Les acteurs du portage à domicile de repas doivent savoir s'entourer

Trois questions à Cathy Alegria, directrice d’études Xerfi qui vient de publier une étude sous le titre : « Les nouvelles perspectives du portage de repas à domicile - Stratégies de renouvellement de l’offre et retour de l’inflation : quels impacts sur le marché d’ici 2024 ? »






Comment les acteurs du portage de repas à domicile abordent-ils l’avenir ?

Depuis 2020, le marché du portage de repas à domicile profite de solides moteurs de croissance. A tel point qu’il devrait représenter 560 millions d’euros cette année, selon nos estimations.
 
D’un côté, les nouveaux adeptes recrutés pendant la crise sanitaire sont restés fidèles au service. De l’autre, le prix moyen d’un repas a été revalorisé (de 9 à 10,50 euros d’après nos calculs) pour amortir la hausse des principaux coûts des prestataires (frais de personnel, carburants, denrées alimentaires et emballages).
 
Sans oublier, bien sûr, la hausse structurelle du nombre de seniors en perte d’autonomie, désireux de rester à domicile. A titre d’exemple, le spécialiste Menus Service a engrangé un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros en 2021 (soit 1,6 fois de plus qu’en 2019).
 
Et le marché continuera d’évoluer sur une pente ascendante à moyen terme en raison de l’augmentation inéluctable du nombre de personnes âgées dépendantes mais aussi, du virage « domiciliaire » souhaité par les pouvoirs publics.
 
Le foisonnement de l’offre et l’expansion géographique des acteurs privés, la généralisation progressive du crédit d’impôt instantané ainsi que les nouvelles hausses tarifaires devraient également donner une nouvelle impulsion au marché.
 
Celui-ci devrait en effet croître de 3,5% par an en moyenne pour franchir la barre des 600 millions d’euros en 2024, selon nos prévisions. Mais la flambée des coûts va compliquer l’équation économique des acteurs.
 
Les marges de ces derniers vont ainsi franchement décrocher à court terme. Pour défendre leur profitabilité, les opérateurs amélioreront l’efficacité opérationnelle et la logistique de livraison. A ce titre, ils développeront des outils technologiques afin d’optimiser les stocks et les approvisionnements, le planning des équipes, la prise en charge des commandes et l’organisation des tournées de livraison.
 
Notons par ailleurs que les collectivités territoriales (mairie, CCAS, CIAS…) jouent un rôle de premier plan sur le marché dans la mesure où le portage de repas contribue au maintien à domicile des personnes âgées sur leur territoire.
 
On aura aussi compris que le marché du portage de repas dépend largement des aides de l’Etat (allocation personnalisée d’autonomie ou APA et les réductions d’impôt). A cela peuvent s’ajouter des aides versées par les départements et les caisses de retraite sous certaines conditions.

Les rivalités concurrentielles sont-elles une réalité sur ce marché ?

La compétition reste plutôt faible sur ce marché au regard d’autres services à domicile (ménage, jardinage…). Toutefois, plusieurs facteurs ont renforcé l’intensité concurrentielle. Il s’agit en particulier de l’expansion géographique des réseaux sous enseigne dans les plus petites agglomérations.
 
Je pense également à la faible différenciation des offres des prestataires et au faible consentement à payer des seniors. Ce qui entretient les pressions sur les prix. Enfin, l’arrivée de nouveaux entrants ne doit pas être prise à la légère.
 
Plusieurs groupes d’EHPAD se sont ainsi récemment dotés d’une offre dédiée, à l’instar d’Iroise Bellevie (Iroise Repas) et d’Emera (Emera Gourmet). Les sociétés de portage de repas à domicile évoluent dans le vaste écosystème du maintien à domicile des seniors.
 
Celui-ci compte une pluralité d’intervenants qui opèrent sous différents statuts (public, privé commercial et privé à but non lucratif). Tous ces acteurs sont de puissants prescripteurs pour les personnes dépendantes qu’ils accompagnent.
 
Compte tenu de la complexité de l’écosystème du maintien à domicile et de l’organisation des services de portage de repas, les sociétés de portage de repas doivent relever deux grands défis pour s’imposer sur le marché : se rapprocher de partenaires prescripteurs et s’entourer de partenaires pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur.
 
En d’autres termes, le portage de repas à domicile est bien souvent le fruit du travail de plusieurs prestataires coordonnés par un donneur d’ordre.

De quelles façons, les opérateurs revisitent-ils leur offre ?

L’extension du maillage territorial est un axe de développement privilégié par les acteurs privés. Il permet de gagner de nouveaux clients mais aussi d’atteindre une taille critique permettant de générer des économies d’échelle.
 
Plusieurs modes de croissance sont alors utilisés : franchise, création de nouvelles agences et croissance externe. Précisons que comme les principaux postes de charge sont fixes, atteindre une taille critique sur chaque zone couverte et déterminante pour rentabiliser l’activité.
 
Lorsque les zones de livraison se chevauchent, les acteurs cherchent à se différencier des concurrents. Cela passe par la personnalisation du service, le développement d’une offre premium mais aussi le déploiement d’une marque forte.
 
Les évolutions réglementaires et celle des critères d’attribution des appels d’offre les poussent par ailleurs à repenser leur activité pour en réduire l’empreinte environnementale.

Article publié le 21/03/2023 à 01:00 | Lu 9221 fois