Le jeûne avant une chimiothérapie : que faut-il en penser ?

Le jeûne est à la mode ces derniers temps. Si on peut le comprendre dans le cadre d’une vie saine et en pleine forme, certains pensent qu’il est bon de jeûner avant d’être traité par une chimiothérapie dans le cadre d’un cancer. Le point avec le Dr Bruno Raynard de l’hôpital Gustave Roussy de Villejuif.





Plusieurs équipes, dont celle du Pr Valter Longo en Californie, ont montré que le jeûne intermittent (mais aussi la restriction calorique ou protéique, ou la diète cétogène) pouvait améliorer l’efficacité d’une chimiothérapie chez des souris porteuses d’une tumeur cancéreuse. Ce régime pourrait avoir un effet protecteur sur les cellules normales sous l’effet d’un traitement de type chimiothérapie ou radiothérapie.
 
Ces bénéfices ne sont pas retrouvés dans tous les modèles animaux, ni d’ailleurs pas dans tous les modèles cellulaires. La restriction d’apport énergétique, et tout particulièrement glucidique, favorise l’activation de voies de mort cellulaire chez la cellule cancéreuse, tout en plaçant les cellules normales en situation d’« hypométabolisme protecteur ». La restriction d’apports protéiques pourrait aussi jouer un rôle dans l’amélioration d’efficacité de la chimiothérapie.
 
Il existe aucune étude clinique contrôlée prouvant l’effet d’une diète restrictive ou du jeûne au cours du traitement par chimiothérapie chez l’homme. Plusieurs études sont en cours de réalisation mais nous n’en avons pas encore les résultats. Nous ne pouvons donc pas préjuger des résultats de ces études, et ce d’autant plus que la relation hôte-tumeur est plus complexe chez l’homme que chez la souris, que l’alimentation humaine est infiniment plus variée et complexe que celle de la souris, et que ces études s’adressent à des patients très sélectionnés, sans autre pathologie et sans dénutrition pré existante
 
Le jeûne intermittent, la restriction calorique ou le régime cétogène ne sont pas des standards de traitement anti-cancéreux. Nous ne les conseillons donc pas d’autant plus que plus de 40% des patients qui reçoivent une chimiothérapie sont dénutris. La SFNEP recommande donc plutôt dans ces conditions d’optimiser les apports caloriques et protéiques voire de prescrire une nutrition artificielle en cas de dénutrition sévère. La prise en charge nutritionnelle doit, si possible, précéder le traitement anticancéreux.
 
Si un patient souhaitait, malgré tout, jeûner, nous l’informerions des risques qu’il encoure et nous mettrions en place un suivi diététique rapproché pour le conseiller dans sa démarche et pour être alerter précocement en cas de perte de poids significative (> 5%).

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Article publié le 11/07/2016 à 01:00 | Lu 3217 fois