Réforme des retraites : renforcera-t-elle l'attractivité de la retraite progressive auprès des seniors ?

Le gouvernement souhaite redonner aux seniors leur place dans l’entreprise grâce à un assouplissement des mesures de Transition Emploi-Retraite et notamment de la retraite progressive… Pour rappel, ce dispositif légal permet aux salariés -à partir de 60 ans et à condition de valider 150 trimestres sur leurs relevés de carrière- de travailler à temps partiel tout en percevant une partie de leur retraite progressive. Le point avec Mercer, spécialiste du conseil en ressources humaines depuis plus de 75 ans.


Les salariés déjà à temps partiel peuvent librement demander leur retraite progressive auprès des caisses de retraite. Concernant les formalités administratives, l’employeur doit compléter un formulaire attestant du passage à temps partiel.
 
Attention, si ce document n’est pas transmis à la caisse de retraite, le salarié ne touchera pas sa retraite progressive.
 
Ensuite, pendant la période de retraite progressive, le salarié continue de cotiser pour sa retraite, le calcul définitif de sa pension ayant lieu au moment de son départ définitif à la retraite.
 
La retraite progressive, créée en 1988, connaît un succès limité malgré la loi du 20 janvier 2014 et de son décret d’application qui en avaient assoupli les conditions.

Les chiffres interpellent : seulement 12.306 salariés ont débuté une retraite progressive en 2021 et les bénéficiaires de ce dispositif représentaient, la même année, seulement 1,9% de l’ensemble des pensions de retraite versées.
 
Selon le gouvernement, ils sont 23.000 aujourd’hui à la percevoir.
 
La retraite progressive, bien que plébiscitée par les gouvernements successifs, reste encore peu connue des salariés et des entreprises, et peu pratiquée (seulement 49 % des entreprises françaises, selon l’enquête Transition Emploi-Retraite Mercer 2022).

Quelles sont les solutions proposées par le gouvernement ?

La retraite progressive est conditionnée à l’exercice d’un emploi à temps partiel et suppose un avenant au contrat de travail à temps plein. Afin de faciliter sa mise en œuvre, la réforme prévoit de renverser la charge de la preuve.
 
Ainsi, un salarié faisant une demande de temps partiel dans le cadre d’un projet de retraite progressive y sera autorisé à défaut de réponse de son employeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de sa demande.
 
L’entreprise ne pourra s’y opposer que par un refus motivé justifiant de l’incompatibilité avec l’activité économique.
 
L’obligation d’une durée de travail minimale de 24 heures est supprimée pour les plus de 60 ans, et aucun plafond d’indemnités journalières ne serait applicable pour les actifs en situation de retraite progressive qui était jusqu’alors concernés.
 
Le gouvernement proposait également un renforcement de l’information individuelle de l’accès à la retraite progressive par l’amélioration de l’Estimation indicative Globale (EIG), laquelle présenterait les simulations de retraite progressive à différents âges.

Cette disposition a néanmoins été censurée par le Conseil constitutionnel. Enfin, la réforme entend rendre possible la retraite progressive pour les fonctionnaires.

L’analyse de Mercer

Du point de vue du salarié, l’adhésion à la retraite progressive est une démarche personnelle motivée par la volonté de réduire son activité en fin de carrière.

L’autorisation expresse de retraite progressive pourrait encourager dans cette voie les salariés n’osant pas entreprendre une demande de temps partiel auprès de leur employeur.
 
Il s’agit de toute évidence d’un progrès, qui reste toutefois relatif car soumis à la validation des critères de la retraite progressive (être âgé de 62 ans et valider 150 trimestres d’après la proposition de réforme).
 
Par ailleurs, s’il faut saluer la proposition d‘amélioration de l’EIG grâce à l’indication des estimations de retraite progressive, il resterait à faciliter la démarche administrative en permettant la demande en ligne via l’espace personnel de l’Assurance retraite, sur le modèle de la demande de retraite classique.
 
Du point de vue de l’entreprise, la validation facilitée du passage à temps partiel peut être synonyme d’une nouvelle contrainte pesant sur son organisation.

Néanmoins, la possibilité de refuser le temps partiel pour incompatibilité avec l’activité économique existe déjà dans le traitement des demandes de temps partiel des salariés. Elle est ici limitée aux salariés de 60 ans et plus.
 
Le refus de l’employeur pourrait cependant devenir systématique au sein des structures ne permettant pas l’aménagement des postes et métiers aux conditions du temps partiel.
 
Deux constats : le début de la retraite progressive serait décalé de 60 à 62 ans pour les salariés nés à partir de septembre 1961, mais cela reste à valider par décret. Et certains postes et métiers se prêtent mal, voire ne se prêtent pas du tout, à une activité à temps partiel.
 
Du point de vue du salarié, l’adhésion à la retraite progressive est une démarche personnelle motivée par la volonté de réduire son activité en fin de carrière.

L’autorisation expresse de retraite progressive pourrait encourager dans cette voie les salariés n’osant pas entreprendre une demande de temps partiel auprès de leur employeur.
 
Il s’agit de toute évidence d’un progrès, qui reste toutefois relatif car soumis à la validation des critères de la retraite progressive (être âgé de 62 ans et valider 150 trimestres d’après la proposition de réforme).
 
Par ailleurs, s’il faut saluer la proposition d‘amélioration de l’EIG grâce à l’indication des estimations de retraite progressive, il resterait à faciliter la démarche administrative en permettant la demande en ligne via l’espace personnel de l’Assurance retraite, sur le modèle de la demande de retraite classique.
 
Le recul de l’âge d’entrée en retraite progressive de 60 à 62 ans ne semble pas assouplir les conditions d’accès à la retraite progressive, ce qui aurait été le cas si la condition d’âge de 60 ans avait été maintenue, ce que proposait le rapport Commission des affaires sociales du Sénat déposé le 28 février 2023.

Le début de la retraite progressive serait retardé à 62 ans une fois la réforme entrée en vigueur, excluant de fait des salariés dont le départ serait décalé de seulement quelques mois.

Les solutions envisagées par Mercer, par Aurélie Soria, Consultante experte Transition Emploi-Retraite, Mercer France

Afin d’anticiper la gestion des fins de carrière sur les postes et métiers incompatibles avec le passage à temps partiel, il est dès lors certain que les entreprises dans tous les secteurs d’activité devront mener une réflexion précoce sur le prolongement de l’activité des seniors et de l’aménagement de leurs postes.
 
Des actions de formation et de reconversion professionnelle devront être encouragées au sein des entreprises afin de pallier l’incompatibilité de la retraite progressive et du temps partiel à certains postes et métiers.
 
L’assouplissement des conditions de la retraite progressive étant très mesuré, les employeurs auront un rôle dans l’attractivité de ce dispositif.

C’est déjà le cas dans les grands groupes qui mettent en place des accords spécifiques destinés à leur population senior, améliorant la retraite progressive, grâce à des mesures incitatives telles que le maintien des cotisations vieillesse sur une base temps plein et/ou un niveau de rémunération supérieur au taux d’activité à temps partiel.
 
En contrepartie, les salariés bénéficiant de la retraite progressive s’engagent à partir à la retraite à leur date de retraite à taux plein. Le rapport devient alors gagnant-gagnant pour les deux parties.
 
Reste à déterminer dans quelle mesure ce type de dispositif plus coûteux pour l’employeur pourrait s’appliquer efficacement au sein des petites et moyennes entreprises.
 
 

Publié le 25/04/2023 à 01:00 | Lu 5577 fois