Club Jade : le vieillissement démographique ou le défi de la croissance grise

Le club de réflexion Club Jade vient de publier un sondage sur le vieillissement démographique ou le défi de la croissance grise… Une grande enquête réalisée auprès d’un millier de Français représentatifs de la population. En voici les principaux enseignements.


Le vieillissement démographique est une tendance forte. La part de la population des personnes âgées de plus de 60 ans représentera près de 50% de la population en projection 2035. Si les politiques communes peinent à se structurer à l’échelle européenne, la réalité du défi démographique est monnaie courante sur l’ensemble du continent.

« La France grisonne, l’Europe grisonne, mais ne pourrions-nous pas trouver là un moteur puissant de ce qu’il est convenu d’appeler la croissance grise, à savoir l’ensemble des dynamiques nées de l’économie de l’intelligence ? » s’interrogent les responsables du Club Jade .

Et de poursuivre : « en marge du débat qui consiste à répondre aux enjeux du vieillissement par la création de structures de financement complexes, nous avons voulu explorer attentivement des pistes alternes, peu empruntées et dont nous essayerons de dégager les avantages. Nous situerons au coeur même de notre analyse l’ensemble des possibilités qu’offrent les technologies numériques pour répondre au périlleux dé! que constitue le vieillissement de notre population. Bien entendu, nous ne ferons pas l’économie d’aborder la question de la mise à contribution de chacun au financement de la solidarité à l’endroit de nos aînés, mais nous tenterons d’élargir notre analyse à l’ensemble des opportunités qui pourraient réduire considérablement les efforts financiers de nos concitoyens ».

Essentiellement, nous pensons que le développement du marché des géronto-technologies, c’est-à-dire l’ensemble des objets à haute valeur ajoutée technologique à destination de nos seniors, peut réunir les conditions d’un vieillissement de qualité, et de l’affermissement du lien entre aidants et aidés. Nous pensons également qu’il constituerait une formidable ressource de croissance, de création d’emplois, et donc de recettes fiscales, qui pourraient avantageusement absorber une partie du coût des dépenses liées à la dépendance et en représenter l’assiette de financement logique. Nous établirons alors l’innovation numérique comme un moyen d’absorption des coûts, d’aide médicale, d’assistance sociale, mais aussi d’inclusion sociale. Bien entendu, il ne s’agit pas pour ces instruments innovants de se substituer à l’intervention humaine, mais plutôt de trouver des complémentarités fortes entre l’élément technologique et la présence physique dans l’environnement de soutien des personnes dépendantes. On y trouvera ainsi l’occasion à la fois d’améliorer la qualité de la prise en charge des personnes dépendantes et de soulager la tâche des aidants.

Animés de cet esprit et à la lumière de l’analyse que nous avons menée, force aura été de voir dans le vieillissement une chance formidable pour renouer des liens entre les générations, liens qui nous semblent aujourd’hui plus fragiles que jamais. Nous pensons que l’infrastructure première du lien entre les générations est déjà en place. En effet, nous découvrons tous les jours un monde dont la densité des connexions numériques s’est développée vertigineusement ces quinze dernières années. Ces liens sont autant de libres-guides à partir desquelles nous pouvons bâtir à l’échelle des individus des solutions de continuité et d’attention nouvelles.

Afin d’être en phase avec les attentes des Français, cette étude a pour point de départ un sondage détaillé conduit auprès d’un échantillon représentatif de la population par le Global Market Institute. Les enseignements qu’il apporte sont à même d’éclairer le débat public comme il a éclairé notre propre approche, au stade tant du diagnostic que des recommandations.

1. Les Français misent sur les services à la personne et les technologies d’assistance, mais rejettent un impôt de solidarité.

Dimension rarement explorée, les attentes des français en terme de technologies numériques de soutien en personnes en situation de dépendance sont manifestes et se hissent au second rang de leurs choix. Plus précisément, les Français privilégient très nettement le développement des services à la personne (premier choix à 51.4%, premier ou second choix à 76%), suivi par le développement des technologies d’assistance notamment domotiques (premier choix à 21.3%, premier ou second choix à 58%). Ils comptent nettement moins sur les assurances individuelles (premier choix à 16.7%, premier ou second choix à 41%) et rejettent la création d’un impôt de solidarité (premier choix à 10.6%, premier ou second choix à 25%).

