Journée Mondiale de la Maladie de Parkinson : un Livre Blanc remis à la ministre de la Santé

A l’initiative de l’Association France Parkinson et avec le concours de toutes les associations concernées*, un Livre Blanc rassemblant des propositions concrètes et des actions prioritaires à entreprendre a été remis officiellement à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, et présenté à l’occasion de la Journée Mondiale de Parkinson, à la Maison de la Mutualité, à Paris.


Aboutissement de deux années de travail à travers les 21 réunions d’Etats Généraux dans toute la France, 2000 personnes consultées, ce Livre Blanc s’annonce comme « le symbole d’une mobilisation exceptionnelle des malades, proches, professionnels de santé, élus, paramédicaux ». « Nous avons lancé les Etats Généraux pour que le Livre Blanc soit bien issu de paroles personnelles et pour porter les injustices les plus criantes à la connaissance des pouvoirs publics » a déclaré à cette occasion Bruno Favier, Président de l’Association France Parkinson.

Véritable manifeste, il est le premier document de référence de tous ces acteurs. Somme de leurs attentes au niveau scientifique, médical et social, ce Livre Blanc révèle combien la maladie de Parkinson reste la plus oubliée des maladies du cerveau et combien sa complexité et sa spécificité exigent des mesures de la part des pouvoirs publics.

La Maladie de Parkinson, une priorité de santé publique

En remettant ce Livre Blanc à la Ministre de la Santé le 12 avril, l’Association France Parkinson et les associations concernées demandent aux pouvoirs publics, Ministère de la Santé, Ministère du Travail et des Affaires sociales et Ministère de la Recherche, un Plan Parkinson pour une meilleure prise en charge de la maladie.

Selon le communiqué de France Parkinson, l’étendue des problèmes liés à cette pathologie nécessite une mise en cohérence avec des moyens spécifiques, autour de quatre axes majeurs : sortir la maladie de Parkinson de l’ombre ; soigner plus efficacement et mettre fin aux inégalités ; aider à vivre avec la maladie et développer la recherche.

Livre Blanc Parkinson : les 20 priorités

Sortir la maladie de l’ombre

1. Demander aux pouvoirs publics une enquête pour identifier le nombre de personnes touchées et leurs caractéristiques
2. Donner aux associations Parkinson les moyens de mieux prendre en compte la détresse des malades (visibilité, accès à des locaux, financement des mises en place de formations experts)
3. Organiser des campagnes d’information et d’image sur la réalité de la maladie et des malades avec un financement des pouvoirs publics

Soigner plus efficacement et mettre fin aux inégalités

4. Assurer le droit pour tous à un diagnostic précoce et certain par un neurologue
5. Mettre en oeuvre un dispositif d’annonce en deux temps : du neurologue au patient accompagné d’un proche s’il le souhaite, puis vers les autres acteurs médicaux, paramédicaux et sociaux
6. Faciliter la prise en charge en ALD dès le diagnostic (ou après 6 mois de traitement) par le neurologue et avec tacite reconduction
7. Structurer le système de soins Parkinson avec la création :
- de réseaux territoriaux assurant le suivi coordonné des malades, la formation continue des professionnels
- de pôles de référence régionaux pour la prise en charge de cas difficiles comme les jeunes parkinsoniens, les patients à opérer, la recherche
8. Développer la prise en charge pluridisciplinaire avec des professionnels formés à la maladie de Parkinson, la possibilité de rééducations spécifiques collectives (kinésithérapeute, orthophoniste). Prévoir leur mode de rémunération
9. Mettre en place un numéro vert pour les professionnels
10. En urgence établir des recommandations HAS sur les prescriptions médicamenteuses et leur interaction et alerter sur les effets secondaires des médicaments

Aider à vivre avec la maladie

11. Mettre en oeuvre les dispositions de la loi HPST sur l’éducation thérapeutique et développer
des actions concrètes :
- avec des expérimentations d’infirmières coordinatrices Parkinson
- la formation de patients experts Parkinson avec la CNAM (extension du programme Sophia du diabète)
12. Donner aux aidants une place mieux reconnue : partenariat thérapeutique avec le médecin, instauration d’un suivi médical et psychologique, formation et valorisation de leur action.
13. Aider les jeunes parkinsoniens soit la moitié des personnes diagnostiquées à se maintenir dans l’emploi (formation du médecin MDPH, Maison Départementale des Personnes Handicapées et médecin du travail).
14, Leur permettre d’accéder à la retraite anticipée : dans le secteur privé, rendre le texte pour les handicapés applicables à Parkinson, dans le public ouvrir droit au congé longue durée.
15. Définir et instituer un label pour les structures d’hébergement et les structures d’accueil temporaires ainsi que les structures d’aide à domicile en prévoyant des formations des personnels. Demander aux ARS (Agences Régionales de Santé) d’évaluer les besoins.
16. Expérimenter le guichet unique (dans trois MAIA, guichet Parkinson).

