Observatoire des retraités de l’artisanat : interview de la direction de la MNRA

Alors que la MNRA, première mutuelle de retraite et de prévoyance des indépendants vient de dévoiler les résultats de son premier Observatoire des retraités de l’artisanat, Serge Crouin, président de la mutuelle et Marie-Jeanne Amata, directrice générale reviennent sur les points les plus importants de cette étude.





Qu’attendiez-vous de cet Observatoire lorsque vous avez entrepris sa réalisation ?

MJA : l’objectif de cet observatoire, que nous réalisons pour la première fois, est de donner une photographie aussi juste que possible des retraités de l’artisanat et de leur vie à la retraite.
 
Il doit  ainsi permettre de mieux connaître les besoins et les attentes des indépendants actifs ou retraités. Il doit aussi nous aider à faire évoluer notre offre de produits et de services en fonction de ces besoins et des constats réalisés.
 
J’insisterai également sur un autre point très important : cet observatoire a aussi pour but de nous permettre de mieux prendre en compte la situation spécifique des conjointes des indépendants, qui est, comme le démontre cette enquête, moins favorable que celle des chefs d’entreprise eux-mêmes.
 
Globalement, les chefs d’entreprise artisanale et leurs conjoints préparent-ils bien leur retraite ?

MJA : une précision d’abord : la préparation à la retraite ne doit pas être seulement financière, elle doit  intégrer tous les aspects de la vie à la retraite, en particulier les conséquences de l’allongement de la durée de la vie et des risques liés à l’avancée en âge.
 
Les artisans préparent leur retraite -je dirais le montant de leur retraite-  comme l’ensemble des Français, peut-être même mieux et plus jeune : l’enquête BVA montre par exemple que près des deux-tiers des  personnes interrogées ont préparé leur retraite avec un ou plusieurs produits d’épargne. Ce chiffre est à rapprocher des 47% de travailleurs indépendants, soit près d’un sur deux, qui détiennent un contrat retraite Loi Madelin.
 
J’observe toutefois que cette préparation de la vie à la retraite reste parcellaire. Notre enquête met par exemple en évidence d’importantes disparités entre le chef d’entreprise et son conjoint. De même, 28% des personnes interrogées, nous disent qu’elles n’ont pas vraiment préparé leur retraite, d’où le constat que font les artisans (à 70%) d’une baisse de leur pouvoir d’achat une fois à la retraite.
 
Par ailleurs, seuls 17% des retraités ont souscrit une garantie pour faire face à une éventuelle perte d’autonomie ; seuls 18% ont pris des dispositions spécifiques pour l’organisation et le financement par avance de leurs obsèques. C’est dire que des efforts importants d’information et de prévention doivent être poursuivis, pour que les chefs d’entreprise et leurs conjoints s’engagent dans une démarche active de préparation à la retraite, qui repose sur une approche globale de la vie à la retraite. 

En pratique, comment la MNRA accompagne-t-elle les chefs d’entreprise artisanale dans la préparation de leur vie à la retraite ?

SC : nous proposons à nos adhérents, chefs d’entreprise et conjoints, en particulier à partir de 40 ans, un diagnostic en protection sociale : il s’agit d’un bilan personnalisé de la couverture sociale de l’adhérent, des droits déjà acquis et des compléments qui peuvent être proposés, en retraite, prévoyance, santé, chômage.
 
Il ne s’agit pas d’un simple bilan  retraite, mais d’un véritable diagnostic individualisé du niveau de protection sociale actuel et projeté, du chef d’entreprise et de son conjoint. J’ajouterai que l’ensemble des démarches à accomplir vis-à-vis des organismes sociaux obligatoires et complémentaires sont prises en charge matériellement par la MNRA. Ce diagnostic est gratuit. Il fait partie du service mutualiste rendu à nos adhérents. Il traduit aussi la démarche de la MNRA : placer l’information personnalisée et la prévention des risques, conçues comme un véritable service, au cœur de la relation avec l’adhérent.
 
C’est dans cet esprit que nous avons réalisé avec notre partenaire, l’APCMA, qui fédère le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, un guide « Artisan bien préparer votre retraite », qui est décliné aujourd’hui sous la forme d’un site Internet. Cette démarche d’information et de prévention, nous la menons également auprès des organisations patronales représentatives de l’artisanat et du commerce de proximité et de leurs adhérents, au travers de 250 conventions de partenariat sur le territoire. (…)
 
Un autre point est à relever : l’observatoire réalisé fait ressortir que les retraités bénéficiant de revenus supérieurs à 2000 euros, sont également ceux qui sont les mieux couverts face aux risques liés à l’âge et à l’allongement de la durée de vie. A la MNRA, dans l’objectif que tous les indépendants et leurs conjoints, quels que soient leurs revenus,  puissent accéder à des prestations de prévoyance de qualité,  nous proposons  un tarif viager, très attractif, qui permet de se constituer une solide couverture au fil du temps. 

