Les souvenirs : film intergénérationnel de Jean-Paul Rouve

L’acteur et réalisateur Jean-Paul Rouve vient de dévoiler les premières images de son prochain long-métrage, Les Souvenirs, qui sortira sur les écrans en janvier 2014. Un film inspiré du roman éponyme de David Foenkinos qui met en scène un petit-fils qui part à la recherche de sa grand-mère.





De plus en plus de long-métrages français mais également étranger abordent l’intergénération et les relations familiales. C’est le cas du dernier film de l’acteur et réalisateur Jean-Paul Rouve qui s’est inspiré du roman de David Foekinos. On y retrouve Michel Blanc, toujours aussi bon et l’extraordinaire Annie Cordy. L’histoire ?
 
Romain (Mathieu Spinosi) a 23 ans. Apprenti écrivain le jour, il est veilleur de nuit dans un hôtel... Son père (Michel Blanc) a 62 ans. Il part à la retraite et fait croire à tout le monde que ça lui est égal… Sa grand-mère a 85 ans (Annie Cordy). Elle se retrouve en maison de retraite et se demande ce qu'elle fait avec tous ces vieux. Un jour son père débarque en catastrophe. Mamie a disparu. Evadée ? C’est alors que son petit-fils va partir à sa recherche… Quelque part dans ses souvenirs ?
 
Dans son livre, l’auteur David Foenkinos nous proposait une méditation sur le rapport au temps et sur la mémoire. Les rapports entre générations, les sentiments enfouis, les déceptions de l’amour, le désir de créer, la tristesse du vieillissement et de la solitude… A relire avant d’aller voir le film. Jean-Paul Rouve a déjà réalisé Sans arme ni haine ni violence et Quand je serai petit.

Entretien avec Jean-Paul Rouve

Comment avez-vous eu l'idée d'adapter le livre de David Foenkinos ?

J'ai rencontré David quand j'étais en tournée pour Quand je serai petit. On a une amie commune, Emilie Simon, qui a composé la musique de La délicatesse et de mon précédent film. Les producteurs, que je ne connaissais pas, avaient acquis les droits des Souvenirs et ils cherchaient avec David un réalisateur. J'ai ensuite rencontré Romain Rousseau (l’un des deux producteurs avec Maxime Delauney, et mon agent leur a ensuite fait part de mon intérêt pour le projet.
 
Vous avez collaboré à l'écriture du scénario avec David Foenkinos...

J'ai d'abord lu son roman, puis je l'ai appelé. Il avait rédigé une première version dialoguée de son livre : je lui ai confié que son travail était très proche de mon dernier film, Quand je serai petit, presque trop ! Du coup, on a repris le texte tous les deux. De mon côté, j'avançais avec beaucoup de prudence, car il s'agissait de son travail et je ne voulais pas le froisser. Mais au bout de deux heures, je me suis rendu compte qu'il n'avait aucun orgueil mal placé, et on est donc parti sur des bases très simples, comme si ce n'était pas lui qui avait écrit le livre.
 
Mon objectif était de donner une plus grande place à la comédie. On a davantage développé le rôle du père, joué par Michel Blanc, et créé le personnage du colocataire : c'est avec lui que dialogue le protagoniste, ce qui permet de connaître les états d'âme de Romain sans avoir recours à une voix-off. Par ailleurs, si dans le roman la mère vit dans une maison de repos, on a fait un choix différent pour l'adaptation. Enfin, le scénario s'arrête aux deux tiers du livre puisque la dernière partie, sur la vie de Romain avec la jeune fille, a été supprimée.

 
Les rapports familiaux, et notamment le rapport au père, traversent souvent vos films…

C'est très juste, le rapport à la paternité m'intéresse beaucoup. Quand on grandit, on dit souvent qu'il faut « tuer le père » pour mûrir. Je ne pense pas que ce soit un passage obligé : à mon sens, on peut grandir autrement. Cela peut passer par un autre regard –qui n'empêche pas l'amour pour les parents– qui incarne une façon inédite de voir le monde. Il peut s'agir d'une personne, ou d'un écrivain qu'on découvre. Ce n'est pas toujours uniquement la figure paternelle qui nous apprend à être un homme. Le personnage de l'hôtelier dans le film est beaucoup plus jeune que celui du livre. C'est volontaire car on ne voulait pas qu'il soit en concurrence avec le père : ici, ils ne sont pas en rivalité, mais en complémentarité.
 
