Douze hommes en colère au théâtre Hébertot : tous jurés d'un soir

Tout le monde connaît ce titre grâce au fameux film éponyme de Sydney Lumet sorti en 1957, avec Henry Fonda dans le rôle principal. Mais sait-on qu’au départ, c’était d’abord un scénario de téléfilm, écrit par Reginald Rose lui-même, qui fut ensuite repris pour le théâtre en 1955 sous le même titre avant d’être adapté au cinéma avec le succès que l’on connaît. Cette pièce fut jouée à Paris en 1958 au Théâtre de la Gaieté Montparnasse.


L’action se passe aux Etats-Unis dans les années cinquante, sans doute à New-York, mais ce n’est pas précisé. Un jeune garçon est accusé d’avoir tué sauvagement son père de plusieurs coups de couteau.
Un jury populaire est chargé de juger de la culpabilité du jeune homme qui se soldera, si elle est prononcée, par la chaise électrique.
 
Il est composé de douze hommes -pas de femme, nous sommes en 1950- d’âges et de conditions professionnelles très différents. La règle veut que la décision, coupable ou non coupable, soit prise à l’unanimité.
 
Or, il se trouve que des douze jurés, seuls onze d’entre eux ont voté coupable, alors que le douzième – le juré N°8, un architecte- vote non coupable, ou plus exactement affiche des doutes sur la culpabilité du garçon et demande qu’on réexamine le déroulement des faits et les divers témoignages. S’en suit alors une âpre discussion entre les douze jurés, avec une issue que tout le monde connaît.
 
L’intérêt de la pièce n’est pas tant dans la manière qu’utilise le juré N°8 pour retourner, un à un, les autres jurés mais plutôt dans les raisons qui les fait changer d’avis. Car finalement, même si l’architecte parvient à prouver que les témoignages-clés sont caduques, il parvient surtout à instiller le doute dans l’esprit de ses co-jurés et, dès que ce doute est là, ceux-ci sont soulagés de pouvoir se débarrasser du fardeau de leur responsabilité en prononçant d’une voix blanche et peu convaincue les mots attendus « non coupable ».
 
Et c’est toute la force de ce texte : nous montrer comment ces hommes, de conditions sociales très différentes, le sont aussi au plus profond d’eux-mêmes.
 
Rendons hommage au metteur en scène, Charles Tordjmann, qui a réussi à rendre toute cette richesse. Il a su diriger douze acteurs en même temps sur le plateau, une tâche qui n’est pas si facile, même pour un homme de métier.
 
Les lumières de Christian Pinaud et les costumes de Cidalia da Costa contribuent à nous plonger dans l’action et nous transformer nous-mêmes en juré, ce qui fut d’ailleurs fait au théâtre dans certains spectacles bien célèbres quelques décennies plus tard. Tous les acteurs sont parfaits, inscrits dans une œuvre collective pour laquelle ils se donnent à fond. Ils méritent bien les applaudissements nourris qui les saluent.

Alex Kiev

Théâtre Hébertot
78bis, Boulevard des Batignolles
75017 Paris

à 19 heures jusqu’au 31 décembre 2017

Publié le 24/10/2017 à 04:05 | Lu 1179 fois