Pour mieux comprendre la notion de radicaux libres, intervention du professeur Xavier Leverve

Dans le cadre de la 49ème Journée annuelle de la nutrition et de diététique (JAND), qui s’est tenue le 30 janvier 2009 au Cnit de Paris-la-Défense, le professeur Xavier Leverve de l’Inserm*, nous explique le rôle des radicaux libres, du stress oxydant et des substances antioxydantes.


Comme le rappellent en préambule les organisateurs de cette rencontre, « les antioxydants occupent de plus en plus une place de choix sur l’avant scène médiatique et les préoccupations du public ; l’industrie agroalimentaire et celle des compléments alimentaires s’en sont emparés ».

Dans ce contexte, le programme de la 49è JAND a fait le point sur les connaissances actuelles dans ce domaine et sur les bénéfices éventuels souvent surestimés, que l’on peut attendre de leur consommation non contrôlée.

Pour démarrer cette série de quatre interventions, le professeur Xavier Leverve se penche sur le rôle des radicaux libres, du stress oxydant et des substances antioxydantes.

Intervention du Professeur Xavier Leverve

Stress oxydant et substances antioxydantes.
La notion de radicaux libres, de stress oxydant ou d’antioxydants est de plus en plus souvent utilisée pour expliquer différentes atteintes pathologiques. En raison de la complexité de ce domaine et de la difficulté à en déterminer l'impact, l’approche thérapeutique du problème est toutefois encore balbutiante. Des pistes sont en cours d’investigations afin de mieux comprendre les mécanismes de stress oxydant et d’intervenir de manière judicieuse.

Systèmes de défense contre les radicaux libres
L’exposition à l’oxygène et au soleil - deux caractéristiques fondamentales de la vie - est à la base de la formation de composés très réactifs et potentiellement très toxiques pour toutes les molécules biologiques : les radicaux libres. En attaquant les membranes cellulaires, certaines protéines et l'ADN, ceux-ci représentent en effet un véritable danger. Cependant, si l'oxygène est une molécule délétère pour tout élément vivant, elle est en même temps indispensable à la production d’énergie des organismes dits aérobies.

Autour de cette ambiguïté entre danger et nécessité de l’oxygène, la nature a développé de puissants systèmes de défenses antioxydantes permettant de contrôler et de maîtriser les réactions d'oxydation menant aux radicaux libres. Physiologiquement, la défense contre ces composés repose sur deux mécanismes complémentaires. Le premier met en jeu les substances antioxydantes qui, via des réactions d’oxydoréduction, jouent le rôle de première ligne de défense (exemple de la séquence vitamine C / vitamine E / glutathion). Pour atteindre l'objectif final qui est l'élimination complète des radicaux libres, l'action de deux familles enzymatiques - le système glutathion peroxyase/glutathion réductase et les superoxydes dismutases – est, en outre, indispensable.

Parallèlement, ces mécanismes de défense contre les radicaux libres nécessitent un système de signalisation très fin permettant à l’organisme de s’adapter au moindre changement du niveau de danger - ou de besoin - en ajustant précisément et en permanence ses capacités de défense.

Stress oxydant et antioxydants en pathologies
Il paraît assez vraisemblable aujourd'hui que l’agression des constituants de la cellule par les radicaux libres - ou stress oxydant - est amplifiée par différents phénomènes interagissant entre eux. On peut citer, en particulier, les effets liés à :
- une affection chronique antérieure ou évolutive, des carences, une dénutrition,
- la nature et l’intensité de l’affection en cours (réponse inflammatoire, administration de catécholamines, etc.),
- la durée (les agressions répétées au cours de telles situations aiguës sont responsables d’un épuisement rapide des réserves d’antioxydants de l'organisme).

Afin de déterminer une approche thérapeutique permettant de lutter contre le stress oxydant et, par là même, agir sur certaines atteintes pathologiques, de nombreuses pistes sont étudiées, avec, pour certaines, des résultats encourageants. Deux exemples montrent notamment que le traitement, ou la prise en compte, du stress oxydant peut dépasser l’utilisation d’une supplémentation nutritionnelle via les antioxydants.

Ainsi, les résultats de plusieurs travaux récents semblent converger pour montrer que les effets délétères de l’hyperglycémie, telle que rencontrée chez le diabétique de type 2, sont la conséquence d’une surproduction de radicaux libres. De ce fait, la réduction de la glycémie pourrait contribuer à la réduction du stress oxydant. Par ailleurs, la propriété antioxydante de l'albumine, en cas de présence de celle-ci dans le sang, pourrait s’avérer bénéfique sur le pronostic de patients.

Au final, une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires de réponse à l’hypoxie**, aux déficits énergétiques, à l’inflammation demeure indispensable pour pouvoir déboucher sur des perspectives thérapeutiques nouvelles.

*INSERM U884 « Bioénergétique Fondamentale et Appliquée », Université Joseph Fourier, Grenoble. Direction Scientifique Nutrition Humaine et Sécurité des Aliments, Institut National de la Recherche Agronomique
** Diminution de la concentration d'oxygène dans le sang.

Publié le 13/02/2009 à 12:41 | Lu 4428 fois