Le film décrit trois trajectoires initiatiques, de trois générations différentes : le jeune homme, le père, la grand-mère…

C'est très difficile de parler de la vie. Et il n'y a rien de plus intéressant : le quotidien, le parcours d'hommes, de gens normaux, ça me fascine. C'est le cinéma que j'aime faire en tant que metteur en scène, que j'aime voir comme spectateur et c'est très français.
 

Les personnages, quel que soit leur âge, sont tous en quête de quelque chose, comme s'ils n'avaient pas encore trouvé leur place...

Oui, et d'une certaine manière ils se cherchent –le jeune homme, qui n'a encore trouvé ni sa voie ni l'amour, le père qui ne sait pas bien comment affronter l'après-vie professionnelle, l'hôtelier qui a son fils loin de lui, et même la grand-mère qui aspire à revenir sur les terres de son enfance...
 
Un jour, un journaliste belge qui avait écrit une critique de Quand je serai petit m'a dit que je m'intéressais aux gens qui ne sont pas à leur place. Et de fait, j'aime les gens qui ne sont pas à leur place : ça fait partie de la vie et ça concerne une grande majorité de gens. On y reste par paresse, par sécurité, par amour… et parfois on s'en rend compte. Ce n'est pas encore le cas de Romain, mais il a déjà peur de ne pas être là où il devrait. Le personnage de Michel Blanc est aussi concerné : le passage à la retraite agit comme un révélateur. De la même façon, la grand-mère a laissé filer le cours de l'eau et elle décide soudainement de prendre un autre embranchement. J'aime l’idée que les gens font ce qu'ils peuvent. On essaie le plus souvent de bien faire, et parfois, on se trompe.
 
Comment expliquer une si grande proximité du jeune homme avec sa grand-mère, qui vient d'une génération et d'un monde qui lui sont inconnus ?

C'est un peu comme si ce gamin était avide de se créer des souvenirs avec elle, et qu'il en avait conscience. Ce rapport-là m'intéressait et j'ai eu envie de le creuser. J'ai l'impression que, très rapidement, il ne la voit plus comme sa grand-mère, mais comme une femme : il se demande quel a été le parcours de cette femme qui a été jeune, qui s'est mariée, qui a eu des enfants, des petits-enfants. Ce n'est pas son statut social qu'il regarde, mais ce qu'elle est en tant qu'être humain.
 

Comment s'est déroulé le casting ?

Dès le départ, je voyais Annie Cordy dans le rôle de la grand-mère : je lui ai fait parvenir le scénario, on s’est rencontré et j’ai tout de suite vu dans son regard que c’était Madeleine. Ensuite, j'ai pensé à Michel Blanc, que je ne connaissais pas. Il m'a répondu au bout de deux jours, alors qu'il est très sélectif ! J’étais très heureux et fier car Michel est non seulement un grand comédien mais aussi un réalisateur, scénariste, dialoguiste hors pair.
 

Annie Cordy est épatante : on oublie totalement son personnage de chanteuse populaire.

C'était une évidence. D'abord, je l'avais déjà vue jouer dans Le passager de la pluie et Le chat. Tout le monde m'a dit « tu es sûr ? ». On lui a toujours confié des rôles durs au cinéma qui ne ressemblaient en rien à ses chansons. Je suis ravi qu'on la trouve géniale. J'espère qu'elle aura le César du meilleur espoir féminin ! (rires) Elle a un sens du jeu très développé car elle a une grande capacité d'écoute.
 
Un film de Jean-Paul Rouve, avec Michel Blanc, Annie Cordy, Mathieu Spinosi, Chantal Lauby, William Lebghil, Audrey Lamy, Flore Bonaventura, Jean-Paul Rouve


Article publié le 17/11/2014 à 16:39 | Lu 5258 fois