Vivre au quotidien avec une maladie cardiaque

Alors que se tenaient la semaine dernière à Paris au Palais des Congrès les 22ème Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (SFC), des professeurs et des médecins évoque les problèmes que peuvent rencontrer au quotidien, des patients atteints de maladies cardiovasculaires…font le point sur nos connaissances actuelles en matière de maladies cardiovasculaires. Conduite, sport, activité sexuelle, etc.





La vie adulte avec une cardiopathie congénitale par le docteur Laurence Iserin et le professeur Damien Bonnet de Necker à Paris

Depuis les années 60, le développement de la chirurgie des cardiopathies congénitales a permis à 80 % des enfants nés avec une malformation cardiaque d’atteindre l’adolescence et l’âge adulte y compris ceux ayant des cardiopathies d'une grande complexité. Cette nouvelle population d’adultes a augmenté au point qu'elle est aujourd'hui plus importante que la population pédiatrique. Certains d’entre eux mènent une vie normale dans tous les domaines. Pour d'autres, les problèmes médicaux sont nombreux et d'une grande diversité : problèmes cardiaques : troubles du rythme, insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, hypertension pulmonaire ; problèmes non cardiaques touchant le rein, les poumons, les os et les articulations.

Le succès du développement de la cardiologie congénitale de l'adulte

C’est une découverte importante puisque de nombreux aspects de la vie à l'âge adulte n'étaient pas connus avant que les enfants ne vieillissent : aptitude au sport et à la vie professionnelle, prévention des complications infectieuses par l'hygiène dentaire mais aussi les recommandations aux jeunes pour piercings et tatouages, assurabilité pour un emprunt ou un achat, etc.

Pour amener les enfants devenus adolescents et futurs adultes à ne pas sortir du circuit de soin, une nouvelle organisation se met progressivement en place afin qu’ils trouvent les ressources médicales nécessaires : consultation de transition adolescence-âge adulte et développement d'unités spécialisées dans la prise en charge des cardiopathies congénitales à l'âge adulte.

En France, le réseau M3C couvrant l'ensemble des régions françaises permet une offre de soin sur tout le territoire. Ces compétences médicales nouvelles mais encore trop rares permettent de :

- mieux prendre en charge les problèmes complexes de ces patients comme la grossesse qui est une situation à haut risque pour certaines patientes ayant des cardiopathies complexes, de l'hypertension pulmonaire ou une dilatation de l'aorte,

- guider les adolescents dans leur orientation professionnelle, leur contraception et la prévention des complications de leur cardiopathie par des programmes d'éducation thérapeutique dédiés,

- favoriser le maintien du suivi à l'âge adulte par une information utile relayée par les associations de patients.

- le handicap intellectuel, dû à l'association fréquente des cardiopathies congénitales avec des anomalies chromosomiques, créant pour les patients concernés une dépendance à leur famille ou à des institutions peu nombreuses.

Maladies cardiaques et activité sexuelle, incompatibilité ? par le professeur Gérald Roul de Strasbourg

L’activité sexuelle est un aspect important de la qualité de vie et de nombreux patients porteurs d’une affection cardiaque savent que leur maladie ne marque pas la fin de leur vie sexuelle. De nombreuses croyances persistent concernant l’activité sexuelle suite à une affection cardiaque.

Par exemple, certains pensent que l’activité sexuelle pourrait entrainer une « crise cardiaque » ou la mort subite. L’analyse des données disponibles montre effectivement une relation entre de tels événements et l’activité sexuelle. Toutefois, le risque absolu est minime : l’augmentation de risque absolue associée à 1 heure d’activité sexuelle par semaine est estimée à 2 ou 3 pour 10 000 patient-années. Ceci est surtout vrai pour les sujets dont le niveau d’activité physique est faible. L’entraînement à l’effort, réalisé de façon simple, comme le recommande la Fédération Française de Cardiologie (FFC), permet de réduire ce risque minime de 30 à 45%.

Les patients doivent être encouragés à reprendre le cours de leur vie aussi normalement que possible. Certains patients ont des craintes concernant leur niveau de performance ou sont dans un état dépressif réactionnel ce qui peut réduire leur libido et nuire à la qualité de leur activité sexuelle.

