L'alimentation de nos ainés, un véritable enjeu de société par Serge Guérin

Alors que le groupe de maisons de retraite Korian vient de signer un partenariat avec Gault&Millau pour améliorer les repas des résidents servis au sein de ses structures, le sociologue Serge Guérin, également président du comité scientifique de la fondation Korian revient en trois question sur l’alimentation de nos ainés.





L'alimentation de nos ainés, un véritable enjeu de société par Serge Guérin
En quoi le regard que nous portons sur l’alimentation des personnes âgées a-t-il évolué pendant ces dernières décennies ?
Serge Guérin : finalement, il aura fallu beaucoup de temps pour que le regard évolue sur les aînés. Et que ce regard soit globalisant. L’enjeu, c’est d’accompagner les aînés et non de les « garder »... Ce qui implique une prise en soin qui intègre toutes les dimensions de la vie.
 
L’alimentation répond à une triple exigence : lutter contre la dénutrition qui touche trop de personnes âgées et qui accélère leur perte d’autonomie, s’appuyer sur les bienfaits des aliments pour contribuer à améliorer l’état de santé de l’aîné et, enfin, faire de ce moment privilégié un levier de convivialité.
 
Dans cette optique, l’alimentation tient une place à part. Centrale, d’autant plus que notre culture française donne une place symbolique très spécifique au partage d’un repas et à la nourriture. C’est d’ailleurs notre rapport général à l’alimentation qui a évolué : nous avons compris que l’alimentation pouvait être la meilleure ou la pire des choses et quelle participait directement à notre qualité de vie et à notre santé. L’alimentation équilibrée saine participe de ce bien vieillir que nous recherchons tous !
 
Que traduit la prise de conscience des enjeux envers l’alimentation de nos aînés ? Est-elle uniquement une expression de l’attention croissante et générale que nous portons tous à la qualité de notre nourriture ou traduit-elle une évolution plus large de la place des personnes âgées parmi nous ?
Serge Guérin : sans doute, cette prise de conscience relève encore d’une approche minoritaire, et je dirais même, militante, des plus âgés : l’idée étant que quel que soit la fragilité de la personne elle est d’abord un être humain qui mérite considération et attention. Et dont il faut assurer la meilleure qualité de vie possible.
 
L’approche des aînés a évolué et s’est enrichie alors même que les personnes âgées concernées sont plus exigeantes, plus attentives à la considération et plus habituée à une société de service. On a le sentiment que dans notre société le « droit aux plaisirs » - dont la table fait partie – tient une place de plus en plus grande.
 
Permettre à nos aînés d’y accéder de manière plus large ne serait-il pas un moyen efficace de favoriser leur inclusion ?
Serge Guérin : dans notre société, où chacun revendique ses droits et oublie souvent ses devoirs, tout est matière à être un acquis, y compris le plaisir, le bonheur… Or, le droit au bonheur pour tous n’est pas possible. Notre destin n’est pas aussi simple… Et cela vaut, bien sûr, au moins autant pour les plus âgés.
 
Reste que, le bien vieillir c’est évidemment de trouver du plaisir à avancer en âge, d’y trouver du sens, d’échanger avec d’autres personnes… Autant de moments qui participent de cette qualité de vie, adaptée aux capacités et à la situation, dont les plaisirs de la table peuvent être une voie privilégiée. C’est pourquoi il est si important de se mobiliser autour de ce thème.   

Article publié le 14/03/2018 à 01:00 | Lu 3609 fois