Au lit au Moyen Âge : exposition à la tour Jean Sans Peur à Paris jusqu’au 13 novembre 2011

Que l’on y dorme, que l’on y joue, que l’on y travaille, que l’on s’y soigne ou que l’on y meure, le lit est au cœur de la vie quotidienne médiévale. Dans cette nouvelle exposition est évoqué ce lit indispensable de la naissance à la mort, avec ses usages et ses caractéristiques, les conseils des médecins pour « bien dormir » , ainsi que l’évocation des rêves et des cauchemars matérialisés dans les manuscrits. A visiter en famille.


Au lit au Moyen Âge : exposition à la tour Jean Sans Peur à Paris jusqu’au 13 novembre 2011
Que l’on y dorme, que l’on y joue, que l’on y travaille, que l’on s’y soigne ou que l’on y meure, le lit est au coeur de la vie quotidienne.

C’est le meuble le plus important dans la demeure médiévale. Aux temps carolingiens, on dort souvent par terre. Les lits ne sont encore que de simples tables de bois aux pieds élégamment tournés. Sur leur plateau plein est disposée la couette, un grand coussin mou et ovale. Celle-ci sert de matelas. Pour dormir, on s’enroule dans une couverture.

Dès le XIIe siècle, le lit le plus courant est un simple caisson doté de pieds, plein ou à barreaux. Ce meuble fixe et solide, est en bois de peuplier, de châtaignier, plus souvent de sapin ou de noyer.

Aux XIVe et XVe siècles, il prend de la hauteur. Il est isolé du sol par une planche épaisse ou une estrade dans les châteaux. Là, protégé par une courtine, mollement couché sur une couette et enroulé dans des draps et couvertures épaisses, le dormeur médiéval n’a rien à envier à notre confort moderne ! Toute une vie se déroule autour du lit d’ordre privé avec les proches mais aussi d’ordre public.

En effet, le lit est un symbole du pouvoir. Au XVe siècle, les grands procès sont jugés par le roi dans un lit de justice, espace surélevé à l’intérieur d’une clôture. Son trône est surmonté d’un dais et entouré de tentures, à l’image d’un lit, d’où le terme de lit de justice.

C’est également allongés sur un lit que les grands donnent audience à leurs proches et alliés, astreints à demeurer debout. Paradoxalement, être couché est le signe d’un statut supérieur. Dans la chambre de parement, pièce destinée aux fonctions officielles, un lit d’apparat est dressé. Ce meuble de prestige est exposé aux yeux des visiteurs, sans qu’il en soit fait usage.

Dans les cours royales et princières, il est de dimensions extravagantes, comme en témoigne la description d’une couverture de fourrure appartenant au roi Charles V (1364-1380) et dépassant les 38 m² ! Dans le cadre privé et intime, le lit conjugal a toute son importance et doit être béni par le prêtre le soir des noces.

De nombreuses croyances sont liées au pouvoir du lit. Par exemple, avec l’aide d’un bijou, comme un diamant ou une pierre d’aimant, le lit serait capable d’expulser l’épouse adultère qu’un mari soupçonne sans pour autant avoir de preuves. Pour les hommes d’église, il n’existe qu’une seule justification à l’amour physique, la procréation, et une seule manière licite de faire l’amour, la position allongée sur le dos pour la femme.

S’il touche aux moments de vie, le lit est aussi le seul horizon des grabataires et des mourants. Dans sa chambre, le malade alité ne reste jamais seul. Autour se pressent la garde-malade, le notaire, le médecin, le prêtre, qui vient donner la dernière communion ou l’extrême-onction, la famille, les amis, les voisins…

La majorité des gens meurent dans leur propre lit. Les défunts sont inhumés cousus dans leur linceul, à savoir le drap de leur lit, puis couchés dans la terre jusqu’à la consommation des temps. Le christianisme médiéval veut que les chrétiens soient enterrés couchés sur le dos, face tournée vers le ciel. L’assimilation entre le sommeil et la mort est profonde : la tête du défunt est posée sur un oreiller.

