Le sondage CSA Pleine Vie rappelle que les seniors sont des internautes comme les autres, chronique par Serge Guérin

Le net est un totem de la modernité, il s’écrit d’ailleurs communément avec un i majuscule. L’idéologie techniciste le pare de toutes les vertus et considère que le réseau transforme le monde, révolutionne la société à travers l’échange entre tous, le progrès de la connaissance, la fin de la solitude et le renouveau des connaissances. D’autres, à l’inverse, ne voient dans le réseau que la source du mal, la porte ouverte à des rencontres dangereuses, une perte de sens et de repères…


Les deux regards, excessifs, témoignent de la difficulté à sortir d’une logique manichéenne face à cet outil dont les potentialités dépendent des usages.

Le livre a sans doute produit une rupture bien plus forte encore. Il a permis le développement des connaissances et des échanges et a véhiculé les idées des Lumières mais aussi, n’oublions pas, celles de tous les fanatismes.

Ce totem symbolise aussi la revanche de la jeunesse car ces derniers pratiquent la communication électronique de façon naturelle, alors que les plus âgés doivent s’adapter de constamment. Face au net, la frontière des âges est originale : les générations se succèdent en moins de cinq ans. Un jeune d’une quinzaine d’années a toutes les chances de renvoyer en maison de retraite un trentenaire confronté à quelques difficultés d’appréhension d’un nouveau jeu…

C’est pourquoi, le sondage CSA publié par Pleine Vie de janvier 2008 sur les comportements face au net des 50-69 ans est des plus utiles pour casser les représentations négatives de l’âge. Il m’a été demandé par la rédaction du mensuel de l’analyser et j’avoue avoir été fort satisfait d’y retrouver confirmation de mes thèses. En effet, les seniors ne sont pas plus réfractaires au réseau des réseaux que les autres. .../...
Le sondage CSA Pleine Vie rappelle que les seniors sont des internautes comme les autres, chronique par Serge Guérin

Ainsi 57 % des seniors disposent d’un ordinateur à leur domicile et 46 % sont connectés à internet. Parmi ces derniers, 80 % ont recours à l’ADSL. Si l’on regarde les seniors ayant les origines sociales et les revenus les plus élevés, le taux d’équipement passe à 73 %.

Une confirmation : la fracture numérique n’est pas d’origine générationnelle mais, comme pour d’autres attitudes et comportements, provient d’une diversité de situations et raisons, dont la situation sociale, le parcours individuel ou l’environnement géographique tiennent une place majeure.

Le sujet ne vise pas à savoir si les seniors sont immergés dans la culture internet mais si leurs modes d’utilisation sont très différents de ceux des autres générations. Certes, les seniors se distinguent des très jeunes en ce qu’ils vivent moins dans le virtuel et utilisent plus le net pour s’informer, se documenter, comparer les offres, préparer un déplacement. Surtout, ils produisent du lien social à travers les échanges de mails avec amis, connaissances et surtout famille, dont les petits-enfants.

De ce point de vue, le mail permet à chacun de rester dans sa logique tout en communicant et échangeant avec l’autre. J’écris à mon heure et dans mon style et le récepteur ferra de même. La relation devient moins formelle, plus égalitaire et plus spontanée. On notera aussi que le net permet un échange intergénérationnel des compétences : le plus jeune demandera un coup de main pour un exposé alors que le plus âgé se fera aidé pour mieux saisir une fonctionnalité de l’ordinateur ou du mail. Chacun apporte à l’autre. C’est cela le plus bel apport de l’internet et de la société évolutive que nous connaissons. Et l’étude CSA Pleine Vie montre fort bien ce changement dans les pratiques et les mentalités.

Pour aller plus loin, lire aussi :
Presque la moitié des seniors se mettent à internet

Serge Guérin, professeur à l’ESG, auteur de L’invention des seniors, Hachette Pluriel

Publié le 07/01/2008 à 10:22 | Lu 5048 fois