Mieux comprendre le coronavirus avec le Pr Michel Goldberg de l'Institut Weizman

Cela fait maintenant près de deux mois que le coronavirus tue en Asie et commence à sévir également en Europe depuis deux semaines… Avec une mortalité nettement plus élevée chez les personnes âgées. Le Pr Michel Goldberg, professeur émérite à l’Institut Pasteur et président du Conseil scientifique de Weizmann France, revient en détail sur ce virus qui s’est développé dans le monde entier.


David Weizmann : Mais d’où vient donc ce virus, inconnu jusqu’ici ?
 
Pr Michel Goldberg : Comme beaucoup de ces « nouveaux virus » qui affectent les humains depuis quelques années, ils ne sortent pas de nulle part. Il existe de nombreux corona virus, répartis en quatre classes (alpha, bêta, gamma et delta), connus pour infecter de très diverses espèces animales. Mais très peu d’entre eux affectent l’homme.
 
Ceux responsables des sévères maladies respiratoires humaines (le virus du SARS apparu en 2002, celui du MERS apparu en 2012 et le nouveau corona virus apparu en 2019) sont des descendants de virus qui existaient de manière endémique chez des animaux mais n’affectaient pas les humains.
 
Le tout dernier de la série, le SARS-cov2 responsable de l’épidémie actuelle, est selon toute vraisemblance le descendant d’un corona virus propagé par les chauves-souris. En effet, son ARN (la molécule qui contient tous ses gènes) est homologue à 90% à l’ARN d’un virus bien connu circulant assez largement et depuis longtemps dans les chauves-souris.
 
En subissant quelques mutations, le virus de chauve-souris s’est progressivement adapté à d’autres espèces animales. D’abord, semble-t-il, au pangolin (fourmilier écailleux) qui a servi de transition, puis à l’homme en acquérant la capacité à se fixer aux cellules humaines.
 
David Weizmann : Dans son exposé, le Professeur Ron Diskin parle de médicaments anti-viraux et de vaccins. Quelle est la différence entre les deux ?
 
Pr Michel Goldberg : Un médicament anti-viral est une substance administrée à un malade atteint d’une maladie virale dans le but de le guérir en empêchant la multiplication des virus présents dans l’organisme du patient. Un vaccin, lui, est administré à une personne saine dans le but de prévenir une infection en préparant le système immunitaire de cette personne à réagir rapidement et efficacement contre le virus dès son entrée dans l’organisme.
 
David Weizmann : Quelle est la probabilité pour que le « remdesivir » mentionné par le Dr Diskin soit efficace pour traiter les malades infectés par le SARS-cov2 ?
 
Pr Michel Goldberg : Des trois molécules actuellement expérimentées dans le monde comme traitements potentiels de la maladie qui nous préoccupe, le remdesivir est certainement celle qui me semble la plus prometteuse, et cela pour plusieurs raisons.
 
D’abord, parce qu’elle a été mise au point par une société impliquée depuis plusieurs années dans la recherche de traitements contre les corona virus.
 
Ensuite parce que, contrairement à la chloroquine qui elle aussi semblerait efficace, son mécanisme d’action est bien compris : le remdesivir empêche la multiplication du virus en bloquant l’enzyme qui recopie le « chromosome » du virus.
 
Aussi parce que ce médicament a déjà montré son efficacité sur plusieurs corona virus affectant les animaux, et en particulier (du moins sur un modèle animal) sur le corona virus du MERS humain.
Et enfin parce que des résultats, très préliminaires il est vrai, suggèrent qu’il serait efficace contre le SARS-cov2.
 
A ma connaissance, deux patients traités par cette molécule ont été semble-t-il rapidement et complètement guéris : le premier malade américain à Seattle, et le malade français hospitalisé à Bordeaux. Bien que très préliminaires, ces résultats sont très encourageants.
 
Notons que la molécule est actuellement en cours d’essais cliniques aussi bien en Chine qu’aux États-Unis et que l’on devrait assez rapidement (quelques semaines sans doute) avoir une bonne idée de l’efficacité de ce traitement. Cependant, même si à court terme la molécule s’avère efficace, il faudra attendre au moins plusieurs mois avant qu’elle subisse la procédure complète d’homologation et devienne disponible sur le marché.
 
David Weizmann : Autre chose à proposer en attendant le vaccin en dehors des mesures gouvernementales et des mesures d'hygiène classique ?

Pr Michel Goldberg : L’application stricte des directives gouvernementales me semble essentielle, même s’il est évident qu’elles ne peuvent à coup sûr nous préserver d’une infection. Seule suggestion supplémentaire qui me vienne à l’esprit : il me semble prudent pour les personnes « à risque », en particulier les personnes âgées, de se faire vacciner contre le pneumocoque pour minimiser le risque d’infection bactérienne en cas de syndrome respiratoire dû au corona virus.
 
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Publié le 10/03/2020 à 01:00 | Lu 3192 fois