Des caractéristiques différentes entre les ainés vivant à domicile et ceux en établissement (Drees)

La DREES (ministère de la Santé) vient de publier une intéressante comparaison entre les caractéristiques des personnes de 60 ans ou plus selon leur lieu de vie, à partir des données des enquêtes Care*. À l’heure où le « virage domiciliaire » constitue une orientation majeure des politiques publiques du grand âge, ce dossier vise à mettre en lumière les questions posées par la volonté de « désinstitutionnalisation » des personnes âgées.


Selon cette nouvelle études, au sein de l’ensemble des 75 ans et plus, près d’un sur dix vivrait en établissement. A ce titre, ces résidents auraient en moyenne 86 ans et les trois quarts -sans surprise- seraient des femmes.
 
On apprend aussi qu’un quart des ainés en établissement n’a aucun enfant en vie, contre un sur dix à domicile et un tiers n’a aucun petit-enfant, contre un sur cinq à domicile. On retrouve donc des résultats déjà connus auparavant : à savoir que les personnes en établissement, surtout les plus jeunes, sont plus isolées sur le plan familial que les personnes à domicile.
 
Ces ainés sont aussi socialement plus défavorisés. De fait, les différences s’avèrent beaucoup plus marquées parmi les moins de 80 ans. A ce titre, les anciens ouvriers sont fortement surreprésentés en établissement parmi les hommes et parmi les hommes de moins de 80 ans vivant en établissement, 11% n’avaient pas de profession avant l’âge de la retraite, contre 0,2 % à domicile.
 
Ce fort pourcentage peut laisser supposer qu’il s’agit de personnes ayant eu un handicap avant leur entrée en établissement ou des difficultés d’insertion les ayant maintenus dans l’inactivité. Cela souligne, encore une fois, la plus grande vulnérabilité sociale de ces résidents les plus jeunes.
 
Selon la Drees, ces écarts se retrouvent dans la distribution des revenus et des niveaux de vie. En établissement, les personnes les plus jeunes ont les niveaux de vie les plus faibles, puis ceux-ci se stabilisent à partir de 75 ans, âge à partir duquel ils sont plus proches à domicile et en établissement.
 
Toujours selon cette nouvelle enquête, on apprend que le fréquence des difficultés sensorielles à chaque âge n’est pas très différente selon le lieu de vie : ains, les problèmes d’audition sont croissants avec l’âge (sans surprise non plus), au même rythme à domicile et en établissement et la majorité des personnes âgées entendent sans difficulté dans une pièce silencieuse jusqu’à 90 ans, quel que soit le lieu de vie.
 
Les difficultés motrices importantes, à tous les âges, caractérisent les personnes en institution : à tous les âges, et dès 60 ans, une majorité des résidents rencontre des difficultés à se pencher ou s’agenouiller, monter un escalier ou porter 5 kilos sur 10 m.
 
Enfin, là encore, ce n’est pas une surprise, les limitations cognitives augmentent avec l’âge pour les personnes à domicile, mais les prévalences restent modérées à tous les âges. En établissement en revanche, les trous de mémoire, les difficultés pour comprendre et se faire comprendre, pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne et les difficultés à nouer des relations sont fréquentes à tous les âges.
 
Les personnes de moins de 75 ans en établissement ont donc des limitations particulièrement importantes pour leur âge, tandis que les résidents les plus âgés ont des limitations sensorielles et physiques proches des personnes vivant à domicile, mais bien plus de limitations cognitives.
 
Cela explique en partie le taux particulièrement élevé de personnes sous protection juridique en établissement, supérieur aux deux tiers pour les résidents de moins de 75 ans.
 
Tous ces résultats montrent les différences entre les ainés à domicile et en établissement, à âge comparable, mais aussi, certaines ressemblances, surtout aux grands âges, comme sur les limitations sensorielles et physiques ou les caractéristiques socio-économiques.
 
Ils mettent aussi en avant la « dualité des publics accueillis en Ehpad, en deçà et au-delà de l'âge de 75 ans environ ». Cette dualité était déjà connue, rappelle la Drees, mais cette étude est la première à la documenter dans toutes ses dimensions…
 
Elle interroge les politiques publiques, sur l’accueil en un même lieu, et selon les mêmes modalités, de plusieurs publics aux caractéristiques si différentes. Les besoins de ces publics sont différents, leur prise en charge n’implique pas les mêmes tâches et pas nécessairement la même charge de travail, ce qui a des conséquences sur l’organisation des établissements et de leur personnel.
 
La comparaison des caractéristiques des anciens vivant en établissement et à domicile permet enfin de préciser les conditions de possibilité concrètes d’un maintien à domicile important, voire total, des publics actuels des Ehpad. Les conditions économiques et sociales du soutien à leur autonomie doivent donc être anticipées, au regard des caractéristiques que l’on vient de décrire : le relatif isolement social et les faibles revenus des plus jeunes, le fait qu’un quart d’entre eux est sous protection juridique, la prévalence très importante des troubles cognitifs et moteurs…
 
*Les enquêtes Capacités, aides et ressources des seniors (Care) ont été menées par la DREES en 2015 et 2016 auprès de personnes de 60 ans ou plus résidant en France métropolitaine, à domicile ou en établissement pour personnes âgées. Elles interrogent de façon comparable les personnes quel que soit leur lieu de vie.

Publié le 07/02/2023 à 01:00 | Lu 3090 fois





Dans la même rubrique
< >