Fausse note au Théâtre Michel : un accord parfait

Réunir sur un même plateau deux acteurs aussi contrastés que Christophe Malavoy et Tom Novembre n’était pas un pari gagné d’avance. C’est pourtant ce qu’a tenté, et réussi, Didier Caron dans son si joli théâtre de la rue des Mathurins.





Un chef d’orchestre talentueux- Hans Peter Miller, campé par Tom Novembre- et adoré d’un large public international, vient de terminer de diriger un concert dans sa chère ville de Genève. Il s’apprête à partir pour Berlin où le mur vient récemment de tomber. On parle de lui comme le futur successeur du grand Karajan. A priori donc, la vie lui sourit, son épouse et ses deux filles l’attendent le soir même à la maison.
 
Le grain de sable arrive sous la forme de trois légers coups frappés à la porte de la loge, annonçant l’arrivée d’un certain Léon Dinkel, se présentant, au début en tout cas, comme un admirateur inconditionnel du Grand Maître.
 
Lequel accepte en effet, bon gré mal gré, de lui signer un autographe personnalisé, et même un deuxième pour sa femme Annah, avec un H à la fin, précise le visiteur. Et qui l’éconduit fermement après ces politesses rendues.
 
Bien sûr, Léon Dinkel revient quelques minutes après, pour se livrer à présent à un cruel jeu du chat et de la souris, délivrant au compte-goutte les raisons secrètes de sa présence en ces lieux. Et il n’abandonnera la place que lorsqu’il aura broyé, moralement en tout cas, sa victime réduite à la peur et la supplication.

La vengeance, on l’aura compris, est le thème central de ce texte poignant. Faut-il qu’elle soit complètement assouvie pour pouvoir se délivrer des démons du passé ? Suffit-il de plonger un bourreau dans la honte pour que la faute soit réparée ? Un thème fort et universel qui nous interpelle tous, directement concernés ou non.
 
Les deux protagonistes de ce huis clos sont prodigieux, et leur accord parfait. Christophe Malavoy, tout en retenue, est le modeste visiteur dont personne ne se méfierait au début mais qui devient bien vite un chat cruel qui ne lâchera sa victime qu’après l’avoir méticuleusement déchiquetée.
 
Tom Novembre, au physique imposant, semble d’abord inébranlable. Il devient pourtant petit à petit la souris piégée, ou plus exactement le gros rat, mais qui ne pourra rien contre les griffes de son prédateur.
 
Un décor sommaire mais très efficace, fait de quelques symboles nous signifiant les basculements entre présent et passé, complète la mise en scène utilisant parfaitement la géométrie du plateau. Bref une belle soirée théâtrale qui confirme la grande qualité des productions de cette maison.

Alex Kiev

Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris

Du jeudi au samedi à 21h00

Séances supplémentaires le samedi à 16h30 et le dimanche à 16h00

Article publié le 11/12/2017 à 01:00 | Lu 2173 fois