La réadaptation cardiaque : un accès encore trop inégal pour les femmes

A l’occasion de la Journée de la femme 2018, la Fédération Française de Cardiologie (FFC) fait le point sur les femmes et les pathologies cardio-vasculaires. Le Docteur Natalia Kpogbemabou, cardiologue à l’hôpital de Wattrelos (59), rappelle que l’accès à la réadaptation cardiaque reste encore trop inégal pour les femmes de nos jours…


En quoi consiste la réadaptation cardiaque ?
C’est un programme destiné aux personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires, dont les victimes d’infarctus, qui vise à prévenir la récidive. Notre centre propose vingt séances sur un mois organisées en trois volets : des activités physiques notamment pour réhabituer le cœur à l’effort, des ateliers d’éducation thérapeutique pour aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique, et enfin l’adaptation du traitement médicamenteux. La réadaptation cardiaque permet une diminution des décès cardiovasculaires d’environ 25% et la baisse des ré-hospitalisations d’environ 20 %.
 
Existe-t-il un programme spécifique pour les femmes victimes d’infarctus ?
Les programmes varient d’un individu à l’autre, dans le contenu des exercices et dans leur intensité. Ces ajustements dépendent essentiellement des capacités physiques, de l’âge ou encore des habitudes alimentaires/de vie du patient. Il n’existe donc pas un traitement spécifique à l’homme ou à la femme.
 
Le facteur le plus important que l’on cherche à connaître est plutôt le niveau d’activité physique auquel était habituée la personne avant son infarctus. En revanche, on observe de fortes inégalités entre femmes et hommes au niveau de l’accès à la réadaptation cardiaque. Seule une femme sur cinq victimes d’infarctus y a recours, contre un homme sur trois dans le même cas, alors que les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes.
 
Comment expliquez-vous cette inégalité ?
On constate plusieurs facteurs, principalement sociétaux. Suite à un infarctus, une femme aura davantage tendance à retourner chez elle immédiatement après être rétablie, pour s’occuper de sa famille par exemple. Les centres de réadaptation sont parfois assez éloignés du domicile des patientes, ce qui peut également les décourager, surtout si elle ne dispose pas de moyen de transport.
 
Parfois, la présence très majoritaire d’hommes dans ces centres dissuade les femmes de s’y inscrire. On a aussi tendance à prescrire davantage la réadaptation aux hommes, qui doivent souvent reprendre le travail rapidement. L’enjeu d’un changement des mentalités et de la culture médicale à ce sujet est donc crucial.
 
De manière générale, comment la réadaptation cardiaque est-elle perçue ?
Elle n’est pas encore suffisamment connue. Je l’ai moi-même découverte après mon diplôme, sans y avoir été vraiment sensibilisée pendant mes études de médecine. Par ailleurs, le nombre de places en centre de réadaptation est insuffisant par rapport au nombre de victimes d’infarctus. Heureusement, les choses vont en s’améliorant : entre 2010 et 2014, les admissions ont augmenté globalement de 20% avec toutefois de grandes disparités régionales, et la prise de conscience progresse dans le milieu médical comme chez les patients.
 
Vous êtes donc optimiste ?
Oui, absolument. L’efficacité de la réadaptation cardiaque est clairement reconnue par les sociétés savantes et c’est un vrai changement de paradigme. On privilégie par cette méthode la prévention et l’éducation à la santé plutôt que le tout-curatif et les soins d’urgence. Je milite beaucoup pour qu’elle se généralise, entre autre pour toutes les victimes d’infarctus.
 
En ce sens, les « Clubs Cœur et Santé » de la FFC permettent également aux personnes touchées par un événement cardiovasculaire de poursuivre, notamment après une réadaptation cardiaque, une activité physique régulière et encadrée par des professionnels.

Publié le 09/03/2018 à 01:00 | Lu 1290 fois



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