Voir ses parents vieillir... Comment s'en sortir ?

Avec l’aide d’Alexandra Horst, psychologue, chargée de coordination chez Vitalliance (société spécialisée dans l’aide à domicile) et Georges Arbuz, anthropologue et chercheur en gérontologie, Vitalliance propose aujourd’hui de réfléchir à la douleur de voir ses parents vieillir ainsi qu’au ressenti psy.


Etre confrontés au vieillissement de ses parents et devoir s’occuper d’eux au quotidien est une situation qui n’est pas toujours évidente à gérer et qui peut s’avérer même bouleversante... En effet, les rôles s’inversent : devenir parents de ses parents impose de nombreux choix et amène à plusieurs interrogations. On se demande alors comment faire face à ce sentiment de culpabilité quotidien, gérer son temps ou encore les conflits familiaux.
 
L’accompagnement de ses parents est une confrontation avec des aspects du vieillissement jusque-là ignorés, et qui nous oblige à affronter une certaine réalité. C’est pourquoi de nombreuses personnes choisissent souvent de nier la situation et préfèrent pallier ce problème en faisant le choix de l’institution spécialisée.
 
Pour Alexandra Horst, ce choix s’apparente à une stratégie de protection. En effet, l’accompagnement de ses parents mobilise un registre plus ancien et plus profond de notre propre personnalité : « voir ses parents vieillir, c’est entrevoir sa propre vieillesse ». On est alors confronté à des réflexions sur nous-mêmes : « Est-ce que je suis capable de m’occuper de mes parents ? Est-ce que mes enfants le feront pour moi ? Est-ce que je serais dans la même situation ?… »
 
Pour dépasser cette difficulté et accepter de voir ses parents vieillir, il faut donc être au clair avec soi-même sur le vieillissement. Il faut accepter cette étape de la vie et ne pas la renier.
 
Alexandra Horst analyse que l’accompagnement peut également être difficile pour des raisons :

- d’intimité : l’aide à un parent dépendant n’est pas seulement pratique mais passe aussi par une aide physique. Cette aide comprend des moments d’intimité (toilettes, lever, coucher…) qu’il est très difficile et délicat de partager avec ses parents. Ces actes, s’ils sont trop perturbants, doivent être réalisés par une tierce personne.

- d’éducation : l’accompagnement renvoie au passé donc aux relations que nous avons pu avoir avec nos parents lorsque nous étions enfants. Si des conflits relationnels ont eu lieu, il sera très difficile pour la personne de s’occuper de ses propres parents.

- relationnelles : l’aide que nous apportons à nos parents renvoie également au passé de chacun. Selon Alexandra Horst, nous avons tous une dette envers nos parents : « Il s’agit d’une dette inconsciente envers les personnes qui nous ont donné la vie. Cette dette s’apparente au devoir filial qui est constitutif de la relation que nous pouvons avoir avec nos parents. On ne peut pas la nier ».
 
Dans une fratrie, chaque membre n’aura pas tissé les mêmes liens avec ses parents. Chacun joue donc un rôle différent et n’aura pas le même investissement à leur égard. Et c’est au moment où ils sont confrontés à la dépendance, que cette dette refait surface et actionne ce sentiment de culpabilité. Cela peut même devenir un instrument d’emprise de la part de certains parents, qui n’hésitent pas à en jouer.
 
L’aidante est alors tiraillée entre le sentiment de ne jamais en faire suffisamment alors que dans le même temps, elle ressent cette obligation filiale. C’est à elle de poser des limites et de trouver un équilibre. Cette situation n’est pas toujours évidente surtout lorsqu’on est une femme et qu’on a déjà plusieurs rôles à assumer.

L’avis de Georges Arbuz, anthropologue, ancien directeur général de l’IFEPP (Institut de formation et d’études psychologiques et psychopédagogiques) et chercheur en gérontologie :

« L’accompagnement de nos parents âgés nous conduit à revisiter notre passé, à revenir à un univers mental et relationnel ancien et à affronter une réalité que nous avions, jusque- là ignorée. En devenant parents de nos parents, nous changeons de position dans la chaîne des générations. C’est à la fois une découverte et une épreuve puisque voir ses parents vieillir nous renvoie à notre propre finitude. C’est aussi un choc car il y a un déni complet de la société envers la vieillesse et tout ce qui s’y apparente dont la mort. L’idée de vivre éternellement est omniprésente dans le culte de la jeunesse et de la beauté. Donc lorsqu’on est confronté à la vieillesse de ses parents, c’est un dur retour à la réalité ».

Publié le 11/03/2015 à 01:00 | Lu 12797 fois