2. Les Français estiment à une écrasante majorité que la classe politique est incapable de comprendre et de traiter l’enjeu de la dépendance.

Pour près des trois quarts des Français (72.7%), les responsables politiques n’ont pas sur ce sujet une bonne compréhension de leur réalité quotidienne. Le verdict est le même sur l’inadaptation de leur vision de l’avenir (72.6%). Il est à peine moins sévère quant à leur courage et leur sens des responsabilités pour prendre si nécessaire des mesures impopulaires (69.5%). Par ailleurs, plus d’un tiers des Français estiment que les responsables politiques préservent les intérêts des générations actuelles en sacrifiant ceux des générations futures (33.9%). Si l’on fait abstraction des « sans opinion » (30.5%), ce verdict est partagé par un sondé sur deux (48.8%). Les réactions si le candidat préféré pour 2012 demande aux Français des efforts personnel, y compris financiers, pour mieux prendre en charge la dépendance, sont contrastées. Près d’un tiers (30.3%) affirment que cela n’aurait pas d’incidence sur leur vote. Près d’un quart (23.7%) déclarent que cela les encouragerait d’autant plus à voter pour lui. A hauteur égale, certains estiment que cela les désinciterait à voter pour lui (14.2%) quand d’autres précisent que cela dépendrait du fait qu’ils soient ou pas personnellement mis à contribution financièrement (15.8%). Enfin, 16% sont sans opinion. De façon surprenante, le choix des modalités de financement de la dépendance devrait être fait par référendum pour plus de la moitié des Français (54%).

3. Ils comptent financièrement sur leurs proches avant de compter sur la solidarité publique.

Pour l’aide au quotidien, ils misent sur leurs amis bien avant l’Etat ou les associations. Face aux coups durs de santé, les Français ne comptent pas sur les mêmes acteurs pour les aider selon qu’il est question d’aide financière ou d’aide au quotidien. En matière d’aide financière, c’est d’abord sur leurs parents et grands-parents (50%), ensuite sur l’Etat et la solidarité nationale (39.6%), qu’ils comptent essentiellement. De façon surprenante, en matière d’ide au quotidien, ils comptent sur leurs amis (49.1%) avant leurs ascendants (43.5%), mais comparativement peu sur l’Etat et la solidarité nationale (24.8%) ou les associations caritatives (21.5%). Très nettement, ils estiment que la dépendance appelle d’abord un devoir de solidarité familiale (63.2%), plutôt qu’un devoir de solidarité nationale (36.8%).

4. Le sens de la solidarité est perçu comme éteint chez les jeunes générations.

Les Français se répartissent en deux grandes tendances dominantes : la solidarité est une valeur plus développée dans certaines tranches d’âge (42%), ou elle constitue une valeur disparue (40%). Un consensus très net se dégage pour estimer que les plus de 60 ans sont les plus solidaires (36.7%) et qu’on ne peut pas compter sur les solidarité des 18-29 ans (53.3%). Malgré ce constat profondément pessimiste, près d’un Français sur deux estime qu’il faudrait davantage de solidarité dans notre pays (48.4%). Quant à savoir si leurs propres enfants les aideraient dans l’hypothèse de leur propre dépendance, un quart des Français confessent ne pas connaître la réponse (25.6%), un autre quart seulement comptant à la fois sur leur aide financière et leur présence (27.4%).

5. Par manque de moyens financiers, trois Français sur cinq ne prennent pas de dispositions en matière de dépendance bien qu’un sur deux y ait déjà été confronté directement ou indirectement.

Un Français sur deux a déjà été confronté à sa dépendance ou celle d’un proche (49.8%). Plus du tiers des Français s’inquiètent de ce que cela leur arrive (37.3%), au point de s’être déjà renseignés sur ce sujet (36.9%). Pour autant, trois Français sur cinq n’ont pris aucune disposition en la matière et n’envisagent pas d’en prendre (58.9%). L’explication est probablement à chercher du côté du manque de moyens financiers et non de l’imprévoyance. En effet, près de sept Français sur dix estiment qu’ils n’ont pas les moyens de faire face
à une perte d’autonomie définitive, pour un membre de leur famille (69.8%) comme pour eux-mêmes (69.4%).

Publié le 27/06/2011 à 12:49 | Lu 2079 fois