Le trottoir au soleil de Philippe Delerm : de la douceur d’avoir soixante ans…

L’auteur français Philippe Delerm vient de publier chez Gallimard (collection Blanche) sont dernier ouvrage intitulé Le trottoir au soleil. Un recueil de nouvelles sobres et pleines de finesse. Avec en filigrane, une petite touche de nostalgie. « A soixante ans (…) on est sûr d’avoir franchi le solstice ».





« À soixante ans on a franchi depuis longtemps le solstice d'été. Il y aura encore de jolis soirs, des amis, des enfances, des choses à espérer. Mais c'est ainsi : on est sûr d'avoir franchi le solstice. C'est peut-être un bon moment pour essayer de garder le meilleur : une goutte de nostalgie s'infiltre au cœur de chaque sensation pour la rendre plus durable et menacée. Alors rester léger dans les instants, avec les mots. Le solstice d'été est peut-être déjà l'été indien, et le doute envahit les saisons, les couleurs. Le temps n'est pas à jouer ; il n'y a pas de temps à perdre.

Avec les mots rester solaire. Je sais ce qu'on peut dire à ce sujet : l'essentiel est dans l'ombre, le mystère, le cheminement nocturne. Et puis comment être solaire quand l'humanité souffre partout, quand la douleur physique et morale, la violence, la guerre recouvrent tout ? Eh bien peut-être rester solaire à cause de tout cela. Constater, dénoncer sont des tâches essentielles. Mais dire qu'autre chose est possible, ici. Plus les jours passent et plus j'ai envie de guetter la lumière, à plus forte raison si elle s'amenuise. Rester du côté du soleil.
» Philippe Delerm.

Extrait d’un entretien publié sur le site de Gallimard

Le Trottoir au soleil, un titre, mais aussi, peut-être, une attitude face à la vie ?

Philippe Delerm — Quand je relis mes précédents recueils, je me rends compte qu’il y a eu une évolution. Mon chemin d’écriture est passé d’une obsession du rythme, de la musicalité de la phrase, à quelque chose de plus acéré, de plus pointu, parfois de plus caustique, en sacrifiant parfois la musicalité à la justesse de la sensation. Mais je me suis rendu compte, aussi, que je devais éviter l’écueil d’une trop grande sécheresse, qui ne correspond pas à mon tempérament profond. Il y a un aspect un peu fruité, un peu solaire, au cœur de ce que j’écris. Voilà pourquoi j’ai eu envie de donner ce ton à ce recueil. En même temps, j’ai décidé d’être résolument solaire, de préférer le trottoir au soleil au trottoir à l’ombre. Même s’il y a beaucoup d’ombre sur le trottoir au soleil, l’ombre d’une certaine mélancolie qui touche à la vie qui passe.

Vous semblez souvent vous placer en position d’observateur, un peu en retrait de la vie…

Philippe Delerm — C’est lié à l’âge. Je viens d’avoir soixante ans, j’ai le sentiment d’avoir fait beaucoup dans mon chemin de vie. Je ressens aussi très fortement, de manière physiologique, l’impression de devenir transparent. En fait, c’est ce que je souhaitais depuis longtemps sans me l’avouer, devenir ce badaud transparent, et l’âge vous le donne. Vous vous rendez très bien compte que l’on ne vous regarde plus, sans être un SDF vous devenez un homme de la rue. Évidemment, il y a là un petit côté mélancolique, mais cela apporte beaucoup à quelqu’un comme moi qui aime profondément le spectacle de la vie. Je pense que le recueil traduit cet amour.

« Delerm est passé maître dans l'art de croquer des instants d'existence, et de nous les rendre avec ce sourire bienveillant et gentiment moqueur. Ce n'est pas sans raison qu'on a appelé Delerm le «Sempé des mots» » souligne Mohammed Assaoui dans Le Figaro.

Le trottoir au soleil
Philippe Delerm
192 pages
Collection blanche, Gallimard
ISBN 9782070123254
Prix : 14.90 euros

Article publié le 28/01/2011 à 09:24 | Lu 3149 fois