Allergies : un quart de la population est touchée

Alors que se déroule actuellement à Paris au Palais des Congrès, le 14ème Congrès Francophone d'Allergologie (CFA), le Pr Philippe Bonniaud, président de la Société Française d'Allergologie, fait le point sur les allergies et sur le thème de cette édition qui s’est concentrée sur les allergies et les microbes.


L’allergie qui touche de nos jours un quart de la population générale est devenue un sujet de préoccupation majeure en santé publique. En quarante ans, cette proportion a été multipliée par 5, touchant aujourd’hui près de 18 millions de Français.
 
Classée par l’OMS Europe au 4ème rang des affections chroniques, l’allergie concerne à la fois l’enfant et l’adulte souffrant de réactions du système immunitaire vis-à-vis d’antigènes variés : aéroallergènes ou trophallergènes d’origine animale ou végétale, venins, molécules chimiques de l’environnement domestique ou professionnel, médicaments ou parfois inconnus.
 
Un nombre croissant de sujets (15-20% des allergiques) souffrent d’allergies sévères en raison de crises d’asthme, de réactions allergiques cutanées graves (toxidermies ou eczéma sévère), de polyallergies alimentaires, d’anaphylaxies médicamenteuses, alimentaires ou après piqûre d’insecte (notamment les hyménoptères – guêpes et abeilles-) potentiellement mortelles.
 
L’allergie concernera 50% de la population en 2025, induisant des coûts socio-économiques importants (WAO White Book on Allergy 2013 Update).
 
Allergologie est de racine hellénique « αλλος » allos, « εργον » ergon et « λογος » logos, signifiant respectivement « autre », « réaction » et « connaissance ». L’allergologue est donc le médecin des hypersensibilités liées au non-soi quel que soit le mécanisme sous-jacent impliqué.
 
La 14ème édition du Congrès Francophone d’Allergologie (CFA) a pour thème « Allergie et microbes ». Pourquoi un tel thème ? Parce que les maladies allergiques et donc ces hypersensibilités liées au non-soi, sont en lien direct, dans leur genèse et leur progression, avec l’environnement ; et parce que notre environnement est considérablement lié à ces microorganismes avec lesquels nous cohabitons le plus souvent sans nous en rendre compte.
 
Parfois ces microbes sont responsables plus directement de maladies nécessitant la prise d’antibiotiques eux-mêmes parfois source d’allergies. Dans un avenir très proche, les « microbes » pourront aussi faire partie des armes de prévention ou thérapeutiques de l’allergie…
 
Les points saillants de ce grand congrès de spécialistes
- La démographie médicale « allergologique » n’est pas en adéquation avec ses besoins (1 praticien pour 15 000 patients allergiques). Elle est le plus souvent catastrophique au sein des régions avec un âge moyen des allergologues autour de 57 ans. On estime qu’en 2020 il ne restera plus que 1 000 allergologues, et que seulement 5% d’entre eux auront moins de 44 ans.
 
- La désensibilisation aux venins d’hyménoptères (guêpes et abeilles) : les réactions allergiques sont potentiellement graves voire mortelles. Le traitement est l’immunothérapie spécifique (désensibilisation). Nous faisons face à une pénurie dramatique de venins en France pour cette désensibilisation imposant la réalisation de ces traitements dans des centres spécialisés.
 
La non-disponibilité des produits en pharmacie de ville, à proximité du lieu de vie du patient pose des problèmes majeurs pour l’entretien mensuel de ces désensibilisations. Les trajets imposés aux patients (parfois plusieurs centaines de kilomètres en voiture pour le trajet aller-retour de leur domicile au centre hospitalier de référence) induit non seulement le risque d’abandon du traitement par le patient mais également un sur-risque d’accident de la voie publique. Les autorités de santé ont été alertées à plusieurs reprises.
 
- L’Immunothérapie Allergénique (ITA) qui reste le traitement « sans compétiteur » pour l’allergie respiratoire modérée à sévère. Ce traitement est encore remboursé aujourd'hui mais avec une menace majeure de déremboursement dans les années proches. L'ensemble des composantes de l’allergologie française avec le Conseil National Professionnel d’Allergologie - CNPA - met en place des actions médicales et scientifiques pour défendre face aux instances gouvernementales ce traitement indispensable pour des milliers de patients.
 
- Le Projet d’Accueil Individualisé (PAI) : beaucoup de choses restent à faire pour être entendus auprès des autorités et des communes afin d'arriver à prendre en charge l’enfant allergique à l’école et notamment les allergies graves ayant parfois des conséquences tellement dramatiques…
 
- Certaines procédures, notamment pour les allergies alimentaires sévères ou les allergies médicamenteuses graves nécessitent parfois des explorations potentiellement dangereuses (tests de provocation) en hospitalisation de jour.
 
Il existe, pour des raisons purement économiques, une menace très sérieuse de non-remboursement de ces actes. Cela conduirait ipso facto à une absence de prises en charge possible des patients. Plusieurs actions sont entreprises mais nous ne pouvons malheureusement pas être rassurés pour l’instant.

Publié le 19/04/2019 à 01:00 | Lu 1268 fois