Ostéoporose : la FRM fait le point sur la maladie osseuse à l’occasion de la Journée mondiale de l’ostéoporose

A l’occasion de la Journée mondiale de l’ostéoporose, qui a eu lieu le 20 octobre dernier, la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), engagée dans la lutte contre cette pathologie, vous propose de faire le point sur les recherches les plus actives dans ce domaine…


L’ostéoporose est une maladie fréquente dont la gravité est liée aux fractures qui la compliquent : 40.000 fractures du poignet, 100.000 fractures/tassements vertébraux et 50.000 fractures du col du fémur sont la rançon, chaque année en France, de l’ostéoporose. Malgré les progrès de la chirurgie orthopédique, la fracture du col du fémur reste grave : de fait, 10% des patients décèderont de ses complications au cours de l’année suivante et 50% en garderont un handicap définitif.

L’ostéoporose touche surtout les femmes : environ 15% des femmes de 50 ans, 40% de celles de 65 ans et plus de 70% après 80 ans en sont atteintes. Mais avec l’allongement de la durée de vie, l’ostéoporose touche aussi les hommes et les complications graves des fractures du col du fémur sont plus importantes dans la population masculine.

L'ostéoporose est classée par l’OMS parmi les dix premières maladies prioritaires

L’ostéoporose est une maladie caractérisée par une diminution importante de la masse osseuse et une altération de l’architecture du tissu osseux. Elle rend les os fragiles et les expose à un risque de fracture élevé. L’os se renouvelle en permanence grâce à un processus simultané de formation et de destruction du tissu osseux.

La masse osseuse est donc la résultante de ces deux phénomènes. Elle croit jusqu’à la fin de l’adolescence, reste stable jusqu’à la cinquantaine, puis décroit progressivement surtout chez les femmes au moment de la ménopause avec la baisse des oestrogènes. Elle diminue plus tardivement chez l’homme avec la baisse de la
sécrétion d’androgènes.

En dehors des facteurs hormonaux, une immobilisation prolongée, une mauvaise alimentation et des traitements corticoïdes prolongés favorisent l’ostéoporose. Deux types de cellules assurent le renouvellement de l’os : les ostéoblastes qui interviennent dans sa formation et les ostéoclastes impliqués dans sa destruction. L’ostéoporose semble liée à une activité trop importante des ostéoclastes et c’est dans ce domaine que les recherches sont les plus actives.

L’ostéo-immunologie : une nouvelle discipline de recherches

L’ostéo-immunologie est une nouvelle discipline qui étudie les interactions entre les cellules du système immunitaire et les ostéoclastes, cellules responsables de la résorption osseuse. Elle apporte un éclairage complètement nouveau sur la physiologie et la physiopathologie du tissu osseux.

C’est l’identification du rôle d’interleukines (molécules sécrétées par des cellules du système immunitaire) sur l’activité des ostéoclastes, qui a permis d’établir le premier lien entre le système immunitaire et le tissu osseux. Depuis, il a été montré que de très nombreuses molécules avaient un rôle à la fois sur les fonctions du système immunitaire et sur la physiologie osseuse.

Il est également connu que les ostéoclastes et certaines cellules du système immunitaire, les monocytes, cellules chargées entre autres de l’élimination des déchets, dérivent d’un précurseur commun. Enfin, l’équipe du Dr Pierre Jurdic a démontré récemment qu’il était possible d’obtenir des ostéoclastes à partir de cellules dendritiques, cellules du système immunitaire qui reconnaissent les antigènes et les présentent aux lymphocytes pour déclencher la réponse immunitaire.

Toutes ces concordances ont justifié la création d’une nouvelle discipline à l’interface entre le système immunitaire et l’os, qui permet d’analyser avec un œil neuf les interactions entre les deux systèmes, dans des conditions normales ou pathologiques.

Un des premiers domaines d’application de cette nouvelle discipline est la compréhension des maladies auto-immunes inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, dans laquelle une activation anormale du système immunitaire conduit à une perte osseuse.

L’ostéo-immunologie apporte aussi un éclairage totalement nouveau dans la compréhension de la différenciation et l’activation des ostéoclastes, en fonction de leur microenvironnement et des conditions physiopathologiques dans lesquelles ils se trouvent. Des approches thérapeutiques complètement nouvelles des maladies inflammatoires ostéoarticulaires ou de l’ostéoporose pourraient en découler. Il faudra cependant rester très prudent, dans la mesure où des molécules actives sur l’os, seront également impliquées dans le fonctionnement normal du système immunitaire.

La recherche du Dr Pierre Jurdic consacrée aux voies d’activation des ostéoclastes a été sélectionnée par le Conseil scientifique de la FRM qui lui a attribué une subvention de 300 000 euros.

