Histoire naturelle de l'allergie par le Dr Flore Amat (Paris)

Comment modifier l'histoire naturelle de l'allergie ? La fréquence de l’asthme et des maladies allergiques a considérablement augmenté au cours des trente dernières années dans la plupart des pays, avec une tendance à la stabilité actuellement dans les pays occidentaux, où la fréquence est par ailleurs la plus élevée.


Par exemple, le nombre d’individus asthmatiques dans le monde est estimé à 300 millions de personnes, avec une fréquence variant entre 1 et 16% selon les pays.
 
L’asthme sévère ne représente qu’une faible proportion des patients asthmatiques, mais il est à l’origine d’une altération importante de la qualité de vie, comporte un risque d’exacerbations sévères plus élevé et a un coût de santé publique important compte-tenu de la lourdeur des traitements qu’il nécessite.
 
L’évolution des connaissances sur l’histoire naturelle de l’atopie - passages supposés de la dermatite atopique à l’asthme, de la rhinite allergique à l’asthme, de l’asthme à l’asthme sévère - a amené à s’interroger sur la réalité de ces séquences chronologiques d’une part, et à réfléchir à différentes pistes de prévention secondaire dans le cadre de ces pathologies d’autre part, la part environnementale semblant être importante dans l’apparition et l’évolution de ces pathologies.
 
La marche allergique ou plutôt les marches allergiques sont des trajectoires multiples des maladies atopiques : dermatite atopique, allergie alimentaire, rhinite allergique et asthme.
 
Définitions
L’atopie est une prédisposition héréditaire du système immunitaire à élaborer des réponses inopportunes envers des stimuli non spécifiques (agressions virales, exposition à des irritants non spécifiques tels que la pollution extérieure ou le tabac) ou spécifiques d’origine allergéniques, dans ce cas étant généralement médiées par les Immunoglobulines E (IgE) et concernant des antigènes communs habituellement tolérés par l’organisme : pneumallergènes (i.e. allergènes aéroportés) et trophallergènes (i.e. allergènes alimentaires).
 
La présence d’IgE sériques envers les allergènes définit la sensibilisation allergénique. Celle-ci correspond donc à un marqueur biologique. Lorsqu’elle s’accompagne de symptômes cliniques lors de l’exposition à l’allergène, elle définit alors l’allergie IgE médiée : rhinite allergique, asthme allergique dans le cas des pneumallergènes ; allergie alimentaire dans le cas des trophallergènes.
 
Le concept d’atopie (du grec atopia, « qui n’est pas à sa place », « différent ») a été proposé initialement en 1923 pour désigner l’asthme et la rhinite allergique, la dermatite atopique ayant été ajoutée dans ce spectre de maladies en 1933 en raison de l’association fréquente de celle-ci à l’asthme.
 
Les maladies atopiques sont représentées par l’asthme, la dermatite atopique, la rhino-conjonctivite allergique et les allergies alimentaires. Ces maladies consistent en un dysfonctionnement épithélial et immunitaire simultané ou successif des appareils respiratoire et/ou cutanéomuqueux.
 
Leur survenue trouverait leur origine dans le mode de vie occidental qui entraînerait dès l’enfance des modifications épigénétiques sous la pression environnementale, se traduisant par une dysrégulation immunitaire précoce.
 
Lien de l’atopie avec l’environnement
- Théorie hygiéniste
La théorie hygiéniste dans l’épidémiologie des maladies allergiques consiste à expliquer une partie de l’augmentation d’incidence de ces maladies par une réduction de l’exposition aux micro-organismes (amélioration de l’hygiène et diffusion des thérapies antibiotiques réduisant l’incidence des infections), entraînant une altération du fonctionnement du système immunitaire en l’orientant vers une réponse anormale et favorisant par ce biais la production d’IgE spécifiques.
 
Il va sans dire que la mesure de la portée de l’exposition environnementale dans l’augmentation d’incidence des pathologies atopiques est probablement plus complexe, la diffusion du mode de vie dit "occidental" y compris dans les zones rurales, la modification des pratiques agricoles et l’apparition des analyses de prédisposition épigénétiques venant bouleverser les hypothèses établies.
 
L’hypothèse hygiéniste dans l’atopie est complexe et implique des modifications immunologiques en réponse à la diffusion du mode de vie occidental et à la réduction de certaines infections. L’influence du régime alimentaire et de la réduction de la diversité du microbiote (micro-organismes naturellement présents dans l’organisme) sont d’autres aspects plus récents à prendre en compte pour expliquer l’augmentation de fréquence de l’atopie.
 
- Influence du régime alimentaire
Il est suspecté que la réduction de variété du régime alimentaire, associée à une consommation accrue d’acides gras saturés et d’aliments riches en sucres rapides, puisse également jouer un rôle dans l’augmentation d’incidence des maladies allergiques.
 
Au niveau immunologique, le régime alimentaire joue effectivement sur la diversité du microbiote, mais également sur la production d’alarmines par l’augmentation de résidus de glycosylation avancée.
 
Les alarmines sont des signaux de danger épithéliaux qui vont stimuler la production de cytokines pro-inflammatoires. D’un point de vue épidémiologique, la courbe d’augmentation des magasins et de ventes d’alimentation de type « fast-food » aux Etats-Unis et en Australie est parallèle avec celle de l’incidence des maladies allergiques.
 
- Exposition à la fumée de tabac
L’exposition à la fumée de tabac est un facteur de risque suspecté de sensibilisation allergénique.
 
Source : 14ème Congrès Francophone d'Allergologie

Publié le 24/04/2019 à 01:00 | Lu 1684 fois