Réforme des retraites, six mois après : Les Français toujours en colère

Selon le sondage « Observatoire Français des Retraites » réalisé par Ipsos pour le compte de l’Union Mutualiste Retraite et Liaisons Sociales*, on constate une chute de la confiance des Français à l’égard de la retraite : l’effet positif du vote de la réforme est retombé. Par ailleurs, la colère est toujours aussi forte et la résignation progresse. Seule une minorité de Français déclare avoir une connaissance précise de l’impact des réformes sur sa situation personnelle et une large majorité de nos compatriotes souhaite que les mesures votées en octobre 2010 soient à nouveau débattues lors de la campagne présidentielle de 2012. Détails.





Selon les résultats de ce sondage, l’effet positif du vote de la réforme aura été de courte durée : en effet, plus des deux-tiers (68%) des Français s’inquiètent notamment de leur niveau de vie au moment de la retraite (+14 points).

En novembre dernier, 55% des Français étaient confiants dans leur capacité à vivre de façon indépendante, ils ne sont plus que 42% à être aussi optimistes aujourd’hui, soit 13 points de moins par rapport à novembre 2010 (-2 points par rapport à mai 2010).

Il en va de même de la confiance des Français dans leur santé et leur accès aux soins au moment de leur retraite : majoritairement confiants en novembre dernier (54%), ils sont désormais une minorité à se dire confiants (42% ; -12 points), dans des proportions inférieures à celles observées en mai 2010, avant le vote de la réforme (-4 points par rapport à mai 2010).

La confiance dans le montant de la retraite baisse elle aussi : 21% des Français se disent désormais confiants à cet égard (-11 points par rapport à novembre 2010 ; +1 point par rapport à mai 2010). Toujours selon ce sondage, c’est la confiance dans le niveau de vie au moment de sa retraite qui connait le recul le plus significatif par rapport à la dernière vague d’enquête : un petit tiers (30%) seulement des Français se dit désormais confiant sur ce point soit -15 points par rapport à novembre 2010.

Cette baisse de confiance touche la plupart des catégories de population, y compris les retraités qui ont pourtant été largement épargnés par la réforme : seuls 45% (-19 points) se disent confiants quant au niveau de vie au moment de la retraite et 41% (-16 points) sur le montant de leur retraite. Les retraités sont malgré tout toujours plus confiants qu’avant la réforme.

Quant aux actifs occupés, seuls 13% se disent aujourd’hui confiants dans le montant de leur future retraite (-9 points par rapport à novembre 2010) et 21% quant à leur futur niveau de vie (-13 points). Les femmes restent quant à elles plus angoissées que les hommes, notamment en ce qui concerne leur futur niveau de vie : 73% d’entre elles se disent inquiètes à cet égard, contre 63% des hommes.

Six mois après le vote de la réforme, la colère est donc toujours aussi forte (54%) et la résignation (52%) progresse. Le premier sentiment que provoque la réforme, six mois après son adoption, est la colère à 54% (+1 point par rapport à novembre 2010), notamment chez les 45-59 ans, impactés par la réforme à court terme (74% de ceux-ci évoquent la colère ; +7 points par rapport à novembre dernier). La colère monte également chez les moins de 35 ans (55% ; +6 points) qui sont désormais aussi nombreux à évoquer ce sentiment que leurs aînés.

Mais un sentiment de résignation gagne de plus en plus les Français et touche désormais 52% de la population (+7 points), sauf les plus jeunes, beaucoup plus indifférents à la réforme que leurs aînés (43% des 15-19 ans citent la résignation soit -8 points).

L’indifférence progresse elle aussi (26% ; +6 points). Elle reste significativement plus importante chez les plus jeunes (36% des moins de 35 ans contre 21% des 35 ans et plus). Seule une minorité de Français déclare avoir une connaissance précise de l’impact des réformes sur sa situation personnelle.

Le niveau d’information des Français quant à la réforme des retraites votée en octobre 2010 reste très lacunaire : seuls 37% d’entre eux ont une idée précise de la manière dont cette réforme les impacte personnellement (dont seulement 10% une idée « très précise »). Plus d’un Français sur quatre ne se considère d’ailleurs pas concerné par cette réforme (26%), y compris parmi des populations potentiellement touchées.

