Insuffisance rénale chronique : une vie normale est-elle possible en 2012 ? (Partie 2)

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une maladie silencieuse qui touche près de deux millions de Français dont 70.000 ayant atteint le stade terminal de la maladie. Actuellement, dans l’hexagone, 37.500 personnes environ sont régulièrement dialysées et 33.000 vivent grâce à une greffe rénale. Le traitement des maladies rénales représente 2% des dépenses totales de l'Assurance Maladie. Celle-ci a estimé le coût total de la prise en charge de l'IRC terminale à plus de 4 milliards d’euros par an, dont plus des trois quarts concernent la prise en charge en hémodialyse.





L’Insuffisance Rénale Chronique, un enjeu de santé publique

Rappel physiopathologique : les reins et l’insuffisance rénale chronique
Les reins sont des organes vitaux, aussi indispensables que le coeur. Ils assurent plusieurs fonctions essentielles :

• Régulation des quantités d’eau dans l’organisme
• Régulation des quantités de sel, potassium et autres minéraux
• Régulation du milieu intérieur (élimination des acides en excès provenant de l’alimentation)
• Elimination des produits toxiques de l’organisme
• Intervention dans la production et la sécrétion d’hormones

Définition de l’insuffisance rénale chronique

L’insuffisance rénale chronique a été définie par la Haute Autorité de Santé en 2002 : elle est secondaire à une maladie rénale et correspond à une diminution permanente de la fonction rénale ; l’insuffisance rénale est dite chronique lorsqu’elle est présente depuis au moins trois mois et est irréversible. En pratique, lorsque les deux reins ne fonctionnent plus correctement, l’organisme est petit à petit empoisonné par les déchets qui ne sont plus éliminés.

Dans bien des cas, la maladie progresse silencieusement pendant un grand nombre d’années. Les personnes touchées peuvent rester en bonne santé apparente avec des reins fonctionnant de 10 à 20% de leur capacité normale.

Ce n’est qu’à un stade très avancé que l’insuffisance rénale provoque certains symptômes révélateurs de la maladie :

• une grande fatigue ;
• des troubles digestifs : perte d'appétit, dégoût pour les viandes, nausées, vomissements ;
• amaigrissement ;
• des crampes, des impatiences dans les jambes surtout la nuit ;
• des démangeaisons parfois intenses... ;
• des troubles du sommeil.

On parle d’insuffisance rénale chronique terminale lorsque la perte de la fonction rénale est telle que la vie du patient est en danger, et qu’il doit être traité à vie, soit par dialyse, soit en bénéficiant d’une greffe de rein.

Rappel épidémiologique

Les maladies du rein constituent un problème de santé publique majeur. En effet, près de deux millions de personnes en France sont atteints d'une maladie rénale. Or, l’aggravation de la maladie va conduire certains de ces patients à la dialyse ou à la greffe. En effet, en 2009, 9.700 personnes sont arrivées au stade terminal de leur insuffisance rénale et ont démarré un traitement de suppléance : 300 ont bénéficié d’une greffe préemptive et 9.400 ont été pris en charge en dialyse (Registre REIN 2009). Actuellement, dans l’hexagone, 37.500 personnes sont régulièrement dialysées et 33.000 vivent grâce à une greffe rénale.

Enjeux économiques

Le traitement des maladies rénales représente 2% des dépenses totales de l'Assurance Maladie. Celle-ci a ainsi estimé le coût total de la prise en charge de l'IRC terminale en 2007 à plus de 4 milliards d’euros, dont plus des trois quarts concernent la prise en charge en hémodialyse. On prévoit par ailleurs que ces dépenses vont rapidement augmenter, notamment en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence du diabète et de l’hypertension, principales causes d'insuffisance rénale16, qui touchent de plus en plus de personnes en France.

Un objectif de santé publique

Du fait de ses répercussions, à la fois au plan humain et au plan financier, la stabilisation de l'incidence de l'insuffisance rénale chronique ainsi que l'amélioration de la qualité de vie des patients ont été retenues comme les objectifs à atteindre parmi ceux énumérés dans la Loi du 9 août 2004 relative à la santé publique.

Pour atteindre ces objectifs, l’Agence de Biomédecine recommande le dépistage ciblé de la maladie rénale chronique chez les patients à risque, pour éviter ou retarder le passage au stade terminal de l’IRC (qui nécessite un traitement de suppléance - dialyse ou greffe), et diminuer les complications associées, notamment cardiovasculaires. L’agence précise également les éléments qui doivent conduire le médecin généraliste à adresser son patient au néphrologue pour un avis spécialisé et/ou un suivi partagé.

Comme le souligne le Pr Maurice Laville, néphrologue à l’hôpital Edouard Herriot (Lyon) et Président de la Société de Néphrologie : « le dépistage et la mise en relation précoces avec le néphrologue vont permettre de mettre en place une prise en charge adaptée, donc de ralentir la progression de la maladie et ainsi préserver le plus longtemps possible la fonction rénale du patient et sa qualité de vie. C’est un élément essentiel pour le pronostic final. »

Observatoire ORACLE : dix ans de progrès dans la prise en charge

En 1998, une étude menée par la SOFRES à la demande de Roche a permis de faire une première photographie du parcours du patient insuffisant rénal, de la première consultation en néphrologie à la première séance de dialyse. L’étude ORACLE (Observatoire Roche Avant la Consultation de néphroLogiE) menée sur le même principe 10 ans plus tard par le service ICAR de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière avec le soutien de Roche a permis d’actualiser cette photographie.