Ostéoporose : sécuriser l’avenir avec un bon capital osseux

La période de croissance permet l'établissement du capital osseux. Celui-ci s’érode ensuite régulièrement, d’abord lentement puis rapidement chez la femme après la ménopause. L’acquisition d’un capital osseux optimum dans l’enfance devrait permettre de retarder l’ostéoporose.

La masse osseuse d’un adulte dépend à la fois de son niveau maximum atteint en fin de croissance et de la vitesse de la perte osseuse liée au vieillissement. La plupart des stratégies préventives de l’ostéoporose développées jusqu’à présent ont pour objectif de ralentir la perte osseuse.

Mais avoir un excellent capital osseux à vingt ans semble aussi être un atout majeur pour espérer vivre avec d’excellents « vieux os » quelques décennies plus tard. Des travaux récents ont suggéré qu’une augmentation de 10% du capital osseux en fin de croissance permettrait de retarder l’apparition de l’ostéoporose de treize ans !

L’avenir de nos os pourrait même être en partie déterminé avant la naissance En effet, différentes études scientifiques suggèrent que le développement osseux chez l’enfant pourrait être influencé par des facteurs agissant au cours de la période foetale. D’où l’intérêt des travaux menés par le Dr Aubelle (Inserm U953 à Villejuif), qui étudie le lien entre l’alimentation maternelle avant et pendant la grossesse et le développement osseux de l’enfant entre un et trois ans.

Cette étude est menée sur un large groupe de mères et d’enfants participant à l’étude EDEN (Etude des déterminants pré et post natals du développement et de la croissance de l’enfant). Environ 2.000 femmes enceintes ont été incluses dans cette étude dès le début de leur grossesse et sont actuellement suivies régulièrement avec leur enfant. Des questionnaires permettent d’évaluer un ensemble de facteurs environnementaux. Des mesures osseuses avec des appareils à ultra-sons ont aussi été introduites dans les
examens cliniques annuels des enfants.

Les résultats de cette étude aideront à mieux définir quel est l’environnement intra-utérin optimal pour le développement osseux ultérieur de l’enfant. La perspective est de pouvoir développer des stratégies préventives alternatives ciblées sur l’environnement précoce et destinées à augmenter le capital de masse osseuse.

Le projet du Dr Stéphanie Aubelle a été sélectionné en 2009 par le Conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale qui lui a accordé une subvention de 19 200 euros.

Bloquer la résorption osseuse avec Cbl-b

Les ostéoclastes, seules cellules capables de résorber le tissu osseux, agissent sous le contrôle de signaux provenant des cellules environnantes ou de la circulation générale. Comment ces signaux transmettent-ils « leurs ordres » jusqu’au noyau de la cellule ? C’est la question à laquelle le projet du Dr Martin Biosse Duplan tente de répondre.

Le tissu osseux est en perpétuel renouvellement et ce remodelage est assuré par deux types de cellules : les ostéoblastes qui forment la matrice osseuse organique qui est ensuite minéralisée, et les ostéoclastes qui résorbent cette matrice. L’activité des ostéoclastes est sous le contrôle de cytokines, des molécules-signaux présentes dans le milieu cellulaire environnant, qui ont pour rôle de donner à distance un ordre d’activation ou d’inhibition de la résorption osseuse.

Etant donné que les signaux restent à l’extérieur de la cellule, des molécules intermédiaires doivent « transmettre les ordres » aux facteurs de transcription, qui sont les molécules effectrices qui agissent dans le noyau de la cellule, sur l’activité des gènes.

La molécule Cbl-b est une de ces molécules intermédiaires que l’on appelle aussi molécule de signalisation ou molécule adaptatrice. Elle a un rôle clé dans l’activité des ostéoclastes puisque son absence, dans des modèles animaux, a été corrélée à une faible masse osseuse. Les chercheurs en ont déduit que Cbl-b inhibe la résorption osseuse.

Le Dr Martin Biosse Duplan étudie le mécanisme d’action de la protéine Cbl-b en caractérisant les domaines de cette molécule qui sont responsables de son effet inhibiteur sur la résorption osseuse. Cette première étape permettra ensuite d’identifier les voies de signalisation et facteurs de transcription impliqués dans l’activité de l’ostéoclaste. Les résultats attendus devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes de la résorption osseuse et d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour contrôler la perte osseuse dans l’ostéoporose.

La recherche du Dr Martin Biosse Duplan (Harvard School of Dental Medecine, Boston) a été sélectionnée par le Conseil scientifique de la FRM qui lui a accordé une subvention de 24 000 euros.

Pour plus d’informations : www.frm.org

Publié le 25/10/2010 à 15:34 | Lu 3906 fois