Quelle est l’approche de la MNRA à l’égard du conjoint du chef d’entreprise ?

MJA : tout d’abord, en tant que spécialiste de la protection sociale, nous assurons la promotion du statut de conjoint, qui, depuis 2005, est devenu obligatoire pour les conjoints qui travaillent dans l’entreprise artisanale. Les conjoints travaillant dans l’entreprise doivent bénéficier de leur propre protection sociale et relever d’un régime obligatoire de protection sociale, régime général ou RSI. Pour cela ils doivent faire le choix d’un statut social.
 
Les résultats de notre observatoire attestent de cette impérieuse nécessité : alors que 46% des conjointes travaillaient dans l’entreprise artisanale, 46% perçoivent moins de 1.000 euros mensuels de retraite, contre 32% des anciens chefs d’entreprise ; 40% n’ont pas vraiment préparé leur retraite, contre 18% des anciens chefs d’entreprise ; 36% seulement bénéficient d’une retraite à taux plein, contre 65% des anciens chefs d’entreprise ; 67% ne se sont pas préparées à une possible perte d’autonomie.
 
Aujourd’hui encore, dans la grande majorité des entreprises artisanales et commerciales, les conjoints participent à l’activité de l’entreprise. Parmi les 950.000 entreprises artisanales, plus du tiers des conjoints participent à l’activité de l’entreprise, soit 332.000 femmes.
 
Parce que le conjoint à la retraite doit pouvoir rester indépendant et compter sur une retraite décente ; parce que la carrière du conjoint est impactée par des évènements familiaux forts ; parce que  la rémunération est moins importante pour une femme que pour un homme à poste égal ; parce que l’espérance de vie est plus longue pour une femme ; parce que le conjoint doit se constituer des droits propres et ne pas être à la charge de ses proches ; parce qu’il faut prévoir pour ne pas subir  les conséquences de survenance de maladie, d’invalidité, de dépendance, de décès, que ces risques se produisent durant l’activité ou la retraite du chef d’entreprise ou de son conjoint.
 
Pour toutes ces raisons, dans notre diagnostic en protection sociale du couple, nous proposons un volet spécifique pour le conjoint collaborant à l’entreprise. Un diagnostic personnalisé, dont l’objectif est de donner à la conjointe, une analyse objective des forces et des faiblesses de sa couverture sociale, de comparer cette analyse à l’idée que la conjointe se fait de sa propre protection sociale, de proposer des solutions personnalisées et adaptées aux besoins de la conjointe.

Seulement 18% des retraités interrogés ont organisé leurs obsèques par avance. Comment expliquez-vous ce chiffre relativement peu élevé ? Et comment faire pour que plus de retraités aient une démarche active de prévoyance en matière d’obsèques ?

SC : le principal frein semble être psychologique : 58% des adhérents interrogés nous disent ne pas vouloir penser aux évènements tristes. La bonne approche consiste donc à dédramatiser ; en insistant sur le fait que la souscription d’un contrat obsèques est une démarche de prévoyance, qui vise à préserver ses proches dans des moments particulièrement difficiles, celui de la perte de ses parents.
 
Notre contrat obsèques, inclut également des services d’assistance et d’accompagnement tout au long de la vie, une manière également de dédramatiser son comportement vis-à-vis de ses propres obsèques. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que le marché du funéraire est peu transparent, avec un niveau de prix très élevé. D’où la nécessité de faire le choix d’un contrat en prestations qui, seul, permet de préfinancer et préparer l’organisation des obsèques. Ces contrats sont les plus transparents, et les plus avantageux en termes de tarifs. Ils sont aussi les plus sécurisés, au plan juridique.
 
Les artisans retraités sont globalement satisfaits de leur qualité de vie. Peut-on dire la même chose à propos de leur conjointe ?

SC : l’enquête montre clairement qu’il existe de nombreuses disparités entre les chefs d’entreprise et leur conjointe, entre les hommes et les femmes, et ce tout au long de la vie. Ces disparités se retrouvent dans l’opinion que les conjointes ont de leur qualité de vie à la retraite. Ainsi parmi les adhérents qui nous disent avoir des problèmes relationnels ou vivre  dans un mauvais environnement, une large majorité sont des conjointes.
 
L’explication à cette opinion négative est à rechercher dans le fait que les bénéficiaires indirects de la MNRA sont des conjointes isolées. C’est aussi d’ailleurs pourquoi 14% d’entre elles envisagent l’admission dans un établissement pour personnes âgées dépendantes en cas de perte d’autonomie, contre 6% pour les bénéficiaires directs. En résumé, tous ces chiffres démontrent la nécessité d’une approche différenciée entre les hommes et les femmes de leurs besoins et des solutions à leur proposer, afin de prendre en compte la plus grande vulnérabilité sociale et économique de ces dernières. 

Article publié le 19/06/2014 à 09:33 | Lu 1020 fois