L'Anévrisme de l'Aorte Abdominale en six questions

Quel est le point commun entre Albert Einstein et le Général de Gaulle ? L’un et l’autre ont été emportés par une rupture d’anévrisme de l’aorte abdominale. Le point sur l’AAA en six questions. Article publié à l’occasion du 31ème Congrès de l’SCVE qui s’est tenu à Grenoble du 24 au 27 juin derniers.


1/ En quoi consiste cette maladie, qui fit de la France une « veuve » selon Georges Pompidou ? 
L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) est une dilatation qui atteint la portion abdominale de l’aorte. La dilatation peut être régulière et étendue à la plus grande partie de l’aorte abdominale (anévrisme fusiforme) ou localisée à un segment (anévrisme sacciforme).
 
La dilatation anévrismale de l'aorte est responsable de turbulences du flux sanguin qui vont entraîner la formation progressive de thrombus (caillot ou sang coagulé) sur la paroi interne du sac anévrismal. La croissance de l’AAA est très variable. Le diamètre peut rester stable pendant plusieurs années ou au contraire évoluer rapidement de façon exponentielle. Une surveillance du diamètre de l’anévrisme est donc nécessaire. La croissance est en moyenne de 4 mm par an pour les anévrismes compris entre 40 et 50 mm.
 
2/ Quelles sont les causes de l’anévrisme de l’aorte abdominale ? 
C’est une maladie en rapport avec une raréfaction des fibres élastiques dans la paroi de l’artère. Elle atteint le plus souvent les hommes de plus de 60 ans et dans certains cas plus rares les femmes et les sujets plus jeunes. La fréquence de la maladie dans la population est, après 60 ans, de 4 à 8% chez l’homme et 1 à 3% chez la femme.
 
Cette prévalence est trois fois plus importante en cas de facteurs de risques cardiovasculaires associés (tabac, hypertension artérielle) ou d’antécédents familiaux. L’incidence est de 39 cas/an pour 100 000 habitants. L’athérosclérose (dépôt anormal de plaques graisseuses dans la paroi des artères) est la principale cause d’anévrisme. Dans certains cas plus rares, l’origine de l’anévrisme est infectieuse ou inflammatoire. 
 
3/ Quels sont les risques liés à l’évolution de la maladie ? 
Le risque évolutif est la rupture de l’anévrisme qui est souvent mortelle. Ce risque devient important lorsque le diamètre est supérieur à 50 mm. La rupture se fait le plus souvent dans la cavité abdominale, responsable d’une hémorragie massive souvent mortelle. Parfois la rupture est moins importante et permet, après un transfert dans un service de chirurgie vasculaire, d’intervenir en urgence. Les facteurs qui augmentent le risque de rupture sont : une vitesse de croissance supérieure à 10 mm en 1 an, le tabagisme, l’hypertension artérielle, la broncho-pneumopathie obstructive, le caractère sacciforme de l’anévrisme. Enfin, à diamètre égal, le risque de rupture est trois fois plus élevé chez la femme.   
 
4/ Pourquoi dit-on que l’AAA est un tueur silencieux ? 
Le plus souvent, l’AAA n’est responsable d’aucun symptôme. Il est parfois découvert par hasard, lors d’un examen radiologique pour une autre pathologie ou d’une palpation abdominale. Il peut être associé à des douleurs abdominales ou lombaires. En cas d’association d’un AAA connu supérieur à 40 mm et de douleurs abdominales ou lombaires, un scanner et un avis en chirurgie vasculaire en urgence sont nécessaires. Lorsque l’anévrisme est petit ou en cas de surcharge pondérale, la détection d’un AAA n’est pas toujours facile. 
 
L’échographie de l’aorte est un examen simple qui permet de faire le diagnostic d’AAA et de préciser sa taille. En dessous de 45 mm, un contrôle annuel par écho-Doppler est suffisant. Au-delà de 45 mm un suivi semestriel est souhaitable. Le scanner de l’aorte étudie plus précisément l’anévrisme, ses dimensions et son extension ; c’est un examen indispensable dans le bilan pré opératoire. 
 
