité à effectuer des courses, l’aide au maintien des contacts sociaux et la possibilité d’honorer ses rendez-vous.

Pour les seniors, la voiture constitue un symbole fort
Pour des personnes qui ont passé le permis de conduire juste après la Seconde Guerre mondiale, la voiture symbolise un progrès et une ascension sociale. L’obtention du permis reste un moment fort, et la plupart des seniors ont du mal à imaginer que celui-ci puisse leur être retiré dans le cadre d’une interdiction de conduire ou dans le cadre d’un retrait de points.

Les seniors déclarent ne pas être à l’aise dans de multiples situations de conduite
Si certaines situations dans lesquelles les seniors éprouvent des difficultés sont bien connues des formateurs (giratoires, autoroutes), d’autres méritent également une attention particulière : situations de dépassement, conduite à proximité des poids lourds, difficultés à maintenir sa vitesse au même niveau que celle des autres, à redémarrer au « stop » ou en côte, à faire des créneaux, à conduire la nuit ou lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, crainte des lieux ou des moments où la circulation est dense. L’ensemble de ces difficultés conduit les seniors à se replier sur des trajets connus. Cette stratégie n’est pas mauvaise en soi, mais il faut savoir qu’elle comporte des risques inhérents : inattention, dégradation de la capacité à s’adapter à des situations nouvelles.

Les transports en commun sont peu perçus comme un moyen de transport alternatif (quand ils existent), sauf pour les seniors résidant en milieu urbain
Les seniors utilisent les transports en commun seulement s’ils ne peuvent pas faire autrement car ils les considèrent trop contraignants : horaires aléatoires, attentes, accès difficile pour monter et descendre du bus…, ou alors en complément de la voiture, surtout pour les seniors habitant en périphérie de grandes villes.

Bien que constatant les difficultés de leur mari à conduire, les conjointes sont réticentes à les inciter à abandonner la voiture
À l’exception de veuves ou de divorcées ayant été contraintes de reprendre la conduite, les conjointes ont, le plus souvent, abandonné la pratique de la conduite. Pour elles, le fait que leur mari arrête de conduire impliquerait une perte totale d’autonomie du foyer. C’est malheureusement ce qui arrive si survient le décès de leur mari : « Quand mon père était en vie, elle ne conduisait pas, parce qu’il la stressait. Et depuis son décès, elle n’a pas repris, elle est traumatisée. Elle n’a eu personne pour la motiver et la remettre en confiance. »

Les enfants se sentent « mal placés » pour aborder la problématique de la conduite automobile avec leurs parents
Si certains enfants admettent pouvoir constituer un relais d’information et de sensibilisation à destination de leurs parents, ils sont une majorité à ne pas souhaiter aborder le sujet. Beaucoup d’entre eux craignent un rejet ou imaginent difficilement pouvoir inverser le rapport d’autorité : « On n’a pas à dire à nos parents ce qu’ils ont à faire ». On peut aussi voir, dans ce rejet, une manière de n’accepter ni la perte d’autonomie de ses parents ni leur prise en charge.

Peu de seniors abordent le problème de leur capacité à conduire avec leur médecin
De manière générale, les médecins préfèrent ne pas aborder le sujet de la conduite avec leurs patients. Ils ne souhaitent pas, en effet, impliquer leur responsabilité en interdisant la conduite automobile ou, à l’inverse, en l’autorisant. De leur côté, les seniors rejettent tout contrôle d’aptitude susceptible de déboucher sur une interdiction de conduire. Beaucoup d’entre eux sont en revanche ouverts à l’idée de faire des bilans de santé aboutissant non pas à des sanctions mais à des conseils comme, par exemple, suivre un stage de remise à niveau, corriger sa vue…

Des seniors aux profils différenciés
Tous les seniors ne font pas face de la même manière aux difficultés rencontrées dans la conduite de leur véhicule et à l’abandon potentiel de cette activité. Trois groupes se distinguent et se répartissent différemment selon l’âge.

- Le déni
« Je n’ai jamais eu d’appréhension sur la route. Je peux faire encore 1 200 km d’une traite ! »
Les seniors appartenant à cette catégorie minimisent l’évolution de leur état et son impact sur la conduite. Ils attribuent les difficultés qu’ils rencontrent aux autres. Ils rejettent toute idée d’évaluation de leurs capacités à conduire et estiment ne pas avoir besoin de stages de remise à niveau. Ils déclarent ne jamais avoir eu d’accident (même si cela se révèle être faux) et cherchent à continuer à conduire quoi qu’il arrive.

- La lucidité réactive
« Depuis que j’ai été opéré, que j’ai été malade, j’ai peur. C’est pourquoi, l’autre fois, j’ai traversé toute la ville de Niort pour voir si j’étais capable et je n’ai pas eu de problèmes. » Ces seniors sont lucides sur leur état de santé mais ils cherchent à s’adapter et réagissent de diverses manières : ils acceptent d’être évalués, de remettre en question leur formation et sont demandeurs d’information. Ce sont principalement les seniors de cette catégorie qui participent spontanément à des stages de remise à niveau. Une fois remis en confiance, ils osent des trajets qu’ils ne faisaient plus (reprendre l’autoroute, refaire un long trajet…).

- L’acceptation passive
« J’ai constaté que physiquement j’avais baissé donc je me suis dit qu’il était inutile de prendre des risques au volant. » C’est le profil inverse du déni. Les seniors de cette catégorie constatent une dégradation de leur état général et de leur capacité à conduire. Ils vivent leur vieillissement comme un processus inéluctable. Ceux qui conduisent encore ont conscience qu’il faudra s’arrêter tôt ou tard mais ils n’ont pas prévu d’autre solution. Pour eux, l’arrêt de la conduite équivaut presque à l’entrée en maison de retraite. Ils n’ont pas du tout conscience qu’il est possible de prolonger sa capacité à conduire.

Étude réalisée par Gaultier & Associés en septembre et octobre 2008 auprès d’un panel composé de 54 seniors -de deux tranches d’âges : 60 à 75 ans et 75 ans et plus-, 20 enfants de seniors et 24 professionnels (médecins, acteurs de prévention) lors d'une soixantaine d'entretiens individuels et quatre réunions de groupe.
Seniors au volant : la conduite, une condition sine qua non pour être autonome

Le kit « Conduite senior/restez mobile ! »
Alors que l’association Prévention Routière met en place depuis plusieurs années, par l’intermédiaire de ses comités départementaux, des actions de sensibilisation à l’intention des seniors (stages, conférences, audits de conduite…), le nouveau support pédagogique « Conduite senior/restez mobile ! » s’adresse aux formateurs qui animent ces stages. Chaque année, près de 20.000 seniors sont touchés par ces actions. L’objectif de ce support pédagogique est d’enrichir le contenu de ces interventions par l’apport d’éléments multimédias interactifs.

Article publié le 05/03/2009 à 01:09 | Lu 14202 fois