Haïti : plus de 200 000 personnes âgées affectées par le séisme

Un article publié par le site Internet Irin, département d'informations humanitaires des Nations Unies, indique que suite au tremblement de terre du mois de janvier en Haïti, les personnes âgées ont besoin de recevoir davantage d’attention et leur rôle potentiel dans le relèvement doit être mieux apprécié disent des travailleurs humanitaires.





D’après l’organisation humanitaire Help Age International, quelque 800.000 Haïtiens, soit environ 7% de la population, ont plus de 60 ans, et plus de 200 000 personnes âgées ont été affectées par le séisme, soit un quart des seniors.

« C’est une population qui a des besoins spécifiques et peut être très vulnérable –par certains aspects, aussi vulnérable que les enfants de moins de cinq ans ou les nourrissons », indique à Irin Cynthia Powell de Help Age International, à Port-au-Prince, la capitale. « En même temps, ce sont des adultes qui ont eu des vies formidablement riches et ont une grande expérience, un grand potentiel à donner en retour à la société, d’une certaine manière. »

Toujours d’après Help Age, il existe un certain nombre de maisons de retraite dans la capitale. Mais certaines ont été endommagées et les autres n’ont pas la capacité nécessaire pour accueillir les personnes âgées qui sortent de l’hôpital ou ont besoin de soins spéciaux suite au tremblement de terre.

Help Age travaille notamment avec l’ONG (organisation non gouvernementale) Samaritan's Purse sur un projet « vivres contre formation », dans lequel des femmes seraient formées à s’occuper de personnes âgées.

Dans les camps pour familles déplacées, Irin a rencontré des personnes âgées présentant des conditions variables –d’une femme de 90 ans qui vendait de la lessive et du savon pour les mains à un homme de 66 ans qui, depuis le séisme, est désorienté et refuse de manger.

« Je n’arrive pas à le faire manger », explique sa fille, Yolande Casimir à IRIN, alors qu’il était allongé par terre, sous leur tente, semblant passer alternativement du sommeil à la veille. « Il souille ses vêtements. Il est déprimé. Il parle tout seul. Quand il se lève pour marcher, il tombe. » Elle ajoute qu’il est diabétique et qu’il souffre d’hypertension artérielle mais qu’il allait bien avant le tremblement de terre. « C’est juste qu’il est tellement stressé. Il ne pense qu’à la maison et à tout ce qu’il a perdu. Pourriez-vous me dire ce que je pourrais faire pour l’aider un peu, pour qu’il ne perde pas complètement la tête ? »

Parmi les personnes âgées avec lesquelles Irin a parlé dans les camps de déplacés, plusieurs disent qu’elles ressentent des douleurs à la poitrine et des maux de tête et de ventre depuis le séisme. La plupart affirment qu’elles souffrent d’hypertension et qu’elles ne prennent plus leurs médicaments.

« Avec le diabète et l’hypertension, c’est une double malédiction », explique encore Mme Powell de Help Age, à IRIN. « Après le tremblement de terre, il y a parfois eu une interruption de l’accès aux prescriptions de médicaments contre les maladies chroniques comme celles-là, et ces deux maladies sont aggravées par le stress. »

Rita Baptiste, 65 ans, a dit qu’elle avait été opérée des yeux juste avant le tremblement de terre, qu’elle avait maintenant les yeux irrités et ne voyait pas bien. L’hôpital où elle aurait dû être suivie a été détruit, tout comme ses lunettes.

Pour certaines personnes âgées vivant dans les camps –dont beaucoup sont seules, leurs enfants habitant en province ou à l’étranger– obtenir l’aide dont ils ont réellement besoin est un véritable défi. Philomène Casimir, 70 ans, indique à IRIN qu’elle avait reçu un ticket de distribution alimentaire un matin, mais que lorsqu’elle était allée chercher la nourriture l’après-midi, elle avait été bousculée par la foule et était repartie les mains vides. Elle a dit qu’elle n’osait pas essayer une seconde fois.

L’association Help Age et d’autres ONG prévoient de mettre en place des zones spéciales dans les nouveaux camps de déplacés qui doivent être créés dans les mois à venir, afin d’apporter une réponse à ces problèmes.

« Nous plaidons pour qu’une zone (dédiée aux personnes ayant des) besoins spécifiques soit créée dans ces camps –pas simplement pour les personnes âgées, mais aussi pour les personnes amputées, les personnes sortant de l’hôpital et les handicapés », remarque Michael Andreini de Help Age à Irin. « De façon à ce que les services de santé (leur) soient plus accessibles et que la sécurité et la protection (de ces populations) soient prises en considération ».

Un membre du comité qui gère un des camps, qui s’est présenté uniquement sous le nom de Harold, a dit qu’à cause de la rupture des communautés provoquée par la catastrophe, les gens qui auparavant rendaient visite à une personne âgée pour l’aider dans les travaux ménagers, ou lui donner un peu d’argent ou de nourriture, ne le faisaient plus.

Cependant, toutes les personnes âgées affectées par le séisme ne sont pas dans une situation désespérée, soulignent les travailleurs humanitaires et les résidents des camps. Beaucoup sont actives et ont simplement besoin de soutien en termes de soins de santé, d’alimentation et d’abri, de façon à ne pas basculer dans la vulnérabilité. Ces personnes représentent également des ressources précieuses, ajoute M. Andreini.

« Ce sont des gens qui ont connu différents régimes, qui ont (participé à) l’histoire d’Haïti, qui comprennent ce que ce pays a traversé et quel est son potentiel », précise-t-il. « Les personnes les mieux placées pour aider à planifier la reconstruction du pays sont entre autres celles qui sont là depuis longtemps ».

Article publié le 16/03/2010 à 09:28 | Lu 1418 fois