Alzheimer : du calcium dans les neurones, élément-clé de la production des peptides amyloïdes ?

Deux équipes américaines en association avec deux groupes de l'Inserm accompagnés de chercheurs britanniques et italiens, viennent de publier des résultats qui apportent des éléments nouveaux et convergents pour étayer l'importance de l'influence des ions calcium dans la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer.


La maladie d'Alzheimer est une maladie neurodégénérative d'origine complexe. Elle est liée à la mort progressive des neurones. Cette destruction touche d'abord l'hippocampe, une petite zone du cerveau impliquée dans les mécanismes de mémorisation puis s'étend peu à peu à tout le tissu cérébral. Parallèlement, des dépôts amyloïdes s'accumulent sous forme de plaques séniles dont les peptides A bêta sont un des principaux constituants.

Comme le souligne le communiqué de l’Inserm, « l'origine de la maladie d'Alzheimer est hétérogène ». Elle repose sur l'interaction entre des facteurs de risque environnementaux mal connus et une susceptibilité individuelle d'origine génétique complexe. Aujourd'hui, le seul gène de susceptibilité à la maladie identifié sans ambiguïté ne suffit pas à expliquer l'ensemble des cas de la pathologie. Depuis plusieurs années, une région du chromosome 10 a été identifiée comme pouvant contenir un ou plusieurs gènes de susceptibilité à cette affection.

Partant de l'hypothèse que de nombreuses pathologies neurodégénératives sont induites par des dysfonctionnements de gènes exprimés essentiellement dans le système nerveux, les chercheurs ont repéré, dans des banques de gènes, ceux qui s'exprimaient de manière prédominante dans l'hippocampe, et situés sur le chromosome 10.

C'est ainsi que les scientifiques ont pu découvrir un gène dont la fonction était inconnue et qui pouvait être impliqué dans la maladie. Ils ont montré que le produit de ce gène contrôlait les concentrations intracellulaires d'ions calcium (Ca 2+) et l'ont baptisé CALHM1 (pour CALcium Homeostasis Modulator 1). Et le communiqué de rappeler que « les ions calcium jouent un rôle très important de « messager » à l'intérieur de la cellule. Et une augmentation ou une baisse de concentration intracellulaire de Ca2+ enclenche dans la cellule un certain nombre de réactions en cascade ».

Par des techniques de biologie moléculaire spécifiques, les chercheurs ont pu caractériser le produit de ce gène ainsi que certaines de ses propriétés biologiques. « Il s'agit d'une glycoprotéine transmembranaire retrouvée en grande quantité dans le cerveau » précise encore le communiqué de l’Inserm. Sa structure spatiale comprend une boucle hydrophobe traversant la membrane cellulaire, laissant supposer aux scientifiques que CALHM1 fonctionne comme un composant d'un canal ionique laissant passer les ions Ca2+. Des expériences d'électrophysiologie ont permis de confirmer cette hypothèse.

Plus concrètement, le rôle de cette protéine dans la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer a été montré grâce à l'identification d'une mutation associée au risque de survenue de cette affection. Ainsi, une étude regroupant un total de 3.304 cas et témoins provenant de quatre populations indépendantes a permis de montrer que la présence d'au moins une copie de cette mutation augmentait le risque de développer la maladie d'Alzheimer de l'ordre de 40 %.

En outre, les auteurs mettent en évidence l'association entre cette mutation et la dérégulation du transport des ions calcium à l'intérieur de la cellule. Ils montrent, simultanément le lien entre cette mutation et le contrôle du métabolisme de la protéine précurseur de l'amyloïde (APP), à l'origine d'un accroissement de la production de peptide A bêta.

Ces résultats apportent des éléments nouveaux et convergents pour étayer l'importance de l'influence des ions calcium dans la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer. Il s'agit d'une avancée essentielle pour comprendre le potentiel « dialogue pathologique » entre les déficiences de signalisation par le Ca 2+ et les voies d'accumulations du peptide A bêta.

« Ces travaux ont permis de mettre en évidence une nouvelle famille de canaux ioniques cérébraux dont certains variants pourraient constituer des facteurs de susceptibilité génétique de la maladie d'Alzheimer », estiment les auteurs. « L'identification de CALMH1 devrait permettre de mieux comprendre le rôle de ces ions calcium dans les mécanismes d'accumulation du peptide A bêta au sein du cerveau des patients atteints de maladie d'Alzheimer ».

Restera ensuite à explorer les nouvelles approches thérapeutiques dégagées.

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Cell datée du 27 juin 2008.

Publié le 03/07/2008 à 12:20 | Lu 9395 fois