Senior moi ? Oui ... mais plus tard !

« Pas de définition du senior type à vrai dire, juste des clichés très commerciaux… » déclare Sylvie (50-54 ans) ; « L’âge n’a rien à voir avec l’esprit. Dans la tête, j’ai toujours vingt ans (c’est d’ailleurs parfois gênant)… » raconte de son côté Yveline (60-65 ans), toutes deux panélistes du Baromètre Vauban Humanis/Harris Interactive « Générations + de 50 ans : aujourd’hui et demain ? ». Mener une réflexion de fond sur les problématiques propres aux 50-65 ans, comprendre leurs usages et attitudes pour mieux identifier leurs attentes, tels ont été les objectifs de ce premier baromètre sur les comportements des 50-65 ans. Détails.


Grâce à une collaboration entre Vauban Humanis, groupe de protection sociale et l’Institut d’études Harris Interactive, Denis Guiot et Ziad Malas, chercheurs et professeurs en gestion à l’Université Paris Dauphine, experts en marketing senior, deux constats ressortent : tout d’abord, il existe un clivage important entre l’âge physique et l’âge subjectif des 50 ans et plus (ce n’est pas nouveau) et ensuite, les 50 ans et plus sont définitivement inclassables et complexes, partagés entre sérénité et inquiétude.

En tout, mille seniors actifs et jeunes retraités ont été interrogés de fin juin à fin juillet 2010, via une enquête en ligne et un blog collaboratif. Une première pour un groupe de protection sociale. Les répondants ont ainsi été questionnés sur plusieurs grandes thématiques : activités, projets et styles de vie, le passage du temps et les liens intergénérationnels. Et voici les grandes tendances de cette enquête.

Activités et styles de vie

Une vie professionnelle peu présente après la retraite, mais une continuité des activités extraprofessionnelles et une plus large place laissée aux activités sociales : 14% des répondants ont gardé une activité professionnelle –identique à avant ou différente- après la retraite, de quelques heures par semaine essentiellement. À contrario, il existe une certaine continuité dans les activités extraprofessionnelles pratiquées avant, puis après la retraite, avec une intensification de certaines d’entre elles lors de la retraite.

Par ailleurs et logiquement, une place plus grande est accordée aux activités dites sociales (amis, famille, associations, …) au moment de la retraite. Ceci s’explique par un besoin d’être utile et de garder une place dans la société, mais également de pallier l’angoisse de l’isolement. Les plus de 50 ans mixent alors les activités solitaires (TV à 81%, lecture à 80%, radio à 76%, bricolage à 62%) et les moments à partager en famille à 66% ou entre amis à 63%.

Les activités culturelles tirent également leur épingle du jeu puisque citées par 27% des répondants. Une période qui est également l’occasion d’avoir du temps pour soi et de faire ce que l’on veut. Comme l’imaginent les futurs retraités qui appréhendent la retraite d’un point de vue plus individualiste : c’est avant tout l’occasion de se reposer et d’avoir du temps pour soi. Trois styles de vie sont plus particulièrement communs aux non-retraités et retraités : les découvertes et les sorties (29%), la famille (14,5%) et le bénévolat et les loisirs artistiques (13%).

Enfin, les 50-65 ans déclarent pour 80% d’entre-eux garder leurs petits-enfants, mais de façon ponctuelle, en service rendu, pour un dépannage, ne voulant pas se substituer aux parents, ou pour la période des vacances (39%) et 20% déclarent ne pas les garder ou presque jamais. Au final, des 50-65 ans très actifs qui se caractérisent par une certaine urgence à vivre bien. Ils cherchent à jouir pleinement de la vie.
Senior moi ? Oui ... mais plus tard !

Le passage du temps : perception et image, se sentir jeune, tout en acceptant son âge

On observe un décalage significatif entre l’âge psychique et l’âge physique. Les 50-65 ans ont une tendance au jeunisme : alors qu’en moyenne les répondants ont 56,8 ans, physiquement ils se donnent 51,6 ans et au fond d’eux-mêmes ils se sentent avoir 43,9 ans.

Dans le même temps et paradoxalement, pour 90% des personnes interrogées, bien vieillir, c’est avant tout accepter sereinement son âge. Ils précisent également que bien vivre son âge est synonyme de bonne santé (39%) et d’épanouissement dans les activités que l’on aime (37%).

Denis Guiot et Ziad Malas expliquent qu’il n’y a pas de déconnection entre l’âge réel et l’âge subjectif/psychique (âge ressenti), mais une prise de distance marquée par nos valeurs (maturité, autonomie, …), les événements de la vie (passage à la retraite, départ des enfants, veuvage, maladie, …),… Enfin, l’âge subjectif est détaché du physique.

