Ils étaient là…, Chronique de Nancy Cattan

Elle nous a raconté ses rendez-vous ratés. Ses amours contrariés. Ce mari mal aimé, alors que les pensées secrètement s’égaraient dans des lieux que la morale interdisait en ces temps-là de fréquenter.


Il nous a montré ces pages aux couleurs d’une époque que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître. Des pages noircies de mots élégants, poignants, joyeux ou terriblement affligés, réunis dans des poèmes toujours aussi vivants. Mais sur lesquels aucun regard ne s’est jamais arrêté, jugeant hâtivement l’écriture surannée.

Il nous a fait écouter ses bouleversants enregistrements de musique classique. Membre d’un quatuor, il faisait alors pleurer et chanter son alto. Aujourd’hui, les yeux perdus dans ses souvenirs heureux, il se laisse envahir par cette musique qui continue de lui donner la force de vivre.

Elle nous a confié son goût des autres, de ce monde de l’enfance en particulier, qui lui est si familier. Empreinte de sa jeune vie en orphelinat, puis de sa vie d’adulte auprès d’autres enfants cassés par la vie ou la maladie. Elle ne connaît pas de vie solitaire, elle ne sait que partager. Mieux, donner.

Le regard emmuré par une maladie dégénérative, ce jongleur de mots, grand amoureux de la langue française aujourd’hui, doit se contenter d’écouter ce que les autres racontent dans le casque vissé sur ses oreilles. Mais son esprit éclairé traque les faux-sens, les contresens, les non-sens… On ne badine pas avec les mots !

Ces femmes, ces hommes, nous les avons rencontrés dans des résidences retraite. Ils sont âgés, très âgés parfois, malades souvent, silencieux généralement… Nous aurions pu faire glisser notre regard sur eux… Ils l’ont retenu, comme on rappelle à un écolier inattentif l’intérêt d’écouter ce que le maître raconte. Merci.

Ils étaient là…, Chronique de Nancy Cattan
par Nancy Cattan, journaliste santé

Publié le 08/04/2009 à 11:33 | Lu 6344 fois