Maison de retraite : le phoque Paro comme outil thérapeutique

C’est une grande tendance en maisons de retraite depuis deux ou trois ans… On voit en effet arriver dans les résidences pour personnes âgées de plus en plus de robots d’assistance et thérapeutique. Pour en savoir plus, demandons à Zoé Labarre, psychologue au Jardin de Levallois, ce qu’elle en pense. Interview.


Qui est Paro ?
C’est un robot qui ressemble à un phoque, il a été créé pour les personnes atteintes de la maladie Alzheimer ou apparentées. Au sein de la résidence, cet outil thérapeutique est destiné uniquement à des personnes ayant de troubles modérés à sévères d’une maladie neurodégénérative.
 
Comment utilisez-vous Paro à Levallois ?
Au sein de l’établissement, Paro est autant utilisé en groupe de cinq à six personnes lors d’une séance hebdomadaire, mais également en individuel dans certaines occasions. En groupe, son utilisation a pour vocation d’entrer en relation avec son utilisateur. Toutefois, il convient de ne pas se satisfaire uniquement du contact noué entre Paro et celui-ci, le robot est là pour compléter l’action des professionnels dans la prise en charge globale du résident et non pour s’y substituer !
 
En individuel, Paro s’utilise ponctuellement lorsque la communication verbale semble rompue avec le résident, notamment dans des moments d’angoisses majeures. Pour minimiser le risque d’une nouvelle angoisse, cette fois-ci générée par la séparation, nous faisons en sorte que ce soit le résident lui-même qui choisisse le moment pour stopper son utilisation. Cela permet de le laisser maître de sa prise en charge et cela met en valeur le fait que c’est un robot et que l’on choisit ou pas, de l’actionner.
 
Comment avez-vous présenté Paro aux résidents lors de sa première utilisation ?
Au tout début, Paro a fait l’objet d’une séance dédiée uniquement à sa présentation en tant que nouveau « média ». Chaque résident a pu exprimer son intérêt -ou non- pour le robot et a commencé à s’approprier son utilisation. Ceux qui sont réceptifs au petit phoque projettent leurs émotions de l’instant sur le robot et c’est notamment par ce biais que le professionnel peut accéder aux ressentis de ces résidents pour qui la communication verbale devient de plus en plus compliquée.
 
Utiliser un robot présente des avantages mais fait également débat car il soulève des questions éthiques. Qu’en pensez-vous ?
Il est important de prendre du recul sur l’utilisation de ce nouveau moyen thérapeutique. Comme tous les outils de médiation thérapeutique il a des avantages mais peut aussi, en cas de mauvaise utilisation, être néfaste.

Depuis sa création, Paro anime de nombreux débats éthiques, plusieurs études dénoncent d’ailleurs son utilisation la considérant comme « non éthique » car les bénéfices provoqués par ce robot seraient fondés sur des réactions de méprise. C’est donc avec la connaissance de toutes ces considérations éthiques qu’il faut aborder l’utilisation de ce robot qui peut parfois être un bon outil pour entrer en relation, accéder aux désirs et émotions enfouies et inexprimées du fait de la maladie.
 
Les émotions et les sensations restent actives tardivement dans la maladie. Ainsi, stimuler des personnes malades par l’effet de nouveauté que suscite ce robot peut s’avérer bénéfique. Plusieurs effets positifs immédiats sont aussi observables : la création ou le renforcement de contact sociaux, des effets psychologiques (pouvoir parler de soi à travers Paro) ainsi que des effets sur les troubles du comportement (diminution de l’agitation, stabilisation et gestes ralentis et doux lorsque Paro est sur soi). 
 
C’est en ayant une bonne connaissance des limites thérapeutiques, des bénéfices potentiels et des enjeux éthiques qu’il faut aborder chaque utilisation de ce robot. Il est important de bien connaître les résidents en amont afin de cerner ceux qui pourraient être réceptifs à ce type de prise en charge. A la résidence, pour le moment, chaque utilisation a été un succès, avec des effets immédiats et impressionnants.
 
Le phoque est-il parfois rejeté ?
Lorsque l’objet est mal présenté ou proposé à une personne qui n’est pas réceptive, Paro peut faire l’objet de vives manifestations de mécontentement. A la résidence, nous n’avons pas encore été confrontés à des situations de rejets catégoriques,
 
Et les familles, comment ont-elles accueilli le robot ?
Nous avons d’abord sensibilisé les familles en leur présentant ce robot avant son utilisation. Elles ont toutes souhaité « voir » à quoi ressemblait Paro et surtout comment celui-ci fonctionnait. Toutes s’accordent à penser que si cet objet fait du bien à leur parent et nous permet de mieux le prendre en charge, c’est alors un bon outil dont il ne faut pas se passer. 

Publié le 03/05/2017 à 06:47 | Lu 8897 fois