Les deux spécialistes distinguent trois profils de population au sein des personnes interrogées : les « jeunistes », présentant un fort écart entre l’âge réel et l’âge subjectif et exprimant des valeurs de rébellion (25% de femmes, contre 24% d’hommes) ; les « modérés » avec un moindre écart, épris de liberté et visant la sérénité (12,7% de femmes et 12% d’hommes) et les « réalistes » avec un écart faible, pour qui avoir du temps libre et des responsabilités est important. L’âge subjectif, une notion qui demeure complexe et qu’il faut manipuler avec précaution.

Pour un tiers d’entre eux, soulignons le sentiment de n’appartenir à aucune génération, voire le refus d’être catégorisé. Ainsi, à la question « avez-vous le sentiment d’appartenir à une génération spécifique ? », les répondants se sentent certes liés à la génération « baby boom » à 42%, mais ce qui frappe c’est que 33% d’entre eux disent n’appartenir à aucune génération spécifique. Ils ne souhaitent pas être catégorisés, mis dans des cases et être comme tout le monde.

« Les seniors », un terme purement marketing pour certains d’entre eux, il n’existe pas un senior type mais une multitude de seniors. Enfin, les plus de 50 ans se reconnaissent dans certains événements. Parmi ceux qui les ont le plus marqués, viennent dans l’ordre (et sans trop de surprise) : Mai 68 (38%), l’arrivée de la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand (18%), la chute du mur de Berlin (14%) ou encore les années hippies (12%). Sont citées dans une moindre mesure : les Trente glorieuses, la fin de la Seconde guerre mondiale, la Guerre froide, la guerre d’Algérie et la reconstruction après la Seconde guerre mondiale. Ce sont typiquement des moments qui ont généré des changements importants dans la société française.

Finalement, la tendance semble de se percevoir « senior » de plus en plus tard : la retraite n’est plus potentiellement un rite de passage. Ainsi, on deviendrait « senior » sur la base de critères physiques. La dépendance est un signe fort et redouté, pour les deux-tiers des interrogés, puisque pour les enquêtés, être quinquagénaire ou sexagénaire signifie être autonome pour 80% d’entre eux.

Le passage du temps : de la retraite à la vieillesse ; la retraite, un moment de liberté et de détente

Sur dix phrases proposées aux panélistes, pour 85% des répondants retraités, « la retraite » est majoritairement une période de la vie pour faire ce qu’ils veulent, un moment de liberté et d’accomplissement de projets tant attendu.

La plupart déclare avoir bien vécu leur passage à la retraite. C’est le moment de penser à soi, à son couple, de vivre pour soi et à son rythme. Pour les futurs retraités, ce sera une période de la vie pour se détendre (72%). Globalement, la retraite est appréhendée positivement.

C’est l’occasion de se recentrer sur soi et sa famille, mais tout en restant actifs et ouverts aux autres, c’est également l’occasion de réaliser ses projets. Un sentiment d’inquiétude lié à sa propre dépendance physique, à celle de ses parents et à la dépendance financière de ses enfants

Plus d’un répondant sur deux a été confronté de près à la maladie (20% directement, 38% indirectement). Cette proximité avec la maladie les inquiète, les fait réfléchir et renvoie aux problèmes de dépendance, symboles du passage à la vieillesse. En effet, à la question, « à votre avis quel événement majeur marque le passage à la vieillesse ? », les réponses sont à 40% la dépendance physique, l’entrée en maison de retraite à 14% puis la maladie à 12%.

Outre leur propre dépendance, 49% des répondants s’inquiètent pour l’avenir de leur descendance « Quel avenir pour nos enfants ? Boulot ? Chômage ? » commente Bernard (60-65 ans). Une angoisse qui est liée à la situation financière de leurs enfants jugée difficile par 78% des répondants. Mais, leurs valeurs (conception du travail, de la vie de famille, naissance tardive des enfants, …) les inquiètent également, tout comme l’environnement écologique, politique, économique et social dans lequel ils évoluent.

« J’ai peur que mes enfants ne connaissent pas l’amour qui dure toute une vie, leur génération est un peu « zapping », ils se lassent vite de tout, n’ont pas envie de se marier, d’avoir des enfants, sont un peu égoïstes… » commente Claire (50-54 ans). Enfin, les interrogés sont également directement confrontés à la dépendance physique de leurs parents pour 27% d’entre eux.

Partagés entre sérénité et inquiétude (pour leurs proches surtout), les 50-65 ans s’estiment globalement chanceux, notamment par rapport à leurs enfants. Denis Guiot et Ziad Malas ont donc voulu expliquer la satisfaction à l’égard de la vie des 50-65 ans. Ils l’expliquent en grande partie dans les stratégies adoptées par les uns et les autres face aux difficultés et à la gestion des buts.