La chambre idéale est lambrissée ou blanchie, planchéiée et confortablement aménagée, avec latrines privées. Une cheminée est jugée souhaitable, surtout dans les pièces accueillant femmes et enfants : c’est en effet au coin du feu que les nourrices allaitent, que les dames filent ou brodent en chantant des « chansons de toile ».

Souvent, une autre pièce sans fenêtre et adossée à un poêle ou à une cheminée est prévue pour les nourrissons et les malades : la chambre chaude.

Dans les châteaux, la chambre est équipée d’un sas d’accès en bois, appelé tournavent ou ostevent, dont le nom montre bien qu’il avait pour mission d’éliminer les courants d’air. Sur le sol de la chambre, est disposée une natte en paille tressée, parfois étendue à l’ensemble de la pièce. Au chevet du lit se trouve une chaire pratique pour s’habiller le matin, elle peut être déplacée pour que l’on s’y fasse raser et peigner. Au pied du lit, est dressé un grand coffre à linge et à habits et autour sont disposés un chandelier sur un petit buffet ainsi qu’un un lavabo à proximité. À l’occasion, la chambre sert même de salle à manger en dressant rapidement une table sur tréteaux.

Au lit au Moyen Âge : exposition à la tour Jean Sans Peur à Paris jusqu’au 13 novembre 2011
Le lit idéal se compose d’un encadrement en bois ou châlit (1), monté sur une estrade (2) à l’intérieur duquel est installé un matelas fait de paille et par-dessus une couette sur laquelle s’installe le dormeur. Par dessus sont installées draps et couvertures, courtepointes (3) et fourrures. L’ensemble est cerné par des tentures ou courtines formant une chambre isolante (4) , intérieure à la pièce.

Au XIIIe siècle, un dossier (5) ou muraille s’ajoute à la tête du lit, qui peut être peint d’une image pieuse ou d’armoiries, dans les châteaux. Au XIVe siècle, il monte jusqu’au plafond, se recourbe en un dais sculpté ou forme un ciel de lit en tissu suspendu au plafond (6) au-dessus des dormeurs. Leur tête est ainsi protégée non seulement de la poussière du plafond, parce que les planchers sont terrés, mais aussi des rayons de lune, jugés nocifs, spécialement quand ils tombent juste sur le visage. Le jour, les rideaux sont tirés ou noués et élégamment roulés en boule (7). Vers 1490 seulement, est adoptée la forme du lit à baldaquin, avec des colonnes de bois ou quenouilles à chaque angle.

Tout le monde ne dort pas aussi confortablement. Le paysan dort sur un lit modeste fait de pailles et de modestes couvertures qu’il partage avec les siens. Dans les auberges, on peut dormir jusqu’à cinq ou six personnes par lit, en rang d’oignons. A l’hôpital, l’intimité est supprimée au profit de l’utilité car les soignants doivent pouvoir accéder facilement à leurs patients.

Les tout-petits sont plus commodément installés, dans leur berceau qui berce à roulis, en France, Flandre ou Angleterre ou à tangage en Italie. Pour éviter que le bébé ne tombe, s’il est bercé trop vivement, le berceau est muni d’une sangle de sécurité qui court des pieds à sa poitrine.

Pour bien dormir, après un souper mesuré, une veillée paisible est donc recommandée pour un sommeil d’une durée maximale de 8 heures, coiffé d’un bonnet, nu, si possible allongé sur le côté et jamais sur le ventre. L’excès de sommeil est en effet jugé nocif : il engendre des maladies « froides ». Seuls les malades et les femmes accouchées ont le droit de rester au lit. Après un accouchement, ces dernières, jugées impures, doivent patienter quarante jours alitées, le temps des relevailles.