Renforcer la recherche

17. Créer un Groupement d’Intérêt Scientifique (GRI) réunissant en réseau l’ensemble des équipes travaillant en France, en y associant les associations de malades.
18. Créer un observatoire pour favoriser le recueil de données épidémiologiques grâce à un échange de données entre CNAM et institutions.
19. Mobiliser les équipes sur une étude de cohorte et postuler à son financement par le grand emprunt.
20. Mettre en oeuvre la Résolution européenne instituant comme priorité la maladie de Parkinson au sein des maladies neurodégénératives.

Sortir la maladie de l’ombre

Alain : « Le malade de Parkinson est comme l’artiste que l’on voit encore dans les cirques en équilibre sur sa sphère géante. Il doit en permanence déplacer ses pieds, son centre de gravité pour réajuster les déséquilibres de tout bord, ça bouge tout le temps. Pour tenir sur la boule, il faut déployer des trésors d’énergie, de courage. L’équilibre, c’est la somme de tout cela. »
Gilles : « Je m’imaginais à l’abri. Je me disais que cette maladie atteignait les personnes âgées qui sont affectées de tremblements. En réalité, j’ai été atteint de cette maladie à 53 ans, ce qui est quand même relativement jeune et en découvrant des symptômes autres que ceux que j’imaginais. »
Lydie : « J’ai un petit garçon de 6 ans, une pétition de parents d’élèves s’est faite visant à ne plus nous revoir à l’école au prétexte que j’ai la maladie de Parkinson. Je trouve cela honteux, lâche. J’aimerais qu’il y ait un spot télévisé pour sensibiliser l’opinion publique. »

La Maladie de Parkinson est fréquente et en augmentation, actuellement environ 150 000 personnes en France et environ 10 000 nouveaux diagnostics chaque année. 50% des malades ont moins de 60 ans et 10% moins de 45 ans. L’âge moyen du diagnostic est de l’ordre de 60 ans et la mise en Affection Longue Durée (ALD) intervient en moyenne à 74 ans. La CNAM ne recense que 104 00 cas en ALD. La maladie de Parkinson est la 2ème cause de handicap moteur après les accidents vasculaires cérébraux.

Les Etats Généraux demandent aux pouvoirs publics de faire une enquête pour identifier le nombre de personnes touchées et leurs caractéristiques. Les associations réclament la reconnaissance de leurs rôles et l’attribution de moyens nécessaires (financement des formations, …) pour exercer pleinement leurs missions. Pour rendre compte de la réalité de la maladie et des malades, réfuter les idées reçues et lutter contre les préjugés sociaux, elles demandent aussi aux pouvoirs publics de financer des campagnes d’information et d’image.

Soigner plus efficacement et mettre fin aux inégalités

Marie-Laure : « Pendant un an, les généralistes se suivent et démentent toute maladie de Parkinson. Enfin, j’ai vu un neurologue, qui m’a dit : "Vous avez la maladie de Parkinson." J’ai crié, il n’a fait que confirmer et a appelé mon généraliste pour lui dire : "Je viens d’assommer ta patiente." Le généraliste ne m’a jamais appelée. »
Gilles : « Après le diagnostic, le neurologue vous prescrit un traitement pour six mois et, pendant ces six mois, vous êtes laissé complètement à vous-même, quels que soient les effets secondaires du traitement et son dosage. »
Paul : « La maladie de Parkinson, c'est bien autre chose que le tremblement. Il y a des choses dont on ne parle pas. C'est tout le corps qui est touché. Le kinésithérapeute, l'orthophoniste, ont des rôles très importants, mais ils travaillent chacun dans leur coin surtout en milieu rural. On va chez l'orthophoniste dans une ville, chez le kinésithérapeute dans une autre. On voit le neurologue deux fois par an au centre du département. Quant au généraliste, il se dépatouille parce qu'il n'est pas formé pour cela. »

Les personnes atteintes d’une maladie de Parkinson sont souvent mal prises en compte parce qu’inclassables, méconnues des professionnels de santé, d’où des errances diagnostiques, thérapeutiques et lorsqu’elles sont prises en charge, les professionnels de santé sont souvent démunis. Les associations demandent le droit à un diagnostic précoce et certain pour tous par un neurologue.

