Photos souvenirs : quand Michel Delpech reprennait les chansons de ses copains

Le 23 juillet prochain, Universal Music va sortir un album de Michel Delpech, dans lequel il reprend des chansons qui l’ont marqué, de Philippe Chatel à William Sheller en passant par Michel Jonasz, Johnny Hallyday, Alain Souchon, Serge Gainsbourg, Julien Clerc, Laurent Voulzy et Michel Berger. En onze reprises, cet album rappelle que Delpech, l’un des meilleurs observateurs de son époque, est aussi perspicace quand il explore les chansons d’amour de ses confrères.





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« La chanson est quelque chose de très utile. Imaginons une seconde que la chanson n’existe plus. Qu’on n’entende plus jamais de chansons à la radio ! » disait Michel Delpech en 1975. « Vous vous rendez compte du vide qu’il y aurait dans la vie des gens, dans notre vie à tous ? Même si on ne les écoute pas, on a besoin de les entendre… ».
 
Dans ce nouvel album, Delpech reprend « Quelque chose de Tennessee », « Ultra moderne solitude », « Je suis venu te dire que je m’en vais » ou encore « Un homme heureux ». En tout, dix titres de confrères et une version inédite de Chez Laurette de 1977.
 
Car les géants sont comme nous. Ils écoutent des disques, ils montent le son de la radio, des chansons les accompagnent au quotidien. Delpech n’est pas seulement le chanteur de « Pour un flirt », « Les Divorcés » ou « Le Loir-et-Cher » : toute sa vie, il écoutera les chansons des autres et s’enthousiasmera de nouveaux artistes.
 
On s’en souvient, dans la seconde moitié des années 1990, une collection d’albums de reprises mobilisera des artistes à la renommée bien établie. Michel Delpech sera alors appelé à se pencher sur certains des répertoires francophones les plus riches.
 
« Cela a été beaucoup de travail, un mois ou deux de studio », se souvient Geneviève, son épouse. Michel enregistre une large palette de reprises et révèle la profondeur et la puissance de son art, un art qui consiste à ne pas trop en faire pour, justement, en dire plus. Partout, l’artiste pose son timbre singulier, qui exprime à la fois une extrême sensibilité et l’impossibilité de ne pas regarder le monde tel qu’il est.
 
On se prend d’ailleurs à regretter qu’il n’ait pas plus souvent eu l’occasion d’être comédien, car on trouve chez lui une sobriété qui porte à la perfection la compréhension des textes et des intentions
des grands auteurs – « Je suis venu te dire que je m’en vais » de Serge Gainsbourg, « Ultra moderne
solitude
» d’Alain Souchon. Et on a parfois l’impression de mieux comprendre les chansons, comme
dans le récit porté par les couplets de « Dites-moi » de Michel Jonasz.
 
Ainsi, il ajoute à « J’t’aime bien Lili » de Philippe Chatel (à écouter ci-dessous) une nuance de lucidité qui semble nous dire que l’aveuglement amoureux de la version originale de 1977 est bien passé, mais qu’on l’aime toujours, Lili, cette amoureuse indécise et irrésistible. Chatel était amoureux de Lili ; Delpech est amoureux de l’amour…
 
Il met une distance navrée, presque réaliste dans « Quelques mots d’amour ». Michel Berger était ivre du désir romantique de souffrir, Michel Delpech choisit des passages, délivrant çà et là des émotions sublimes. D’ailleurs, cette chanson est la préférée d’Emmanuel Delpech, qui se souvient l’avoir souvent écoutée avec son père en voiture : « Une chanson faite pour lui, qui ressemble à ce qu’il est, à ce qu’il sent. Il admirait la capacité de Michel Berger à exprimer des sentiments que lui aussi connaissait bien. »
 
L’émotion se concentre sur les mots, rapproche les chansons de l’auditeur, comme dans « Fais-moi une place » de Julien Clerc ou « Cœur grenadine » de Laurent Voulzy. L’entendre dans des chansons familières permet de comprendre une part des sortilèges des grands classiques de Michel Delpech : il chante sur le ton de la confidence, sans qu’on sache s’il se confie à nous ou nous encourage à lui parler – l’ami idéal, en somme.
 
De manière bouleversante dans « Un homme heureux » et « Photos souvenirs » de William Sheller, il
nous surprend par la clarté lumineuse avec laquelle il s’adresse à nous, tout comme dans « Quelque chose de Tennessee » de Johnny Hallyday. Et, dans cette dernière chanson, on entend quelques phrases d’une voix féminine inconnue. C’est tout simplement Geneviève qui, ce jour-là, l’accompagnait au studio et reprend au micro l’introduction –comme un clin d’œil du couple Delpech à l’aventure de Johnny et Nathalie Baye.
 
Quand il aborde ces chansons classiques des années 70-80, il nous rappelle les couleurs vives de l’époque tout en nous montrant que ces couleurs sont désormais embrumées par le souvenir. L’auteur
et chanteur qui, dans ses propres chansons, compte parmi les meilleurs observateurs de son époque,
est aussi extrêmement perspicace quand il explore les chansons d’amour de ses confrères.
 
Et, dans une boucle temporelle parfaite, Michel Delpech en pleine maturité reprend un des premiers
succès du jeune Michel, « Chez Laurette ». Voix sereine, mélancolie infinie, tendresse inépuisable –
une immense reprise.
 
1. J't'aime bien Lili
2. Photos souvenirs
3. Dites-moi
4. Quelque chose de Tennessee
5. Ultra moderne solitude
6. Je suis venu te dire que je m’en vais
7. Fais-moi une place
8. Cœur grenadine
9. Quelques mots d'amour
10. Un homme heureux
11. Chez Laurette (version inédite 1977)

michel_delpech___j__t__aime_bien_lili.mp3 Michel DELPECH - J't'aime bien Lili.mp3  (2.86 Mo)


Article publié le 17/06/2021 à 08:44 | Lu 4635 fois