Augmenter l'espérance de vie en bonne santé en renforçant la prévention

Aujourd’hui, en France et dans d’autres pays, les stratégies précoces de prévention ont des effets tout à fait positifs, qu’il s’agisse du maintien de l’autonomie physiologique ou cognitive. Il s’agit là d’un motif d’espoir, porteur d’une ambition nouvelle. Il est indispensable que notre pays investisse fortement ce champ et franchisse un cap nouveau pour une stratégie globale de prévention de la perte d’autonomie.


Mobiliser l’ensemble des acteurs en faveur de l’approche préventive
Se donner un objectif ambitieux d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans. Les Français ont une espérance de vie élevée par rapport à leurs homologues européens mais ce vieillissement intervient dans un état de santé nettement plus dégradé.
 
La France doit se fixer un objectif chiffré d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans. Ambitieux, cet objectif doit être une priorité pour l’ensemble des politiques de santé publique et matérialiser une mobilisation nationale en faveur d’une approche préventive.
 
Proposer une nouvelle offre de prévention et sensibiliser le grand public. Une offre nouvelle de prévention de la perte d’autonomie doit être mise en place autour d’un diagnostic individuel de prévention réalisé par des professionnels de santé.
 
Ce rendez-vous doit être le moment de repérage des fragilités. Cette nouvelle offre doit être relayée par une campagne de sensibilisation du grand public, à l’image des campagnes réalisées dans les pays nordiques sur les comportements de prévention (activité physique, nutrition, prévention des chutes notamment), qui ont produit des résultats.
 
Développer une culture métier partagée en formant massivement les professionnels à la prévention. Les professionnels intervenant au quotidien auprès de la personne âgée, à domicile comme en établissement, sont les premiers acteurs de la prévention. L’effort de formation et d’évolution des compétences en matière de prévention concerne donc l’ensemble des professionnels. Le repérage des fragilités doit aussi devenir une priorité partagée.
 
Diffuser les démarches de prévention dans l’ensemble des structures du grand âge. Il est nécessaire de sensibiliser toutes les structures, médico-sociales notamment, à l’impératif de détection des fragilités et de prévention, pour les personnes en perte d’autonomie comme pour leurs proches aidants.
 
Cette mobilisation interpelle notamment les pratiques d’évaluation des besoins des personnes et de suivi de leur évolution pendant la période d’accompagnement et de soin. Elle appelle un appui volontariste des Conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie.
 
Renforcer le pilotage et l’évaluation de la politique de prévention. L’effort de mise en cohérence des interventions des différents financeurs, qui a connu une étape importante avec la création des Conférences des financeurs, doit notamment être approfondi.
 
Par ailleurs, la cohérence nationale des actions de prévention reste insuffisante, alimentant la critique d’une dispersion des financements. Enfin, les actions de prévention doivent être davantage orientées selon la preuve de leur impact sur la préservation de l’autonomie des personnes.
 
Inciter à la recherche fondamentale et à la recherche clinique sur le vieillissement. La politique du grand âge, et notamment la politique de prévention de la perte d’autonomie, doit demain reposer sur des travaux de recherche reconnus, dans toutes les disciplines. Elle suppose une mise en réseau des acteurs pour une circulation des savoirs entre les disciplines.
 
Il s’agit notamment de mieux comprendre les mécanismes du vieillissement, de la fragilité et de la dépendance, de mieux identifier les biomarqueurs des pathologies liées à l’âge et responsables du déclin fonctionnel de la personne âgée. D’importants progrès sont possibles en la matière.
 
Propositions clés pour franchir un nouveau cap en matière de prévention
Déployer une nouvelle approche de la prévention, alignée sur les standards internationaux. Les recommandations du programme ICOPE, validées par l’OMS à l’automne 2018, doivent constituer la matrice d’une approche renouvelée et systémique de la prévention de la perte d’autonomie.
 
