Orangerie : la peinture américaine des années 30 à l'honneur

Une exposition très intéressante vous est proposée au Musée de L'Orangerie à Paris jusqu’au 30 janvier 2017. En à peine une décennie, de talentueux artistes parvinrent à s'imposer aux États-Unis ; il est fort probable que la situation politique, économique et sociale dû à la crise de 29 provoqua chez nombre de ces créateurs le besoin d'exprimer leur inquiétude et leurs émotions…


Orangerie : la peinture américaine des années 30 à l'honneur
Dans la salle 1, les étranges natures-mortes de Georgia O'Keefe, de style minimaliste, comme Crâne de vache avec roses de 1931 côtoient une œuvre néo-cubiste de Stuart Davis intitulée New York-Paris N°3 de 1931 elle aussi, il s’agit d’un paysage déstructuré mais néanmoins réaliste. Un an avant, Grant Wood produisait son chef-d’œuvre devenu une icône de la peinture moderne : American Gothic, une toile dans laquelle on trouve aussi bien une critique du puritanisme rural qu'un hommage aux traditions rurales. Ce tableau est exposé pour la première fois en Europe !
 
La salle 2, accueille les grands contrastes qui caractérisent l'Amérique : la puissance de l'industrie d’un côté et le retour à la terre de l’autre. Malgré le cataclysme que fut la chute de la bourse de New York le 29 octobre 1929, pour les États-Unis comme pour l'Europe d’ailleurs, le monde industriel conserve un véritable attrait dans un pays en recherche de modèles solides.
 
Les vues d'usines de Charles Sheeler intitulée Paysage américain de 1930 ou de Charles Demuth, en témoignent. D’autres artistes comme Joe Jones ou Alice Neel évoquent quant à eux les ravages de cette crise. Cette dernière, communiste convaincue, prend pour modèle Pat Whalen, le défenseur emblématique des travailleurs.
 
L'évocation du monde rural apaisé et serein qui s’exprime à travers les paysages de Grant Wood ou de Marvin Cone s'oppose à la dure réalité que vivait le monde paysan concrétisée par l’œuvre d'Alexandre Hogue intitulée « Terre mère » de 1936 où apparaît une femme au corps épuisé, métaphore des dures conditions climatiques, ou bien par celle de Thomas Benton , « Cotton Pickers » de 1945.

Dans la salle 3, la ville devient un spectacle vivant où toutes les occasions sont bonnes pour oublier la dure réalité et où il convient de se divertir, coûte que coûte. Philip Evergood avec Dance Marathon (1934), offre une véritable épreuve sportive. Dans ce tableau, 1.000 dollars sont promis au couple vainqueur ; de son côté, Arthur Dove avec Swing Music (1938) illustre lui aussi cette frénésie de danse , de musique ou de fête. A la même époque, Broadway regorge déjà de comédies musicales, par exemple Anything goes de Cole porter (1934) ou l'année suivante, l'opéra Porgy and Bess de George Gershwin.
 
La salle 4 prend l'histoire comme modèle. De fait, face à un avenir incertain, l'histoire américaine devient un refuge. Du souvenir des premiers colons chez Doris Lee avec Thanksgiving (1936) à la Guerre d'indépendance de Grant Wood avec Daughters of Revolution (1932), les thèmes historiques sont très présents. Certains artistes choisissent d’évoquer un passé moins glorieux comme l'esclavage. Joe Jones avec American justice (1933) est de ceux-là.
 
Sous Roosevelt (salle 5), le pouvoir soutient les œuvres à caractère historique. Les commandes de grandes fresques murales pour les bâtiments officiels affluent. Néanmoins, la peinture américaine de ces années trente est aussi l'expression d'un grand malaise et d'une angoisse que les peintres restituent dans leurs différents portraits et autoportraits. Le tableau d’Helen Lundeberg intitulé « Double portrait de l'artiste dans le temps » (1935) atteste de ce mal-être…
 
De même, Le Self-portrait (1935) tortueux et hideux d’Ivan Albright témoigne là aussi, des doutes d'une époque en proie à la pauvreté et à la récession. D'autres artistes comme Philip Guston avec Bombardement (1937) ou Peter Blume dans The EternalCity -portrait grotesque de Mussolini-traduisent leur angoisse face à la guerre et à la montée des fascismes.
 
Cette belle exposition se ferme dans la salle 6 avec Pollock et Hopper, peintre au réalisme froid. Chacun à sa façon symbolise les deux pôles complémentaires d'une identité américaine enfin retrouvée et reconnue. « Mon objectif en peinture a toujours été la transcription la plus exacte possible de mes impressions les plus intimes de la nature » écrivait Hopper à l’époque. Influencé par le surréalisme et par Giorgio de Chirico, il ne veut peindre que la vie quotidienne et la solitude des êtres (New York Movie en 1939 ou Gas en 1940). Le cinéma et le monde du spectacle jouent aussi un rôle important dans sa peinture.
 
Au final, une exposition très riche, bien organisée et surtout particulièrement enrichissante. Vous y ferez à coup sûr, de belles découvertes. Exposition jusqu'au 30 janvier 2017.

Marie-Hélène Boutillon

​Infos pratiques

Tous les jours de 9h à 18h
Musée de l'Orangerie
Jardin des tuileries
Place de la concorde
75001 Paris

Publié le 18/01/2017 à 06:25 | Lu 3181 fois