Les conditions d’annonce du diagnostic sont souvent jugées inacceptables pour les personnes malades ; elles réclament que l’annonce soit suivie d’un second rendez-vous à l’issue de la consultation diagnostique et qu’elle s’inscrive dans un dispositif d’accompagnement en réseau. Etant donné le retard dans le dispositif de prise en charge en ALD, il convient de faciliter l’entrée en ALD dès le diagnostic (ou après 6 mois de traitement) et avec tacite reconduction.

Les malades de Parkinson sont souvent mal pris en compte des acteurs de santé et des services sociaux. Ils demandent dans le cadre de la restructuration du système de soins :
- la création de réseaux territoriaux dans l’esprit « ville-hôpital » assurant la coordination du suivi du malade et la formation continue des professionnels de santé
- des pôles de référence de référence régionaux pour la prise en charge de la recherche et de cas difficiles comme les jeunes parkinsoniens ou les patients devant subir une opération.

Selon les préconisations des experts de la Haute Autorité de Santé, potentiellement 27 professionnels de santé sont appelés à intervenir auprès d’une personne malade : neurologue, généraliste, praticiens hospitaliers, infirmière libérale, kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, urologue, assistante sociale, auxiliaire de vie. Les associations demandent le développement de la prise en charge pluridisciplinaire et que les malades puissent accéder à des rééducations spécifiques collectives avec kinésithérapeutes et orthophonistes.

Elles souhaitent aussi la mise en place d’un n° vert pour les professionnels. La méconnaissance de la maladie de Parkinson peut être la cause d’erreurs médicales ou de thérapeutiques inadaptées, le médecin traitant étant insuffisamment informé. Il est demandé d’urgence que la Haute Autorité de Santé (HAS) établisse des recommandations sur les prescriptions médicamenteuses et leur interaction.

Les traitements peuvent causer des effets secondaires, des troubles particuliers du comportement, tels que le jeu pathologique, les achats compulsifs… Les patients devraient être alertés sur ces effets indésirables qui peuvent engendrer des situations personnelles graves.

Aider à vivre avec la maladie

Dominique : « Il est difficile de faire reconnaître la maladie par la médecine du travail et par le médecin de la Sécurité sociale. Je me suis battue pour pouvoir retravailler parce qu’on m’avait mise d’office en invalidité alors que je me suis justement fait opérer pour retravailler. On m’a annoncé l’invalidité comme cela et j’ai pris une claque en pleine figure parce que je me suis dit : « Tu n’es plus bonne à rien ». C’était très difficile parce que je combattais la maladie et je pouvais encore servir à quelque chose. »
Jean-Marie : « Pour moi la souffrance de l’aidant est récurrente, il n’y a pas de jour où je ne culpabilise pas, je ne sais pas réagir à certains moments. J’ai besoin d’être écouté. Il devrait y avoir un soutien psychologique aussi bien pour le malade que pour l’aidant. »
Françoise : « En tant que malade, nous devrions avoir un accompagnement de l’administration d’abord pour tous les papiers administratifs. À quoi ai-je droit ? Je ne le sais pas. J’ai posé la question dix fois et j’ai eu dix réponses différentes. C’est déroutant. »

Quelque soit leur âge, les malades doivent pouvoir vivre le plus normalement possible et dans la dignité. Pour vivre mieux, la mise en place de programmes d’éducation thérapeutique peut être une réponse, comme le prévoit la loi Hôpital Patients Santé et Territoires (HPST). Actuellement un programme pilote Etpark, Education Thérapeutique Parkinson, au CHU Purpan à Toulouse réunissant une neurologue, une kinésithérapeute, une orthophoniste et une infirmière, est en cours d’expérimentation. Une autre réponse est de former des patients experts comme cela existe dans le programme Sophia du diabète.