Ce programme repose sur le suivi de cinq « capacités intrinsèques » de la personne âgée : la mobilité, la cognition (mémoire et orientation temporelle), le sensoriel (audition, vision), le psycho-social (bien-être psychique), et la vitalité (nutrition, préhension notamment). Cette nouvelle approche suppose de développer des actions de prévention ciblées :
• Entre 50 et 75 ans pour maintenir le plus longtemps possible les cinq capacités intrinsèques ;
• Dès 75 ans pour suivre ces fonctions et alerter en cas de risque de perte fonctionnelle en évaluant systématiquement et régulièrement l’état des cinq capacités intrinsèques, en s’appuyant notamment sur les nouvelles technologies.
 
Créer un rendez-vous de prévention de l’avancée en âge proposé à trois âges clés. Un accompagnement individualisé doit relayer l’effort de sensibilisation collective. Il doit mobiliser au premier chef le médecin traitant. Ce rendez-vous de prévention, mobilisable pendant une période de 5 ans, interviendrait à trois âges clés, notamment lors du passage à la retraite qui est un temps fort de changement.
 
Ciblé prioritairement, dans un premier temps, sur les personnes les plus vulnérables et les territoires à risque, ce rendez-vous de prévention privilégie une approche multidimensionnelle de la personne associant notamment volets sanitaire et social. L’objectif est d’inciter à la modification des comportements le plus en amont possible, à partir d’une identification des fragilités de la personne.
 
Inscrire la prévention dans la formation initiale et continue de tous les professionnels. Il est proposé d’inscrire de façon obligatoire dans la formation initiale des professionnels (professionnels de santé, travailleurs sociaux et professionnels de l’aide à domicile) des modules sur la prévention de la perte d’autonomie et le repérage des fragilités de la personne âgée. Des modules de formation continue interprofessionnels seraient par ailleurs créés.
 
Imposer aux structures d’accompagnement et de soin une formation des personnels au repérage des fragilités. Il est proposé de mobiliser les EHPAD, SAAD, SSIAD et SPASAD dans la formation de leurs effectifs aux démarches préventives. Des objectifs obligatoires de formation pourraient être établis. Ces formations pourraient donner lieu à des financements spécifiques dans le cadre des Conférences des financeurs ou du nouveau Fonds qualité.
 
Déployer au sein des hôpitaux une stratégie globale de prévention. Cette stratégie reposerait notamment sur l'évaluation de l’autonomie des personnes âgées par les aides-soignants et infirmiers des services de médecine et de chirurgie, lors de l’admission et de la sortie de l’hôpital.
 
Elle nécessiterait de diffuser des outils de pratiques cliniques sur les facteurs de perte d’autonomie iatrogène, c’est-à-dire sur les facteurs de perte d’autonomie occasionnés par le traitement médical lui-même, ainsi que sur les bonnes pratiques de conciliation médicamenteuse.
 
Renforcer le pilotage national de la politique de prévention de la perte d’autonomie. Il est proposé de fixer au niveau national et de façon pluriannuelle des axes prioritaires de prévention de la perte d’autonomie.
 
Ces axes, en nombre resserré, seraient obligatoires pour les Conférences des financeurs et se verraient flécher une part des concours financiers de la CNSA aux Conférences. Les Conférences préserveraient leur pleine autonomie de décision pour l’utilisation de la part restante des concours financiers attribués par la CNSA.
 
En contrepartie de ce cadrage national renforcé, il est proposé de renforcer la transparence sur leurs moyens à travers une trajectoire pluriannuelle des montants des concours versés par la CNSA.
 
Autres propositions
Lancer une campagne nationale pluriannuelle de sensibilisation à la prévention. Un effort majeur de sensibilisation du grand public sur la prévention de la perte d’autonomie, axé sur les comportements du quotidien (l’activité physique, l’alimentation, le sommeil) et la nécessité d’anticiper l’avancée en âge (adaptation du logement, maintien du lien social), est nécessaire.
 
Créer un centre de preuves de la prévention de la perte d’autonomie. Les pratiques de prévention sont jusqu’ici faiblement documentées et fondées sur la preuve. La création d’un centre de preuve a pour objectif d’apporter une visibilité aux acteurs et décideurs de terrains sur les actions probantes ou prometteuses.

Publié le 18/04/2019 à 01:00 | Lu 3042 fois