Alzheimer : l'épaisseur de la matière grise, témoin précoce de la maladie

Elaborer un outil utilisable par le clinicien pour le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer est un défi de taille. Pourtant, une équipe de l'Inserm de Toulouse (Haute-Garonne) vient de mettre au point une technique rapide et simple de diagnostic à partir d’un simple IRM. Un procédé qui pourra de plus, être adapté à la détection précoce d'autres maladies du cerveau. Explications.


Le problème est connu depuis plusieurs années. Lorsque les chercheurs essaient de repérer de manière précoce la maladie d'Alzheimer à partir d'images du cerveau, la variabilité entre individus est trop importante pour dégager des règles simples de détection.

Ainsi, le volume de l'hippocampe, zone privilégiée de la mémoire et principale zone lésée par la maladie, peut être, paradoxalement, plus petit chez un individu sain que chez une personne malade. Cette mesure étant donc trop imprécise, les chercheurs de l'équipe de Pierre Celsis (Inserm Toulouse) ont étudié un autre critère : l'épaisseur corticale.

Le cortex ou substance grise contient les cellules nerveuses ou neurones qui sous-tendent les fonctions cognitives, sensorielles et motrices. Contrairement au volume de l'hippocampe, l'épaisseur du cortex varie peu entre les individus. La maladie d'Alzheimer affectant certaines zones corticales plus que d'autres, l'équipe a déterminé celles étant les plus sensibles à la maladie. Ainsi, la mesure de l'épaisseur moyenne de celles-ci permettra de prédire si le patient examiné évoluera dans un futur proche vers une maladie d'Alzheimer.

Les données utilisées proviennent d'une vaste cohorte américaine dont les sujets, suivis pendant deux ans et présentant des troubles légers de la mémoire, sont susceptibles d'évoluer, pour une proportion impossible à déterminer au départ, vers une maladie d'Alzheimer.

Les travaux des chercheurs de l'Inserm ont permis de montrer que la mesure de l'épaisseur corticale à partir de l'examen IRM pratiqué à l'entrée prédit correctement trois fois sur quatre (76% de prédictions exactes) l'évolution du patient dans les deux ans.

« Comme il est probable qu'au cours d'une période de suivi plus longue, davantage de patients « suspects » évoluent vers la maladie, le test offre vraisemblablement un pouvoir de prédiction encore meilleur à plus long terme » souligne le communiqué de l’Inserm. L'apport de la technique proposée se veut donc « particulièrement important chez les patients ayant un haut niveau d'éducation car, chez ceux-ci, la « réserve cognitive » masque longtemps la progression de la maladie ». In fine, cette méthode devrait permettre de détecter plus précocement ces patients.

Le logiciel développé par les chercheurs doit être maintenant validé par une large étude en population générale à partir des images fournies par des appareils d'IRM soigneusement réglés. Il pourra alors indiquer au médecin, en moins de 20 minutes, si le patient est hautement susceptible ou non de développer une maladie d'Alzheimer dans les mois ou années qui suivent. Pour Pierre Celsis « Cette information aidera le médecin à déterminer les modalités de suivi et de prise en charge de son patient, en relation avec son environnement familial ».

Finalement, en modifiant les zones corticales prises en compte dans le calcul de l'épaisseur, l'équipe Inserm espère pouvoir adapter cette technique à d'autres pathologies touchant le cortex. Des démences autres ou des pathologies altérant la substance grise pourraient elles aussi bénéficier d'un diagnostic plus précoce, d'un meilleur suivi et à terme, de traitements plus efficaces aux stades précoces voire même avant que la maladie ne se manifeste.

Ces travaux sont publiés dans la revue Brain.
Alzheimer : l'épaisseur de la matière grise, témoin précoce de la maladie

Publié le 29/05/2009 à 14:59 | Lu 4800 fois