Ces données sont à ce jour la principale source d’information sur le parcours du patient insuffisant rénal chronique et permettent d’apprécier 10 ans d’évolution de la prise en charge de l’IRC et de dresser un premier bilan sur les progrès accomplis et les points qui restent à améliorer.

Présentés depuis peu à la communauté des néphrologues, les résultats d’ORACLE sont très encourageants puisqu’ils montrent une amélioration significative de la prise en charge des patients. Les patients sont pris en charge plus précocement. La proportion de patients dépistés à un stade avancé de la maladie est passée à 73% en 1998 à 52,4% en 2009. Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’à un stade précoce de la maladie, les chances de limiter l’évolution de la maladie sont meilleures.

En corollaire, la période qui précède l’entrée en dialyse a augmenté de plus d’un an (passant de 3 à 4,1 ans), soit une avancée considérable au regard du coût humain et financier que représente une année de dialyse (respectivement 160 séances de dialyse - 88 000 Euros). Malgré ces progrès indiscutables, la proportion de patients dialysés en urgence n’a pas diminué : près d’un patient sur trois.

Vivre avec une IRC : évolution de la prise en charge des patients à chaque étape de la maladie

Le temps de l’annonce

L’annonce initiale de la maladie rénale est un choc. « Même si cette maladie fait moins peur qu’une maladie cardiaque, de par l’absence relative de symptômes, le spectre de la dialyse se profile derrière cette annonce » explique le Pr Gilbert Deray, chef du service de Néphrologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.

Et d’ajouter : « d’autant que très souvent, les patients ne connaissent pas bien le rôle des reins. Ils apprennent, en même temps que la défaillance de ceux-ci, que toute leur vie va désormais être régie par un combat pour maintenir leur fonction rénale, avec, en perspective à plus ou moins long terme, la dialyse ou la transplantation. La consultation d’Internet, avec des sources d’information de qualité variable, achève de les plonger dans l’angoisse ».

Or « quelle que soit la maladie chronique dont on est atteint, il faut conserver à tout prix une vie normale », insiste le Pr Deray. « La vie du patient ne peut pas et ne doit pas se résumer à son dosage de créatinine. On sait aujourd’hui que son implication est capitale pour la suite de la prise en charge et que plus il sera impliqué, plus sa qualité de vie sera améliorée. »

Des patients impliqués et moteurs du changement

Dès lors, une véritable alliance thérapeutique doit se nouer entre le praticien et le patient. La fonction rénale est un indicateur de l’état de santé général du patient, sujet, dans plus d’un cas sur deux à une hypertension artérielle ou à un diabète. Ainsi, la prise en charge optimale de la maladie rénale passe par une approche globale et la participation active du patient ; elle ne se limite pas à traiter l’organe malade.

« Pour protéger sa fonction rénale et préserver sa qualité de vie, le patient doit commencer par changer son mode de vie, dans la majorité des cas, et lui seul peut le faire » explique le Pr Deray. « Il faut lui donner le maximum d’informations, pour qu’il comprenne bien ce qu’est l’insuffisance rénale chronique dès l’annonce. L’annonce de la maladie rénale est d’ailleurs un choc. Très souvent, les patients ne connaissent pas bien le rôle des reins ».

Ce changement d’habitudes et d’hygiène de vie va permettre au patient de retrouver peu à peu une meilleure forme, de perdre du poids, de retrouver une qualité de sommeil et de profiter à nouveau des plaisirs du quotidien.

Les associations de patients en néphrologie

La FNAIR

La Fédération Nationale d'Aide aux Insuffisants Rénaux se bat pour améliorer les soins et la vie de tous les jours des personnes atteintes d'insuffisance rénale, mais aussi pour tenter de diminuer, grâce à des actions visant à promouvoir la prévention et la recherche sur les maladies rénales, le nombre des personnes astreintes aux lourds traitements de l'insuffisance rénale terminale.

La FNAIR est présente sur l’ensemble du territoire nationale grâce à 24 antennes régionales, y compris dans les Départements d’Outre-Mer. Ce maillage territorial lui permet d’être au plus près des besoins des patients sur le terrain. Chaque insuffisant rénal peut ainsi se rendre dans une antenne à proximité de son domicile et y trouver de l’information médicale, mais aussi de l’écoute, du soutien et de l’entraide.

A l’occasion des prochaines élections nationales, la FNAIR a adressé un plaidoyer aux différents candidats à l’élection présidentielle. Ce plaidoyer comporte cinq propositions issues des remontées faites par les antennes régionales.

RENALOO

Renaloo est née en 2002, de l’initiative personnelle d’une patiente, qui entendait témoigner et partager son expérience, tout en palliant le manque d’informations disponibles sur le web autour des pathologies rénales. Renaloo est aujourd’hui la première communauté web francophone de patients et de proches dédiée à l’insuffisance rénale. C’est aussi une association de patients et de proches de patients particulièrement engagée dans le domaine de la démocratie sanitaire, dont l’objectif est l’amélioration de la qualité de la prise en charge et de la vie des malades.

C’est ainsi qu’à son initiative vont se tenir en 2013 les premiers Etats Généraux du Rein (EGR). Ceux-ci ont pour objectif de réaliser un état des lieux consensuel sur l’insuffisance rénale, la dialyse et la greffe, en vue d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des patients. Cette démarche sera menée conjointement par l’ensemble des acteurs concernés – professionnels de santé de toutes catégories, autres soignants et intervenants de l’environnement du soin, établissements, experts en santé publique et économie de la santé, institutionnels, industriels et, bien sûr, les patients, leurs proches et leurs associations.

Article publié le 04/04/2012 à 14:09 | Lu 1884 fois