Après la phase de récupération, certains d’entre eux peuvent présenter un état dépressif qui est une évolution normale et dont les patients doivent être informés. Ils doivent en connaître le caractère passager (disparation souvent dans les trois mois qui suivent la phase aiguë) et l’absence d’augmentation d’éventuels problèmes sexuels préexistants. Le patient doit instaurer le dialogue avec son médecin généraliste et/ou son cardiologue ou être prêt à répondre sur ce thème si l’un de ses médecins lui en offre la possibilité.

La prise en charge sur ce point, doit leur permettre de retrouver confiance en eux-mêmes. Elle doit aussi faire passer certains messages tel que le rôle potentiel du traitement pharmacologique, en particulier celui des bétabloquants, des diurétiques et à un degré moindre des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC). Dans certains cas, de réels problèmes d’observance thérapeutique peuvent surgir. La discussion et les éventuels compromis sont là pour tenter d’aplanir les difficultés.

La dysfonction sexuelle peut certes se manifester suite à des problèmes cardiaques mais peut également être première notamment chez l’homme. Le diagnostic de dysfonction érectile est en effet plus simple que celui de dysfonction sexuelle chez la femme. Cette dysfonction érectile doit être documentée, recherche d’une maladie artérielle périphérique (l’artérite des membres inférieurs par exemple), et un bilan cardiovasculaire doit être proposé aux patients qui s’en plaignent au même titre que le bilan urologique.

Cet aspect est d’autant plus important que l’utilisation des médicaments pour pallier la dysfonction érectile est très répandue de nos jours et peut poser problème. Le rôle des médecins est donc ici essentiel dans la détection d’une anomalie du bilan cardiovasculaire mais aussi dans celui du conseil ou de l’orientation vers une structure dédiée permettant la poursuite d’une prise en charge adaptée.

La conduite automobile est-elle possible avec un défibrillateur ? par le docteur Aurélie Guiot de Rouen

Du fait de l’incidence élevé des pathologies cardiovasculaires, le nombre de patients porteurs d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) ne cesse de croître, avec actuellement près de 10 000 implantations par an en France.

Le bénéfice du DAI en termes de réduction de la mortalité a été clairement démontré mais son implantation peut aussi parfois avoir des conséquences importantes sur le mode de vie des patients, avec en particulier la question de la conduite automobile.

En effet, on sait qu’il existe un risque de syncope et d’accident chez ces patients, le plus souvent d’ailleurs lié à la cardiopathie sous jacente plus qu’à la présence du DAI.

Afin d’évaluer le risque d’accident corporel, plusieurs critères ont été pris en compte par l’European Heart Rhythm Assocaiation dans ses recommandations de 2009, comme le risque de récidive de l’arythmie, la probabilité que cette arythmie entraine une perte de conscience et la probabilité de décès ou blessure des autres usagers (temps de conduite, type de véhicule). On distingue essentiellement deux cas : les patients conduisant à titre privé (<36 000 km/an) ; et ceux conduisant à titre professionnel.

On différencie également les patients implantés d’un défibrillateur en prévention primaire (patient à risque d’arythmie mettant en jeu le pronostic vital mais n’ayant jamais eu d’arythmie ventriculaire soutenue), de ceux implantés en prévention secondaire (patients ayant survécu à une arythmie mettant en jeu le pronostic vital).

En France, là aussi de lourdes restrictions s’appliquent à la conduite professionnelle puisque la loi (arrêté du 21 décembre 2005) indique une incompatibilité à la conduite chez tous les conducteurs du groupe lourd (conducteurs de poids lourds, transports de personnes et enseignants de la conduite), et ce, que le DAI ait été implanté en prévention primaire ou secondaire. Cette interdiction n’est parfois pas sans poser problème sur le plan psychosocial, en particulier chez les patients jeunes du fait de la perte d’emploi ou du reclassement professionnel souvent imposé de ce fait.

En ce qui concerne les conducteurs de véhicule du groupe léger (permis A et B), une grande liberté de décision est laissée au cardiologue puisque la loi stipule que “la conduite sera reprise selon l’avis spécialisé” et “sous réserve d’une surveillance médicale régulière”.

L’interdiction à la conduite, temporaire ou définitive, est une situation souvent mal vécue par le patient, qui la perçoit comme une atteinte supplémentaire liée à sa maladie. L’information et l’éducation des patients et de leur famille quant aux restrictions liées à la conduite automobile sont essentielles.

Article publié le 16/01/2012 à 08:01 | Lu 3809 fois