Renaissance italienne d’Eric Laurrent : l’accord de Yalda


Plus qu’un simple roman d’amour, c’est au cœur même de son œuvre que nous plonge le dernier opus d’Eric Laurrent.

Le narrateur, ou l’auteur affublé en narrateur (la piste, constamment brouillée, approfondit la perspective agrandissant une dimension de lecture), ne peut oublier Clara Stern* dont l’histoire de leur relation amoureuse faisait l’objet de son précédent livre. On découvrira d’ailleurs ici les circonstances de son écriture.

Au cours d’une soirée, il rencontre Yalda qui lui demande s’il veut bien l’accompagner en Italie. Il accepte. On ne saura qu’à la fin s’il s’agissait d’une histoire d’amour.

Du narrateur, on ne connaît pas le nom. On sait seulement que l’église romane San Loranzo porte le même patronyme que lui, que c’était « aussi un prénom, il s’agissait précisément de l’un de mes deux patrons » précise-t-il. Tiens comme l’auteur alors ?
Renaissance italienne d'Eric Laurrent

C’est là qu’intervient le jeu savoureux et troublant d’Eric Laurent. Est-on dans une fiction ou dans une biographie ? Qui est le narrateur ? Un narrateur qui avoue s’exprimer d’une « façon soutenue et châtiée ». N’est-ce pas comme cela qu’écrit l’auteur ? Yalda en rajoute : « tu ne t’es pas contenté en effet de défendre et d’illustrer le français : par des phrases complexes et les mots rares qui abondent dans les livres (lesquels, il faut bien le reconnaître en rendant la lecture difficile pour la plupart des gens, tu t’es tout simplement attaqué à ses locuteurs mêmes en faisant en sorte que leur propre langue maternelle leur apparaisse soudain comme une langue étrangère ».

A qui s’adresse-t-elle ? Au narrateur ? A l’auteur ? Ses paroles sont valables pour l’un et pour l’autre sauf que la lecture de ce roman est un enchantement. Quand le narrateur reconnaît avoir « placé au cœur de (ses) précédents ouvrages (…) des éléments autobiographiques » on n’est pas plus avancé. Qui écrit ? Le narrateur ou l’auteur ?

La clé, ou la genèse de la création, est peut-être quand l’un ou l’autre écrit : « A ces sentiments quelques peu déréalisants viendrait un jour (…) s’enter celui, plus troublant encore, d’être sinon en dehors de moi, à tout le moins de n’être plus tout à fait moi ».

Ce qui unit le narrateur et Eric Laurent, c’est la taquine autodérision avec laquelle ils écrivent cette histoire du questionnement amoureux.

*Clara Stern, Editions de Minuit, 2005

Renaissance italienne d'Eric Laurrent
Les éditions de Minuit
159 pages
14 euros

Publié le 28/04/2008 à 08:49 | Lu 6801 fois