La Machine de Turing au Théâtre Michel : oui, les machines pensent aussi !

Plus une seule place hier soir, strapontins compris, au Théâtre Michel pour la représentation de « La Machine de Turing », de Benoit Solès. Et quel plaisir de voir un public aussi jeune ! La raison de ce succès bien mérité est double. C’est d’abord le texte de la pièce qui reprend la légende entourant le personnage. Mais c’est aussi l’interprétation des acteurs qui emporte l’adhésion du public.


Nous sommes en Angleterre, en 1952. Le célèbre mathématicien Alan Turing, qui vient de se faire cambrioler, se rend au commissariat de quartier pour porter plainte. Il y est reçu par l’inspecteur Ross qui, très vite, découvre le côté farfelu  de son plaignant.
 
Lequel en effet,  avoue en bredouillant qu’on ne lui a dérobé en fait que des broutilles. Mais au fil des questions le spectateur prend peu à peu conscience de toute l’ambigüité du mathématicien. Viennent alors plusieurs flash-back éclairant les différentes facettes du personnage, qui nous mènent de Cambridge en 1930  jusqu’à son prétendu suicide en 1954.
 
On connaît tous Alan Turing, au moins de nom, voire de réputation. On lui doit en particulier d’avoir décrypté Enigma, le fameux réseau codé des Allemands. Un film lui a d’ailleurs été consacré récemment.
 
L’auteur évoque le côté brillant du personnage. Dans une scène très forte, il reprend une conférence donnée par Turing et intitulée « Les machines pensent-elles ? »  Sujet brûlant d’actualité qui annonce déjà le début de l’intelligence artificielle.
 
Pour le reste, Benoit Solès s’inscrit délibérément dans la légende, que ce soit dans la fascination de Turing pour la pomme rouge de Blanche Neige et de son empoisonnement au cyanure jusqu’à l’appropriation par une marque mondialement célèbre du symbole de la pomme croquée.
 
L’homosexualité du mathématicien n’est pas non plus éludée, puisqu’elle est la cause de sa condamnation et de sa castration chimique qui aurait entrainé son suicide. Il a d’ailleurs récemment été innocenté à titre posthume par la reine d’Angleterre.
 
Benoit Solès, qu’on avait applaudi sur scène dans « Cyrano de Bergerac », est époustouflant. Campant un Turing  à la fois fragile et obstiné, il sait être touchant de simplicité et rendre à merveille le côté malicieux du personnage.
 
Amaury de Crayencour, dont le nom a été transformé en anagramme par Marguerite Yourcenar, n’est pas non plus un inconnu. Découvert par ses passages dans des séries télévisées, il s’est illustré sur les planches dans « Le Porteur d’Histoire » d’Alexis Michalik. Doté d’un physique agréable il confirme ici son talent en interprétant plusieurs rôles, dont celui de l’inspecteur de police.
 
La mise en scène bien vivante de Tristan Petitgirard rend un bel hommage à ce texte riche, astucieusement aidée par une vidéo projetée sur un espace découpé en carrés. Le spectacle fit un triomphe au Festival Off d’Avignon 2018. Il est actuellement donné au Théâtre Michel jusque fin avril.

Théâtre Michel
38 rue des Mathurins
75008 Paris
du mardi au samedi à 21h
matinée le samedi à 16h30 et le dimanche à 16h

Publié le 21/01/2019 à 01:00 | Lu 1799 fois





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