Etre un « partenaire thérapeutique », écouté, informé et soutenu, c’est ce que des aidants demandent au médecin et aux services sociaux. Ils souhaitent la reconnaissance de la fonction d’aidant familial, avec le droit à la formation, à une assistance à domicile, à des compensations financières et à des centres de répit.

La prise en compte des jeunes parkinsoniens est une priorité. Parmi les 150 000 personnes atteintes d’une maladie de Parkinson en France, 50% d’entre elles seraient diagnostiquées entre 30 et 60 ans. Les maintenir dans l’activité professionnelle ou leur permettre d’accéder à une retraite anticipée impliquent de former les médecins du travail et les médecins MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées).

Vivre à domicile ou dans des établissements de long séjour est compliqué, pas de structures d’accueil adaptées et une absente de formation des personnels au handicap de cette maladie. Les Etats Généraux demandent de définir et d’instituer un « label Parkinson » pour les services à domicile et les structures d’hébergement.

La multiplicité des intervenants sur la maladie rend complexe pour les malades et leurs familles l’identification du bon interlocuteur. Les Etats Généraux souhaitent un dispositif de « guichet unique » pour regrouper les acteurs médico-sociaux, en l’expérimentant dans les certaines MAIA, Maison pour l’Autonomie et l’Intégration des personnes atteintes d’Alzheimer.

Renforcer la recherche

Questions exprimées lors des Etats Généraux : « Trop d’incertitudes sur les connaissances et le financement de la recherche », « Que peut-on attendre des thérapeutiques, de la chirurgie ? », « On annonce des subventions pour la recherche et on ne sait pas ce que ça devient. »

Les enjeux pour la recherche dans la maladie de Parkinson sont multiples : connaître les causes et les mécanismes de cette maladie, prévenir, détecter précocement, optimiser les traitements, développer de nouveaux médicaments et des thérapeutiques innovantes, thérapies cellulaires et thérapies géniques…

Répondre à ces enjeux suppose une organisation plus efficiente de la recherche. Les associations, médecins et scientifiques suggèrent la mise en oeuvre d’un Groupement d’Intérêt scientifique (GIS), réunissant l’ensemble des équipes, chercheurs, cliniciens en association avec les malades avec un financement commun en conséquence.

Robert : « On m'a reconnu une maladie professionnelle avec un syndrome Parkinsonien dû à une intoxication au manganèse. »
Catherine : « Les pouvoirs publics sont-ils conscients des causes de la maladie de Parkinson, comme, par exemple, les pesticides qui sont dans notre alimentation puisqu’ils sont encore très utilisés en agriculture. Il faudrait les encourager pour que l’agriculture biologique se répande. »

Mieux connaitre cette maladie, c’est aussi identifier des facteurs pouvant favoriser son apparition; c’est notamment le cas de déterminants environnementaux dans le milieu agricole (pesticides) ou industriel. Les Etats Généraux demandent la création d’un Observatoire pour favoriser le recueil des données épidémiologiques (mise en place d’une étude de grande ampleur type cohorte), évaluer les facteurs de risques environnementaux et faire reconnaitre la maladie de Parkinson au titre de maladie professionnelle.

La lutte contre les maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson représente un des grands défis de l’Europe en matière de santé mentale. Le 12 novembre 2009, le Parlement européen a encouragé tous les Etats membres à mettre en place une programmation conjointe des activités de recherche en mettant en commun compétences, connaissances et financements. Les associations appellent à la mise en oeuvre de cette Résolution européenne instituant comme prioritaire la maladie de Parkinson au sein des maladies neurodégénératives.

Le Livre Blanc dans les régions

Du 15 avril au 28 juin, les comités locaux de l’Association France Parkinson organiseront des manifestations en régions autour du Livre Blanc : conférences-débats animées par des neurologues et présentation et remise officielle du Livre Blanc aux personnalités locales, politiques et médicales.

Inscriptions, informations et dons : www.franceparkinson.fr

*France Parkinson, Association des Parkinsoniens de La Loire, CECAP (Comité de Coordination des Associations de Parkinsoniens) FFGP (Fédération Française des Groupements de Parkinsonien), Franche Comté Parkinson, Parkinsonia

Publié le 15/04/2010 à 10:43 | Lu 3469 fois