Les Européens et la longévité (partie 1)

L’allongement de la vie est devenu la situation normale des pays développés. De l’acceptation du droit à vieillir à la gestion économique des retraites en passant par le financement de la dépendance, déclarée chantier prioritaire en 2011, les enjeux sont importants. Maintenant qu’en est-il du bien vieillir et de la possibilité de vivre le plus longtemps possible en bonne santé ? Jusqu’à quel âge se voient vivre les Européens ? Quels clivages y a-t-il entre l’Allemagne et l’Italie ou l’Espagne ? Sous quelles conditions les Européens veulent-ils vivre plus longtemps ? Pour beaucoup, le vieillissement est le déclin des performances et l’accroissement des déficits, quelle est la vision des Européens ? Des réponses grâce à l’étude commanditée par le laboratoire PiLeJe auprès de l’Institut Ifop. Première partie.





Vivre très vieux: un souhait pas si commun

Contrairement à ce que d’aucuns auraient pu attendre, il ne se trouve qu’une courte majorité d’Européens (52%) à souhaiter vivre très vieux, par exemple au-delà de 100 ans. Les réponses sur ce point varient fortement selon le pays de l’interviewé.

Ainsi, en Europe du Sud, une part importante des personnes interrogées espère arriver à un très grand âge : c’est le cas de 62 % des Italiens et de 63% des Espagnols. En France et au Royaume Uni, les perceptions sont beaucoup plus partagées, avec respectivement 48% et 49% des répondants souhaitant vivre très vieux.

C’est en Allemagne qu’on trouve le plus de réfractaires à une très longue vie (44% seulement disent vouloir vivre très vieux). On relève qu’en France et en Allemagne, les plus âgés des répondants (65 ans et plus) sont les moins nombreux à souhaiter vivre très longtemps, phénomène qui n’est pas observé dans les autres nations. Remarquons enfin que dans tous les pays, les CSP+ se montrent plus promptes que les CSP- à vouloir une grande longévité.

Espérance de vie: l’optimisme l’emporte

Une forte proportion des personnes interrogées (71%) pense vivre plus longtemps que ses parents. Dans aucun pays cette représentation n’est contredite. C’est au Royaume Uni (75%) et en Espagne (76%) qu’on observe le plus grand optimisme dans cette évaluation comparée de son espérance de vie personnelle. L’Allemagne se situe dans la moyenne (72%), tandis que la France (69%) et surtout l’Italie (66%) font montre de plus de réserves.

Dans tous les pays, on relève que les répondants les plus âgés sont les plus nombreux à estimer qu’ils vivront plus longtemps que leurs parents, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’ils ont déjà, pour certains d’entre eux, atteint un âge assez important et qu’ils sont davantage que les autres répondants en mesure d’effectuer une comparaison, ayant pour la plupart perdu leurs parents.

Les Européens et la longévité (partie 1)
En France, les plus jeunes font preuve d’un optimisme très supérieur à la moyenne (80% des 18 -24ans anticipent en effet une vie plus longue que celle de leurs parents), alors qu’en Italie et en Allemagne, ils sont à l’inverse les plus pessimistes.

L’optimisme général des peuples européens concernant leur espérance de vie est confirmée par les estimations faites par les répondants s’agissant de leur propre âge de décès. En effet, il se situe en moyenne sur les cinq pays interrogés à 83,9 ans, soit plus de cinq ans que l’espérance de vie réellement observée (78,7 ans).

Dans tous les pays, les réponses données sont supérieures à 80 ans en moyenne et dépassent largement les espérances de vie réelles observées. Le record de l’optimisme va à la France (85,3 ans) et à l’Espagne (85,5 ans).

Assez étrangement, on observe qu’il n’y a qu’en France que les femmes déclarent un pronostic supérieur en moyenne à celui des hommes (ce qui est conforme à la réalité) : dans tous les autres pays, c’est soit l’inverse, soit une réponse identique entre les deux sexes.

On remarque par ailleurs que ce sont les plus âgés de l’échantillon qui anticipent la plus longue espérance de vie, et qu’il y a un léger écart entre les réponses des CSP+ et celles données par les CSP-, ces dernières s’avérant légèrement moins optimistes. Enfin, il y a une corrélation évidente entre le souhait de vivre vieux et l’espérance de vie estimée : plus on a envie de vivre vieux, plus on déclare une estimation d’espérance de vie élevée.

La vieillesse : un moment plutôt heureux, à certaines conditions
Globalement, les Européens interrogés ont tendance à considérer la vieillesse comme un moment heureux: 9% estiment qu’il l’est le plus souvent, 65% qu’il peut l’être mais pas toujours. Seuls 20% estiment que c’est rarement un moment heureux, et 6% le plus souvent un moment malheureux.

C’est au Royaume-Uni qu’on a la perception la moins positive de cet âge de la vie (31% considèrent que c’est rarement ou jamais un moment heureux), et c’est en Allemagne qu’on a le jugement le moins négatif (84% considèrent globalement que c’est un moment heureux). Relevons qu’en Espagne, 16% pensent que c’est le plus souvent un moment heureux, et qu’à l’inverse, en Italie, 12% que c’est dans la plupart des cas un moment malheureux.

Au premier rang des conditions indispensables pour faire de la vieillesse un moment heureux, les personnes interrogées citent dans des proportions très proches la conservation de ses moyens physiques (56%) et intellectuels (51%). Le fait de disposer d’un minimum de ressources (cité par 31%), celui d’être entouré par ceux qu’on aime (26%) ou encore de continuer à avoir une vie sociale (17%) sont évoqués dans des proportions nettement moins importantes. La hiérarchie des réponses diffère quelque peu selon les pays.

Ainsi, on observe qu’en France, la possibilité de rester physiquement autonome, d’être capable de vivre chez soi, s’avère la condition de loin la plus importante (64% de citations), sans doute sous l’effet du débat actuel sur la dépendance, dans lequel il est beaucoup question de ces aspects. Au Royaume-Uni, c’est d’abord la conservation de ses facultés intellectuelles qui prime (59%), de même qu’en Allemagne (54%). S’agissant de la vie sociale, c’est en Allemagne qu’elle compte le plus (21% de mentions) à l’inverse de l’Espagne (10% seulement). Relevons enfin que les Espagnols sont nettement plus nombreux que la moyenne à citer la permanence de l’entourage affectif (34%).

Dans tous les pays, le fait de conserver son autonomie physique est davantage cité par les personnes les plus âgées de l’échantillon (les 65 ans et plus), signe de ce que cet aspect constitue la préoccupation la plus importante à mesure qu’on s’approche du grand âge. La conservation de ses moyens intellectuels ou de sa vie affective et sociale est davantage mise en avant par les répondants les plus jeunes.

Article publié le 04/05/2011 à 11:21 | Lu 3229 fois