La sécurité et la traçabilité des matériaux utilisés chez le dentiste… Le point avec le professeur Frédéric Cuisinier

A l’occasion d’une récente conférence de presse organisée par l’Association dentaire française (ADF), Frédéric Cuisinier, professeur des Universités-praticien hospitalier qui a créé dans son laboratoire de Montpellier (Hérault) le premier centre officiel d’évaluation et de validation des dispositifs médicaux et biomatériaux dentaires, fait le point sur la sécurité et la traçabilité des différents matériaux utilisés par les dentistes…


Les matériaux utilisés par les dentistes évoluent régulièrement, certains sont abandonnés au profit d’autres plus efficaces ou mieux tolérés. Une nouvelle réglementation les soumet désormais à des normes de sécurité plus strictes, pour le plus grand bénéfice du patient.
 
Un marquage CE qui garantit la sécurité

Jusqu’à présent, les dispositifs médicaux utilisés par les chirurgiens-dentistes bénéficiaient d’une réglementation très souple, qui se contentait d’affirmations déclaratives des industriels. Les choses ont changé depuis mars 2010, date de l’application du décret du 28 avril 2009, qui précise les nouvelles obligations pour la mise sur le marché des dispositifs médicaux (DM) de la Directive européenne 2007/47/CE.
 
Pour obtenir le marquage CE (l’équivalent pour les dispositifs médicaux de l’AMM pour les médicaments), la nécessité pour le fabricant d’apporter des données cliniques est renforcée. Il doit désormais apporter « la démonstration de la conformité aux exigences essentielles en incluant une évaluation clinique ». Ceci permet d’attester que son produit est conforme aux « exigences essentielles de santé et de sécurité » de la réglementation qui le concerne et par lequel il engage donc sa responsabilité. Le marquage CE doit être renouvelé tous les deux ans.
 
Des procédures d’évaluation rigoureuses

Frédéric Cuisinier, professeur des Universités-praticien hospitalier, a créé dans son laboratoire à Montpellier le premier centre officiel d’évaluation et de validation des dispositifs médicaux et biomatériaux dentaires (les matériaux qui ne contiennent pas de substance médicamenteuse).
 
« Les industriels font appel à ce laboratoire pour prouver l’efficacité de leurs dispositifs médicaux. Il faudra que d’autres centres comme celui-ci soient créés pour répondre à la demande d’études. Pour évaluer la toxicité des produits en diminuant le recours à l’expérimentation animale, « nous utilisons surtout des cultures de cellules de pulpe dentaire qui sont récupérées lors des extractions de dents », explique-t-il. Tous les matériaux utilisés par les pays européens sont soumis à la même norme européenne. Un élément rassurant pour les patients qui décident de se faire soigner ailleurs qu’en France… Reste le problème du suivi en cas de complication, plus difficile lorsque son chirurgien-dentiste se trouve à des centaines de kilomètres.
 
La traçabilité au cabinet dentaire

Chaque matériau doit être accompagné d’une notice du fabricant qui précise le « mode d’emploi » pour une bonne utilisation. Lorsqu’un matériau pose un problème ou entraîne des effets indésirables (allergie, maux de tête, etc.), il existe une procédure appelée matériovigilance – l’équivalent de la pharmacovigilance pour les médicaments : le chirurgien-dentiste le signale aux autorités de santé responsables, pour que le dispositif soit éventuellement retiré du marché.
 
« Cette procédure est particulièrement importante pour les matériaux d’obturation et les composites qui contiennent des nanomatériaux (10 à 20 % à ce jour), comme les nanotubes de carbone. En effet, même si aucun problème n’a été découvert à ce jour, on ne connaît pas encore parfaitement toutes les propriétés de ces toutes petites particules très prisées des fabricants pour améliorer les qualités de leurs matériaux », estime encore le Pr Frédéric Cuisinier.
 
La traçabilité concerne aussi l’entretien des appareils et du matériel du cabinet dentaire pour anticiper les futures pannes, toutes les matières premières utilisées, sans oublier le dossier médical du patient, un document unique qui permet de retracer tout l’historique des soins et des matériaux et dispositifs utilisés.
 
Des matériaux en constante évolution

Les « plombages » de notre enfance, ces amalgames gris à base d’alliages de métaux (mercure, cuivre, argent…), sont de moins en moins employés dans les cabinets dentaires. Les matériaux comme les composites (des polymères avec charges minérales pour les rendre blancs et résistants à l’abrasion) sont désormais plus fréquemment utilisés pour effectuer les obturations (caries, etc.) et répondent de plus en plus aux demandes des patients.
 
Pour les couronnes, le métal devrait disparaître progressivement, sauf pour les emplacements trop étroits pour une couronne céramique. On utilise de plus en plus de céramique totale, sans métal en dessous, pour minimiser le risque d’intolérance. La couche inférieure est constituée d’une céramique classique (zircone), et la surface d’une céramique esthétique (feldspathique). La conception assistée par ordinateur permet aussi de diminuer les coûts de main d’œuvre et de fabrication tout en améliorant la sécurité sanitaire.
 
En parodontologie et implantologie (technique consistant à remplacer l’os pour effectuer un implant dentaire), les biomatériaux facilitant la croissance osseuse se développent. Certains sont hybrides, associant facteurs de croissance et phosphate de calcium. Les implants sont le plus souvent en titane, mais il existe maintenant des implants en céramique (zircone) utilisables en cas d’allergie au titane, ou de méfiance du patient vis-à-vis du métal.
 
Enfin, de plus en plus de biomatériaux sont utilisés pour diffuser des substances actives (médicaments antiseptiques…) directement sur le site de la lésion, dans la poche parodontale. Ils se résorbent généralement en deux ou trois jours.
 
Enfin, des médicaments innovants, en général des biothérapies comme l’immunothérapie, la thérapie génique, la thérapie cellulaire et l’ingénierie tissulaire vont bouleverser les pratiques au cours des dix ans à venir, mais ils nécessitent une nouvelle réglementation et d’autres réflexions éthiques.

Les trois questions indispensables avant toute pose

1- Demander le type et la provenance des matériaux utilisés
2- S’assurer que les matériaux utilisés sont bien certifiés CE
3- Interroger le chirurgien-dentiste sur les démarches à suivre en cas d’allergie, d’intolérance ou d’apparition d’effets secondaires

Publié le 23/06/2011 à 08:00 | Lu 4583 fois