Les Carnets de Camus au Théâtre Lucernaire : un Camus inédit

Ecrits entre 1935 et 1959, ces carnets découverts et publiés par son épouse Francine puis par sa fille Catherine, n’avaient jamais été montés en spectacle théâtral. Pourtant l’œuvre est de taille, occupant pas moins de trois volumes édités maintenant séparément.





Stéphane Olivié Bisson, grand connaisseur du romancier algérois, s’y est attelé et nous livre ici son travail dans une production ramassée d’environ 80 mn.
 
L’endroit où ce spectacle est donné mérite en lui-même le détour. Beaucoup d’entre nous connaissent le Théâtre Lucernaire mais sait-on que celui-ci possède au tout dernier étage, sous les toits, une petite salle de capacité de 50 places à peine, permettant un contact étroit entre les banquettes et le plateau. C’est là, dans l’intimité de ce lieu, que nous arrive par flots discontinus la langue admirable de Camus.
 
Car ces Carnets, s’ils n’étaient sans doute pas destinés à être mis en scène, peut-être tout au plus à être édités en livre, et par là-même à mi-chemin entre les notes et l’ébauche d’un roman, nous livrent le plus profond de leur auteur dans toute sa richesse.
 
Le metteur en scène a choisi de respecter la chronologie de l’œuvre, nous promenant du populaire quartier Belcourt d’Alger à Paris et Lourmarin, de l’avant-guerre aux années cinquante.
 
Les grandes passions de l’auteur nous sont dévoilées sans surprise : l’amour, la liberté, la lumière, la mer et…sa mère. On y découvre un Camus en quête de bonheur, mais parfois désabusé, voire cynique.
 
Ses relations compliquées avec Sartre et Beauvoir sont évoquées sans détour mais sans agressivité gratuite. Il nous parle aussi des communistes, ou du Prix Nobel, et plus généralement de son envie mais aussi de ses difficultés à se fondre aux autres hommes.
 
Et puis, bien sûr, car notre humaniste était aussi philosophe, l’auteur nous livre quelques réflexions bien senties sur la mort, cette mort de maladie qui semble s’annoncer pour lui et qui pourtant ne sera pas celle qu’il prévoyait.
 
Stephane Olivié Bisson, assisté de Bruno Putzulu, signe la mise en scène. Il a choisi d’occuper le plateau par quelques accessoires, un fauteuil et deux chaises, et aussi un tapis fait de petits galets blancs, blancs comme Alger, ronds comme le soleil. Il s’aide de quelques vues d’extérieurs projetées sur un écran avec un fond sonore qui n’est jamais envahissant.
 
Il est aussi notre Camus, un Camus plus jovial et plus souriant que celui qu’on imagine, révélant ainsi par son jeu ce que les Carnets nous dévoilent de nouveau sur cet auteur dont on croyait tout savoir.
 
Tout au long du spectacle le comédien sait alterner les moments de joie, de poésie et de révolte chères à notre écrivain bien aimé. Une belle prouesse d’acteur qui mérite toute notre admiration.
 
Théâtre Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris
Du mardi au samedi 19h jusqu’au 4 mai

Article publié le 15/04/2019 à 01:00 | Lu 1838 fois