5/ Quels sont les traitements de l’AAA ? 
Le traitement d’un AAA nécessite une prise en charge dans un service de chirurgie vasculaire. L’indication du traitement dépend du diamètre mais aussi des critères morphologiques de l’anévrisme et de critères médicaux liés à l’âge et à l’état de santé du patient. L’indication de traiter est le plus souvent décidée lorsque le diamètre de l’anévrisme est supérieur à 50 mm. Il convient alors d’évaluer le rapport bénéfice/risque du traitement en comparant le risque de rupture d’une part et le risque opératoire d’autre part. Dans certains cas (anévrisme douloureux, anévrisme ayant une croissance rapide, âge jeune et chez la femme) l’indication peut être discutée avant ce seuil de 50 mm.  
 
Deux types de traitements peuvent être proposés :
Le traitement chirurgical
Il est réalisé depuis plusieurs décennies. Cette intervention nécessite, sous anesthésie générale, une ouverture de l’abdomen. L’abord peut parfois se faire par l’intermédiaire de petites incisions et de l’utilisation d’une caméra vidéo. Le chirurgien va remplacer l’aorte par une prothèse vasculaire qui est cousue avec un fil non résorbable à l’aorte saine au-dessus de l’anévrisme et à l’aorte ou aux artères iliaques au-dessous. Cette intervention a une durée variable en fonction de la complexité de l’acte chirurgical. La durée moyenne de l’hospitalisation est de 8 jours, celle-ci pouvant varier en fonction de l’état pré opératoire et des suites post opératoires.  
 
Le traitement endovasculaire
Il consiste à exclure l’anévrisme à l’aide d’une endoprothèse (prothèse vasculaire renforcée d’un stent, ressort métallique). Celle-ci est introduite par les artères fémorales dans l’aine. Elle peut être proposée si des critères morphologiques très précis sont respectés. Ces critères anatomiques sont étudiés par le scanner. Cette technique ne nécessite pas d’ouverture de l’abdomen. L’abord des artères fémorales se fait soit par une petite incision dans l’aine soit sans ouverture par ponction cutanée. La durée de l’intervention est très variable en fonction de la complexité technique de l’acte. La durée du séjour dépend des suites opératoires. Elle est souvent plus courte que pour le traitement chirurgical.
 
Les complications post opératoires les plus fréquentes sont des complications cardiologiques, respiratoires, rénales, hémorragiques, digestives ou infectieuses. Le taux de mortalité post opératoire est en moyenne de 4 à 5% pour la chirurgie conventionnelle et de 1 à 2% pour le traitement endovasculaire. Ce bénéfice du traitement endovasculaire sur le taux de mortalité précoce se réduit si l’on étudie la mortalité à distance de l’intervention. Avec le traitement endovasculaire, le risque de ré intervention est plus important.   
 
6/ Quelle est la surveillance post-traitement ? 
Le traitement chirurgical nécessite d’être revu de 1 à 3 mois après l’intervention puis régulièrement avec une écho-Doppler contrôlant l’absence d’anomalie du pontage et l’absence d’autres localisations de la maladie anévrismale. 
 
Le traitement endovasculaire nécessite un suivi très strict et obligatoire par scanner ou écho-Doppler pour vérifier l’exclusion de l’anévrisme et l’absence d’endofuite. Le suivi est semestriel les deux premières années puis annuel ensuite. Certaines endofuites entraînent une augmentation du diamètre de l’anévrisme. Elles exposent le patient au risque de rupture. Elles nécessitent un traitement complémentaire. D’autres endofuites sont à bas débit et ne nécessitent pas de traitement complémentaire.

Publié le 30/06/2016 à 01:00 | Lu 3533 fois