Etre cardiaque et travailler, par le professeur Jean-Pierre Houppe

Les 25èmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (SFC) ont eu lieu la semaine dernière à Paris. Cette année, le thème principal portait sur « La Cardiologie sur-mesure ». Dans ce contexte, le professeur Jean-Pierre Houppe revient sur le fait d’être cardiaque dans la vie professionnelle.


Comment concilier une pathologie cardiaque, en particulier coronarienne, avec une vie professionnelle ? Cette question complexe est devenue un challenge pour les cardiologues en 2015. D’une part, il est indéniable que le stress au travail est un redoutable bourreau du coeur. Il est important de souligner que le stress chronique multiplie au moins par deux le risque cardiovasculaire. De plus, la surcharge de travail, la menace de licenciement ou de chômage sont des situations à haut risque pour le patient coronarien. Enfin, l’épuisement professionnel, ce que l’on appelle le « burn-out » est un des plus puissants déclencheurs d’infarctus et sa variante suraigüe, le Karoschi, est capable de provoquer un arrêt cardiaque mortel chez des sujets jeunes sans antécédents coronariens.
 
D’autre part, si la durée de la vie ne fait que progresser, celle de la durée de l’activité professionnelle s’allonge également et continuera d’augmenter très probablement dans les prochaines années. Cette réalité socio-économique pose donc aux cardiologues la question du vieillissement cardiaque et du risque des contraintes cardiovasculaires imposées par certaines professions, en particulier les métiers manuels.
 
Enfin, même si le patient cardiaque vit mieux et plus longtemps, le taux de maintien au travail après un accident cardiaque n’a pas vraiment progressé depuis près de trente ans. Il reste aux alentours de 70%, malgré les énormes progrès réalisés dans la prise en charge médicale et chirurgicale. La poursuite d’une activité professionnelle après un accident cardiaque dépend moins de l’état de santé du patient que de son état émotionnel, de ses capacités à faire face à sa nouvelle situation de santé. Ainsi, les critères psychosociaux expliquent 70% des non reprises du travail.
 
La cardiologie poursuit donc à l’heure actuelle deux objectifs :

- Le premier est de tout mettre en oeuvre pour que le patient cardiaque puisse travailler dans les meilleures conditions de sécurité possibles pour lui-même et pour l’entreprise. Il s’agit d‘un objectif essentiellement technologique et scientifique.

- Le second est d’informer et d’aider les patients cardiaques à mieux gérer les contraintes de stress au travail et de les soutenir dans la phase d’adaptation psychosociale à la maladie coronaire. Il s’agit là, d’un objectif humain plus global, psychologique et comportemental.
 
Ces deux objectifs centrés sur le patient passent par un travail collaboratif entre les services de réadaptation cardiaque, les cardiologues de terrain, les médecins du travail et les médecins généralistes. Redonner au patient cardiaque la possibilité de s’épanouir dans son travail malgré la survenue de la maladie cardiaque est une question complexe, dont la réponse se situe donc à la frontière entre la cardiologie, la psychologie, la sociologie et l’économie...

Publié le 20/01/2015 à 03:00 | Lu 1839 fois