À partir de 50 ans, on éprouve parfois un peu de mal à atteindre ses buts et face à des difficultés, l’individu réagit de manière différente : en sélectionnant (identifier et choisir des priorités), en optimisant (persévérer et patienter pour atteindre les buts fixés) ou en compensant (chercher de nouveaux moyens d’atteindre ses buts). Ainsi, à cette période de la vie, on se sent heureux, plus on accepte son âge, plus on est résolu (stratégie de l’optimisation) à atteindre ses buts, plus on se perçoit à l’aise financièrement et plus les événements de la vie vous sourient. Au final, des 50-65 ans qui entrent dans une période de leur vie marquée par une situation délicate entre dépendance de leurs parents et/ou enfants et désir de prendre du temps pour eux et/ou de se reposer après une vie de labeur.

Le lien intergénérationnel : une transmission des valeurs et du patrimoine de son vivant

Pour les 50-65 ans, la transmission semble être une préoccupation latente (63% déclarent s’en préoccuper). Une transmission qui s’exprime d’ailleurs aussi bien en termes de valeurs morales (« une vie ne se résume pas au patrimoine matériel mais plutôt culturel » commente Janine (60-65 ans)) que de dons financiers.

Sans surprise, le niveau d’implication dans la transmission de son patrimoine financier varie en fonction de son état d’esprit, de la période de la vie dans laquelle on se trouve (retraité ou non), de sa situation familiale (comme avoir ses parents en vie ou non), de la gestion de ses buts et de la perception de sa situation financière (se sentir à l’aise financièrement encourage la transmission).

Il y a donc plusieurs comportements face à la transmission :

- l’arbitrage peut se faire, non pas seulement en se disant, « combien vais-je laisser à mes enfants ? », mais
également « que vais-je laisser à mes enfants : dette ou héritage ? ». Les préoccupations sont alors liées au désir d’éviter des soucis à leurs héritiers pour 94% ou d’éviter les conflits pour 85%. De plus, 85% ont déjà mis en place des moyens de transmission de leur patrimoine (58% ont souscrit à une assurance-vie et 49% ont fait des placements financiers dans ce but)
- en outre, certains seniors expriment une inquiétude sur la précarité de leur situation actuelle et sur la situation de leurs enfants, notamment après leur disparition : d’où des comportements répandus de donations en sommes d’argent ou en nature (voiture, maison, …) au jour le jour (« L’idéal est de pouvoir aider ses enfants de son vivant et quand ils en ont besoin… » raconte Élisabeth (50-54 ans)) et en fonction des ressources du moment et du besoin des enfants : 82% aident financièrement leurs enfants dont 39% régulièrement et 56% ont déjà fait des donations.

Denis Guiot et Ziad Malas sont revenus plus particulièrement sur « À qui fait-on des donations ? ». Au conjoint pour 24,8% des répondants, puis aux enfants pour 20,3%. En revanche, très peu aux petits-enfants. La donation au conjoint est une pratique plutôt masculine. Le fait d’avoir des enfants qui ne vivent pas sous le même toit encourage la donation au conjoint.

Pour la donation aux enfants, plus on est âgé, plus il y a de chances qu’on ait déjà fait des donations. Plus les 50-65 ans se montrent satisfaits de leur vie, moins il y a de chance qu’ils aient déjà fait une donation. Lorsqu’ils se perçoivent comme aisés, ils ont trois fois plus de chances d’effectuer un don. Et plus ils sont diplômés, plus ils tendent à faire une donation.

Enfin, le fait d’être ou d’avoir été ouvrier divise les chances d’avoir déjà fait une donation par 6,2 par rapport à la moyenne des Français du même âge. À l’inverse, les donations sont fortes chez les agriculteurs et les cadres. Au final, la transmission apparaît comme un point important qui fait écho à des pratiques diverses mises en place par les répondants, souvent de leur vivant et de façon plus continue.

Ce qui se profile, à quoi faut-il s’attendre ? Les 50-65 ans demain ?

Avec l’amplification de l’âge subjectif notamment, les 50-65 ans finissent par se comporter différemment et à adopter les codes de la jeunesse. Avoir du temps libre, se recentrer sur soi, … sont ce qu’attendent les plus de 50 ans de cette période de leur vie. Vers un égocentrisme des seniors ? À l’image des adolescents, ils veulent de plus en plus se sentir libres, faire ce qu’ils veulent « garder leurs petits-enfants, oui, mais pas tout le temps, lorsqu’ils sont disponibles ». Mais, en même temps, tout comme les jeunes, ils demeureront complexes, car leurs proches les inquiètent, surtout leurs enfants, en manque de repères et de valeurs traditionnelles, alors même qu’ils sont en train de casser leurs propres codes !

Alors, « les 50-65 ans, les nouveaux rebelles ? » s’interrogent les responsables de cette étude…

Publié le 23/09/2010 à 13:53 | Lu 3881 fois