Médecine

Alzheimer : pourquoi la Haute Autorité de santé refuse-t-elle une approbation accélérée du médicament Leqembi ?

Alors que de nombreux malades et leurs proches attendaient avec impatience l’arrivée en France du Leqembi, un médicament présenté comme une avancée majeure contre Alzheimer, la Haute Autorité de santé (HAS) a choisi de ne pas autoriser sa mise sur le marché en procédure accélérée. Une décision qui soulève des interrogations : pourquoi un traitement validé aux États-Unis reste-t-il encore en suspens en France ?

PAR SENIORACTU.COM | Publié le Mercredi 10 Septembre 2025

Un espoir nourri par l’expérience américaine

Depuis 2023, le Leqembi, développé par les laboratoires Eisai et Biogen, est accessible aux patients américains. La Food and Drug Administration (FDA) lui avait accordé une approbation accélérée sur la base de résultats montrant une diminution des plaques amyloïdes dans le cerveau, caractéristiques de la maladie. Pour des millions de familles confrontées au déclin cognitif d’un proche, l’annonce avait suscité un immense espoir : celui d’un traitement enfin capable de ralentir la progression d’Alzheimer. Mais dès le départ, cette décision américaine avait soulevé des critiques. Car si le médicament agit sur un marqueur biologique, son effet réel sur les capacités de mémoire ou d’autonomie reste limité.

Une évaluation européenne plus prudente

En Europe, le parcours a été tout autre. L’Agence européenne du médicament (EMA) a d’abord recommandé un refus d’autorisation, estimant que le rapport bénéfice-risque n’était pas suffisamment favorable. Les experts pointaient un gain clinique modeste, face à des effets secondaires graves : œdèmes cérébraux, micro-hémorragies, et un risque accru pour les patients porteurs de certaines prédispositions génétiques.

La HAS, qui s’appuie sur l’analyse européenne pour ses propres décisions, a donc rejeté une approbation rapide. Pour l’autorité française, il n’était pas possible d’autoriser en urgence un traitement encore entouré d’incertitudes majeures.

Pourquoi ce refus en France ?

La réponse tient à plusieurs éléments. D’abord, l’efficacité démontrée reste jugée trop faible. Le Leqembi ne guérit pas Alzheimer et ne restaure pas les fonctions perdues ; il ralentit légèrement le déclin cognitif, sur une période limitée. Ensuite, le risque n’est pas négligeable : près de 20 % des patients des essais cliniques ont présenté des anomalies cérébrales détectées à l’IRM, parfois graves. Enfin, l’administration du médicament est contraignante : perfusion intraveineuse toutes les deux semaines et suivi médical rapproché.

En résumé, la HAS estime que les bénéfices ne justifient pas, à ce stade, une procédure d’urgence.

Les enjeux pour les patients et leurs proches

Cette décision provoque forcément une déception. Pour les familles confrontées chaque jour à la perte d’autonomie d’un proche, tout ralentissement de la maladie représente une lueur d’espoir. Mais la HAS défend une approche de prudence : protéger les patients vulnérables de risques encore mal maîtrisés.

Au-delà du cas du Leqembi, la question renvoie à un débat plus large : jusqu’où peut-on aller pour accélérer l’accès à des traitements innovants ? Faut-il accepter davantage de risques quand l’urgence médicale est immense ? Ou au contraire maintenir une exigence stricte de preuves solides avant toute diffusion ?

Et maintenant ?

L’histoire du Leqembi n’est pas terminée. L’EMA a finalement ouvert la voie à une autorisation restreinte, destinée à certains patients sélectionnés selon leur profil génétique, jugés moins exposés aux effets secondaires. Si cette recommandation se confirme, la France pourrait revoir sa position. Mais la HAS a rappelé qu’elle ne transigera pas sur la sécurité.

En attendant, les malades et leurs aidants devront encore patienter. Le message est clair : la recherche progresse, mais l’arrivée d’un traitement efficace et sûr contre Alzheimer reste une course de longue haleine.

Source : « La HAS refuse une approbation accélérée du Leqembi », communiqué, septembre 2025