Les Français sont encore plus dubitatifs sur la récente réforme des retraites complémentaires (gérées par l’Agirc et l’Arrco) : seuls 19% d’entre eux ont une idée précise de l’impact de celle-ci sur leur situation. Cette réforme concerne les salariés du secteur privé mais ceux-ci ne sont pas mieux informés : 55% n’ont pas une idée précise de la manière dont cette réforme les touche personnellement et 11% ne s’estiment pas concernés par cette réforme.

Très peu au fait des conséquences d’une réforme des retraites complémentaires fort peu médiatisée, les salariés du secteur privé se montrent suspicieux : 78% d’entre eux se disent inquiets de l’impact de cette réforme sur le montant de leur future pension (dont 29% très inquiets).

Les comportements d’épargne retraite ont peu évolué depuis la réforme : la crise et le pouvoir d’achat en berne des Français expliquent en partie que l’épargne en vue de la retraite n’ait pas augmenté, et même ait légèrement diminué. Moins d’un Français sur deux dit aujourd’hui avoir épargné d’une manière ou d’une autre en vue de sa retraite (49% contre 53% il y a deux ans, en avril 2009). Parmi ces Français qui ont déjà épargné, seuls 26% l’ont fait régulièrement (contre 31% en avril 2009). Aujourd’hui, 11% des Français disent même ne pas avoir l’intention d’épargner en vue de leur retraite (+8 points par rapport à avril 2009).

Lorsqu’ils ont épargné en vue de leur retraite, les Français ont surtout privilégié des investissements non spécifiques : 70% d’entre eux ont ouvert un plan d’épargne non spécifique à la retraite (Livret A, PEL, Assurance Vie…) et 44% ont investi dans l’immobilier (y compris dans l’achat de leur résidence principale).

Seuls 29% ont souscrit au moins un produit d’épargne spécifique retraite (individuel et/ou collectif) : 19% ont souscrit un produit individuel (PERP, Préfon, Corem…) et 13% un produit collectif (PERE, PERCO…). Les plus jeunes semblent néanmoins être de plus en plus sensibles à l’intérêt de ses solutions, puisqu’ils sont aussi nombreux que leurs aînés à avoir souscrit un produit d’épargne retraite (29% des moins de 35 ans comme des 35 ans et plus qui épargnent en vue de leur retraite).

Interrogés sur l’acteur auquel ils feraient le plus confiance pour les conseiller sur les solutions d’épargne retraite, les Français placent dans le trio de tête : une banque (27%), leurs proches (26%) et une mutuelle (21%). Les autres acteurs proposés sont assez largement distancés : une assurance (11%) ou le service RH de leur entreprise (7%).

Les Français les mieux informés (ceux qui ont une idée précise de l’impact de la réforme des retraites votée en octobre 2010) font quant à eux avant tout confiance à une mutuelle pour les conseiller (25%), davantage qu’à leurs proches (24%) ou à une banque (23%).

Les Français souhaitent très majoritairement que les mesures votées en octobre 2010 soient débattues à nouveau lors de la campagne présidentielle. En colère, inquiets de l’impact des réformes sur leur situation personnelle, les Français souhaitent très majoritairement (79% dont 52% « tout à fait ») que les mesures votées en octobre 2010 dans le cadre de la réforme des retraites (bornes d’âge, prise en compte de la pénibilité…) fassent à nouveau l’objet de débats, surtout les 45-59 ans (91%), les employés (90%) et les ouvriers (87%). Les sympathisants de la gauche parlementaire sont eux aussi logiquement plus nombreux que la moyenne à vouloir débattre de ces mesures (88%) mais les sympathisants UMP (65%) sont également prêts à le faire.

En dépit d’une actualité nationale et internationale dense, le dossier des retraites suscite toujours la colère des Français. Dans leur majorité, ils souhaitent que le dossier soit rouvert lors de la campagne présidentielle de 2012.

L’Observatoire Français des retraites UMR /Liaisons Sociales / IPSOS, créé en 2006, interroge deux fois par an, depuis 2009, les Français sur toutes les questions touchant à la retraite, avec des focus par thèmes : épargne, santé et dépendance, réforme…

*A paraître dans Liaisons Sociales Magazine du mardi 3 mai 2011

Article publié le 02/05/2011 à 11:21 | Lu 4287 fois