Peut-on contraindre le consentement d'une personne en utilisant l'hypnose ?

Il y a quelques jours, une expérience d'hypnose diffusée à la télé à une heure de grande écoute a suscité de vives réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux et soulève une fois de plus, une question qui se pose fréquemment : peut-on contraindre le consentement d'une personne en utilisant l'hypnose ? Kevin Finel dirige depuis vingt ans ARCHE Formation, un institut d'hypnose au sein duquel un Centre de Recherche étudie ces phénomènes. Il s'appuie donc sur des apports récents en matière de sciences cognitives pour répondre.





Dans l'émission, il est demandé à un participant sous hypnose d'embrasser une jeune fille. Le jeune homme s'exécute, alors qu'il n'a visiblement pas donné son accord préalable pour cela.
 
La question du consentement est donc immédiatement posée : aurait-il accepté ce baiser hors état d'hypnose ? Et plus globalement, l'hypnose peut-elle amener des personnes à réaliser des actes qu'elles ne souhaitent pas faire ?
 
Comme le souligne Kevin Finel, fondateur de l'ARCHE Formation : « c'est une question que l'on nous pose souvent. L'hypnose est très souvent associée à ces idées reçues de prise de pouvoir, héritées d'une tradition d'hypnose très directive et dont on sait aujourd'hui qu'elles ne fonctionnent que dans un nombre très limité de cas ».
 
Et de poursuivre : « l'un de nos rôles au quotidien est d'amener de la pédagogie sur notre pratique, de rassurer en expliquant que l'hypnose est un outil puissant, certes, mais que le sujet qui s'y prête garde son plein libre-arbitre ».
 
Pour autant, la séquence en question pourrait semer le doute : conditionné par la voix de l'hypnotiseur, le jeune homme semble dépourvu de toute volonté propre lorsqu'un stimulus (le son d'un buzzer) déclenche ses réactions.
 
Alors qu'il semble tout à fait lucide et parle normalement quelques secondes avant, le tintement sonore agit comme un interrupteur, et il se comporte alors comme s'il avait perdu tout contrôle, soumis à l'injonction qui lui a été donnée. Comment, alors, expliquer cela ?
 
Hypnose et influence, deux notions distinctes : Kevin Finel explique la séquence en distinguant deux aspects : « ce que l'on appelle hypnose, c'est en réalité deux choses : d'une part, un changement d'état. On passe d'un état de conscience ordinaire à un état de conscience modifié, plus ouvert, plus à l'écoute, plus disponible pour accepter les demandes qui nous sont faites ».
 
« Et d'autre part, une forme d'influence : une fois que l'état est modifié et disponible aux suggestions, à quoi va-t-on l'utiliser? Quels changements vise-t-on ? ».
 
Plusieurs études ont démontré dans le passé que l'hypnose ne permettait pas d'altérer le consentement ou de forcer une personne « à faire des choses ». Si l'état d'hypnose est en effet propice à réaliser certaines actions qui ne le seraient pas habituellement (ex : changer une habitude, transformer une émotion, passer à l'action …), c'est le sens que l'on va trouver à cette action qui va être déterminant.
 
Autrement dit, l'hypnose serait un facilitateur, un outil de mise en condition, mais n'aurait que très peu d'impact dans les cas d'action non souhaitée.
 
Doit-on alors en déduire que le jeune homme trouvait un sens à ce baiser ? « Pas forcément. En revanche, il était mis en condition par les circonstances : un plateau télévisé, une émission à grande audience, un public au taquet, une personnalité de l'hypnose imposante : toutes les conditions étaient réunies pour qu'il soit favorablement influencé à répondre aux suggestions, n'importe lesquelles. Si l'on réalise la même expérience d'hypnose, avec un hypnotiseur inconnu dans une pièce sans public et aucun enjeu médiatique, le jeune homme ira-t-il embrasser une inconnue aussi spontanément ? Probablement pas ».
 
Quels sont alors les pouvoirs de l'hypnose ?
« Ce ne sont pas ceux de l'hypnose, ce sont ceux de l'hypnotisé ! L'état d'hypnose est un facilitateur qui permet d'accéder à des ressources, compétences ou capacités auxquels on ne sait pas accéder habituellement.
 
Si un buzzer est capable de déclencher une sensation d'orgasme (autre expérience de la même émission), il peut tout aussi bien nous déclencher de la concentration, de l'énergie, ou du sommeil si on en a besoin. Les sportifs, les artistes, et de plus en plus de personnes utilisent ces mécanismes
».
 
Au-delà de la polémique, que peut-on retenir de cette séquence ?
« Elle joue son rôle de divertissement. Et elle nous permet de faire la différence avec ce que doit être l'hypnose hors des plateaux de télévision : une pratique utilisée de façon étique, dans laquelle l'influence extérieure n'a pas sa place.
 
Le praticien en hypnose doit mettre la puissance de la suggestion au service de ce que veut son sujet, pas de ce qu'il veut lui. Il est important de pouvoir faire cette différence, et il est important que nous, hypnologues, puissions dire que le côté vraiment spectaculaire de l'hypnose, c'est celui des changements que nous accompagnons au quotidien
 ».

Article publié le 07/03/2022 à 01:00 | Lu 5077 fois