Emploi des seniors, partie 1 : questionner l’emploi, chronique de Serge Guérin

Comme nous l’avons écrit la semaine dernière, pendant la crise, la question de l’emploi des seniors ne doit pas redevenir une simple variable d’ajustement. L’innovation doit rester au cœur même de ce sujet. En réalité, la question qui « se cache » derrière celle de l’emploi des seniors est bien celle d’un nouveau rapport entre société et emploi.


L’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de travail) a pour slogan « Mettre le travail au cœur du changement ». Tout faux ! C’est l’inverse qui est essentiel : « Mettre le changement au cœur du travail ». Et cet enjeu dépasse le cas des seniors. Il concerne l’ensemble de ceux qui exercent une activité, jeunes et vieux, femmes et hommes, qualifiés et non qualifiés…

La question de l’emploi des seniors concerne directement le mode d’organisation du travail et de la relation hiérarchique. Fondamentalement, le problème vient du travail, de son organisation comme du sens donné. Il y a un malaise profond des salariés, tant du point de vue de conditions de travail qui se sont largement détériorées, que de l’intensité et de la responsabilité qui pèse sur un nombre croissant de personnes.

Par ailleurs, il faut bien dire que les logiques de court terme –mises à mal avec la crise financière inaugurée en octobre 2008– sont incomprises et improductives du point de vue des salariés. On a trop demandé aux salariés de s’adapter à l’entreprise et pas assez à l’entreprise de s’adapter aux femmes et aux hommes qui la composent. Une adaptation qui ne se limite pas aux enjeux ergonomiques mais qui intègre des notions essentielles comme les rythmes, la conciliation avec la vie privée, le respect des modes de vie et des contraintes des gens, la formation…

Le développement de l’emploi des seniors passe aussi par donner de « l’envie » et du « sens ». C’est la question des moyens de motiver les personnes et de donner du sens à leur activité : « Je ne travaille pas plus longtemps, seulement pour contribuer à équilibrer les régimes de retraite, mais aussi parce que j’ai le sentiment d’une utilité et que j’en reçois des satisfactions qui ne se limitent pas à des aspects pécuniaires ».

Le senior, plus que les autres car il a de l’ancienneté au travail, attend de son activité une rétribution symbolique forte. Axel Honneth a montré voici quelques années combien cette notion de reconnaissance était actuelle et centrale dans la construction de l’identité de soi mais aussi dans celle d’un projet collectif.

Notons aussi, que la question de la motivation des salariés concerne très directement l’entreprise qui perd de la richesse à proportion du manque de motivation. Le management de la motivation est un enjeu central et les gains potentiels sont, sans doute, autrement plus importants que toutes les baisses de cotisations et de charges dont bénéficient les entreprises…

Serge Guérin
Professeur à l’ESG
Vient de publier Vive les vieux !, Editions Michalon
Serge Guérin

Publié le 03/11/2008 à 09:49 | Lu 3889 fois