Les images médiévales du sommeil montrent toujours des dormeurs étendus de tout leur long, faisant contrepoids à une idée reçue selon laquelle nos ancêtres dormaient assis dans des lits de médiocre longueur. La position semi assise paraît se diffuser à la Renaissance plutôt qu’à l’époque médiévale. Pour stopper les insomnies, les médecins du Moyen Âge ont plusieurs recettes, dont la première et la plus simple a un caractère quelque peu immoral : boire ! Un adage répandu dit en effet que le bon vin fait souvent dormir. Dans les fabliaux, les gros buveurs boivent jusqu’à en être assommés et s’endorment d’une masse…

Les autres recettes sont de type médical : l’absorption de somnifères à base par exemple de mandragore. Pour les personnes les plus riches, la musique est considérée comme une aide à l’endormissement.

Rêves et cauchemars intéressent les savants. Selon eux, les songes se forment dans l’une des trois chambres du cerveau, la chambre de l’imagination, logée dans le lobe frontal. Les rêves suscitent l’intérêt des laïcs et des clercs : ceux-ci ont observé que les vies de saints et de grands personnages abondaient en rêves prémonitoires…

Quant aux cauchemars, les images et récits les concernant sont nombreux dès le XIIe siècle. Les puissants rêvent de tempêtes prodigieuses, d’animaux sauvages dévorant leur peuple, de paysans révoltés, de guerres. Leur raison d’être est jugée multiple. Si certains les croient d’origine démoniaque, les médecins pensent qu’ils sont le résultat d’une alimentation trop lourde. Les thérapeutes prennent néanmoins les cauchemars au sérieux et les traitent comme une maladie.

Pour éviter tout danger, sur le lit des adultes comme des enfants, des signes de protection sont peints sur les berceaux, le plus souvent au pied du lit : signes stellaires, solaires, images de saints, pictogramme de la crucifixion, trigramme IHS… Mais il faut surtout faire des prières, en plus d’invoquer son ange gardien avant d’aller au lit. Bonne nuit !

La tour Jean sans peur

La tour Jean sans Peur (1409-1411), classée Monument Historique en 1884, est un des derniers vestiges civils du Moyen Âge à Paris. Elle possède notamment un grand escalier terminé par une voûte sculptée unique en France ainsi que des chambres hautes d’un grand confort ayant pu servir au duc de Bourgogne de lieu de réunion en surplomb sur son palais d’un hectare.

En 2011, est proposée la 9e exposition de la tour Jean sans Peur portant sur le Lit au Moyen Âge, après celles de l’hygiène, des voyages, de l’animal, de la cuisine, de la santé, de l’école ou bien encore des Grands ducs de Bourgogne ou du Moyen Âge en bande dessinée.

Ces expositions, dont le contenu est dirigé par un commissaire scientifique, ont vocation à voyager, et ont déjà pu être présentées sur une trentaine de sites en ayant reçu un accueil très favorable du public. Chaque exposition donne lieu à l’édition d’un catalogue. Outre cette production, l’association a également conçu et réalisé différents produits d’édition dont un Historique de la tour Jean sans Peur et de l’Hôtel de Bourgogne.

Parallèlement à ces événements, des restitutions (mobilier, décoration) ont été entreprises dans les chambres hautes de la tour permettant de se rendre compte de leur aspect originel. Ainsi, en 2009, l’ensemble de la tour Jean sans Peur a été pourvue de ses vitraux, réalisés par l’atelier du maître verrier Alain Vinum avec le soutien financier de la Fondation Gaz de France.

Infos pratiques

Au lit au Moyen Âge

Tour Jean sans peur
13 avril – 13 novembre 2011 du mercredi au dimanche 13h30 – 18h
20 rue Etienne Marcel
75002 Paris
Tel : 01 40 26 20 28

Plein tarif (incluant la visite de la tour) : 5 euros
Tarif réduit : 3 euros
7-18 ans, étudiants, professeurs, demandeurs d’emploi
Gratuité : - 7 ans, guides-conf., journalistes, étudiants hist. art, histoire et archéologie
Visite guidée adultes exposition+tour : 8 euros par personne
Visite guidée groupe enfants : forfait 90 euros par groupe
Conférences, concert : 8 euros et 6 euros

Publié le 11/07/2011 à 19:25 | Lu 33813 fois